tag:blogger.com,1999:blog-39486842665021646642024-03-28T07:39:40.678-07:00Chez MikalParce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteurMikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.comBlogger929125tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-19261669557689533862024-03-25T08:32:00.000-07:002024-03-26T08:41:32.652-07:00« Roméo et Juliette » de Serge Prokofiev - Opéra royal de Wallonie à Liège - 24/03/2024<p></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiJfvHwLy_jz45rKM2pfETbvGp_zAijDEWR5wXW_2UmS-cFiX48FecKoR2xHOmoMt5b7JV6CfhzYxcMT1Dyc2TV8jWGAbO0RstLjhkQphHJV0fiNessfjYJttvGltU5GLDkfIgyKXGUv4RxPxEavbV9_tc-df4JkMoG8hzBuMvpuYZIYX2rTb8a4Zw1g09e/s800/13.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="505" data-original-width="800" height="202" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiJfvHwLy_jz45rKM2pfETbvGp_zAijDEWR5wXW_2UmS-cFiX48FecKoR2xHOmoMt5b7JV6CfhzYxcMT1Dyc2TV8jWGAbO0RstLjhkQphHJV0fiNessfjYJttvGltU5GLDkfIgyKXGUv4RxPxEavbV9_tc-df4JkMoG8hzBuMvpuYZIYX2rTb8a4Zw1g09e/s320/13.jpg" width="320" /></a></div><p></p><h4 style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="font-weight: normal;">L’excellent Ballet National Tchèque se produit pour la première fois à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège : un événement fêté par un public enthousiaste, lors de cinq représentations données à guichets fermés.</span></span></h4>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Disparu tragiquement à seulement 45 ans suite à une intoxication médicamenteuse, le chorégraphe John Cranko
(1927-1973) a bâti sa réputation sur le travail réalisé lors de son
long mandat à la tête du Ballet de Stuttgart, dont il a fait l’une des
compagnies les plus en vues. Peu de temps après son arrivée dans la
capitale du Bade-Wurtemberg, le Sud-Africain choisit de consacrer son
premier projet d’envergure à <i>Romeo et Juliette</i> de Sergueï Prokofiev,
dès 1962 (soit bien avant la création parisienne confiée à Rudolf
Noureev, en 1984). Le succès immédiat permet au ballet de Prokofiev
d’obtenir une reconnaissance mondiale, bien au-delà des seuls extraits
tirés des suites d’orchestre, qui avaient fondé sa réputation au disque
comme au concert. Créé en 1938, puis révisé en 1940, ce ballet
appartient à la période soviétique de Prokofiev, où le compositeur fait
allégeance au régime totalitaire en privilégiant l’ivresse mélodique,
parfois à la limite du lyrisme. Loin des audaces rythmiques ravageuses
du début des années 1920, incarnées à la fois par la <i>Deuxième symphonie</i> et l’opéra <i><a href="http://chezmikal.blogspot.com/2015/12/lange-de-feu-de-serge-prokofiev-opera.html">L’Ange de feu</a></i>, le compositeur se permet de reprendre la célèbre et délicieuse <i>Gavotte</i> de sa <i>Première symphonie</i> (1918), d’inspiration néo-classique.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">En compositeur déjà très demandé pour les musiques de film (voir notamment <i>Alexandre Nevski </i>et<i> <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2023/10/ivan-le-terrible-de-serge-prokofiev.html">Ivan le Terrible</a></i>
pour le cinéaste Sergueï Eisenstein), Prokofiev étire ses mélodies
majestueuses et tisse des sonorités admirablement variées, en confiant
un rôle prépondérant au saxophone ténor. Outre ce plaisir strictement
musical, d’une émotion étreignante en dernière partie, le spectacle
bénéficie des chorégraphies souvent désopilantes de John Cranko, qui
multiplie traits d’humour et de malice pour tirer l’ouvrage vers
davantage de légèreté au début : cabrioles et facéties acrobatiques
rythment les tribulations amoureuses des trois jeunes soupirants du clan
Montaigu, dont Romeo à leur tête. On est bien loin des visions sombres
et sérieuses, préférées ailleurs. Dès lors que le tragique entre en
scène, avec la mort de Mercutio, le contraste n’en est que plus
saisissant, en plongeant les protagonistes dans une agonie inéluctable.
Auparavant, l’esprit festif et joyeux du spectacle revisite avec bonheur
les danses populaires moyenâgeuses, autour de costumes de toute beauté,
entre couleurs mordorées et matières chatoyantes.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Malgré une chute inopinée lors d’une scène secondaire au début, la Juliette incarnée par Alina Nanu séduit par ses déplacements aériens, en une grâce diaphane. Quasiment sur scène pendant toute la représentation, le Roméo de Paul Irmatov touche au but par son mélange de fragilité et de sensualité, en une solidité technique jamais prise en défaut. A ses côtés, Matěj Šust compose
un irrésistible Mercutio jusque dans son combat final, où il se moque
de son adversaire avec autant d’espièglerie que de brio. Enfin, le chef Václav Zahradník impressionne par la concentration qu’il impose aux instrumentistes liégeois dès le début de la soirée, entre <i>tempi</i>
étirés et savamment étagés, au bénéfice de sonorités d’une épaisseur
enveloppante, qui ne versent jamais dans un lyrisme excessif. Une très
belle soirée, à tous points de vue !</span></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-67772647986158481162024-03-24T07:38:00.000-07:002024-03-28T07:39:00.510-07:00« Nostalgia » d'après Giuseppe Verdi - Théâtre royal de La Monnaie à Bruxelles - 23/03/2024<div><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: inherit; font-size: large;"></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-family: inherit; font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhUbfLxM3SnZq85zBJZ16dsTmxqUq_0xhYWviRs0aNqEqDtY-wiWQ37r5SoUl4oWafMFIQfp7ercCQo0lFfO5JtS4tt8hOTZt6vrICuTGSsUAkQQorLRnGbSZI2TAIA53EcPp9A3Ue0pZpcxY3_cpwFvfhBw_EZuu7rGXTf-UlujNlmi6SgM4Jh5JdSryAj/s2500/13.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="2147" data-original-width="2500" height="275" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhUbfLxM3SnZq85zBJZ16dsTmxqUq_0xhYWviRs0aNqEqDtY-wiWQ37r5SoUl4oWafMFIQfp7ercCQo0lFfO5JtS4tt8hOTZt6vrICuTGSsUAkQQorLRnGbSZI2TAIA53EcPp9A3Ue0pZpcxY3_cpwFvfhBw_EZuu7rGXTf-UlujNlmi6SgM4Jh5JdSryAj/s320/13.jpg" width="320" /></a></span></div><p></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: inherit; font-size: large;"><i>Nostalgia</i>,
la deuxième partie du diptyque des extraits d’opéras de jeunesse de
Verdi, se déroule cette fois quarante ans après la révolution avortée de
1968 : meilleur que le premier volet, ce spectacle plus ramassé reste
toutefois en-deça des attentes, du fait de la faiblesse de ses enjeux
dramatiques, trop orientés vers le sentimentalisme.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: inherit; font-size: large;"> </span><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">La déception du premier volet venait de son histoire
trop simpliste, centrée sans consistance psychologique sur les
tribulations amoureuses de ses protagonistes. La deuxième poursuit dans
cette optique, en restant à la surface des questions de fond soulevées :
comment affronter une mémoire collective hétérogène ? Comment survivre à
la trahison de ses idéaux ? Comment poursuivre le combat dans une
société de plus en plus individualiste ? <br />
<br />
C’est là le principal écueil de ce diptyque qui place avant tout le
plaisir musical de l’exploration de nombreuses raretés, au détriment
d’un récit et de dialogues plus ambitieux. Quarante ans ont ainsi passé
depuis l’attentat suicide provoqué par Laura à la fin de <i>Rivoluzione</i>
: les protagonistes de l’époque évoquent leurs souvenirs divergents sur
les causes de ce drame, tandis que la jeune Virginia recherche son père
parmi eux. Les convictions d’hier ont parfois laissé place aux
compromis et aux désillusions, sur fond de vernissage arty mené par la
maîtresse de cérémonie Donatella, séductrice affairée à la seule
réussite de ses projets.<br />
<br />
Le spectacle bénéficie de sa durée plus courte (1h50 sans entracte) en
imposant la concentration sur le huis-clos dans un décor unique. Comme
la veille, les vidéos viennent rythmer le récit en le faisant avancer de
ses révélations un rien aguicheuses, à l’image de la piquante
Donatella, à la langue de vipère acérée. On flirte ainsi plusieurs fois
avec le soap opéra, même si certaines trouvailles (comme le fantôme de
Laura en violoniste soufflant sur les braises de sa vie brisée, en fin
d’opéra) viennent compenser ces quelques facilités. </span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjz4Gnh5aw-uxhO0xFTvmJ-fn-RNYZr2uNnXJdD0qSIn7Lo5vF-XUoxxPtRySwOJ0gT8vhaWYKNLJYpfZjqaKpiX1u9vFiNpkIkMfymqBZ6iSoXL6CYUa98TWXe9pixTVkxYf72HgxI2Scfx3aH6Y4jJqBPgG5lTKQJgDy6YGGIi_8ZMtVECYMU6i7KzjI4/s2500/12.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1721" data-original-width="2500" height="220" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjz4Gnh5aw-uxhO0xFTvmJ-fn-RNYZr2uNnXJdD0qSIn7Lo5vF-XUoxxPtRySwOJ0gT8vhaWYKNLJYpfZjqaKpiX1u9vFiNpkIkMfymqBZ6iSoXL6CYUa98TWXe9pixTVkxYf72HgxI2Scfx3aH6Y4jJqBPgG5lTKQJgDy6YGGIi_8ZMtVECYMU6i7KzjI4/s320/12.jpg" width="320" /></a></span></div><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;"><br /></span></span></div><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">
Les danseurs de rue se font cette fois plus discrets, en une présence
toujours plus décorative, tandis que le chœur est relégué en coulisses
ou sur les loges de côté, notamment lors de l’éclatement bruyant de
l’immense sculpture contemporaine en forme de barricade, pour le final
dédié au célèbre <i>Va, pensiero</i>.</span></span><br /><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">
</span></span><br /><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">
Le plaisir reste avant tout musical, du fait de la direction toujours
aussi inspirée de Carlo Goldstein, attentif autant à l’articulation
qu’aux nuances, le tout admirablement coloré par l’Orchestre symphonique
de la Monnaie. Là encore, les interprètes féminines dominent, notamment
la rescapée de la soirée précédente, Gabriela Legun (Virginia), qu’on
aurait souhaité entendre dans un rôle plus développé encore pour se
délecter de son brio vocal. </span></span><br /><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">
</span></span><br /><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">
Très investie dans les aspects dramatiques de son rôle, Helena Dix
(Donatella) a davantage de matière en comparaison, ce qui lui permet de
faire valoir sa diction millimétrée au service du sens. Si la projection
un rien modeste par endroit l’empêche de nous étourdir d’un mordant
plus solaire, son interprétation toute de malice et d’engagement reste
un des grands moments de la soirée. A ses côtés, Scott Hendricks (Carlo)
et Giovanni Battista Parodi (Giuseppe) font valoir une conduite de la
ligne très sûre, malgré un timbre trop terne pour l’un comme l’autre.</span></span><br /></div><div><p></p></div>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-27872499507609962342024-03-23T07:26:00.000-07:002024-03-28T07:33:28.902-07:00« Rivoluzione » d'après Giuseppe Verdi - Théâtre royal de La Monnaie à Bruxelles - 22/03/2024<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg2GQzKMGYYDSonWYx9mTAeHPziV3h06IaBSo7zpAKp6wPtlpBZdcANtnfAPpcnoF35lcUP34LRb9hiztNh47u41rfsRiu1KR9JGjiKNBxymeo2be_6JCUoGca0j9NK5qqCREuWWd4w-1XMWR-UkD8ob_N8PeM6xt5K2nOglLUldaUtLZlLAmfOZgTmU-AA/s2500/12.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1389" data-original-width="2500" height="178" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg2GQzKMGYYDSonWYx9mTAeHPziV3h06IaBSo7zpAKp6wPtlpBZdcANtnfAPpcnoF35lcUP34LRb9hiztNh47u41rfsRiu1KR9JGjiKNBxymeo2be_6JCUoGca0j9NK5qqCREuWWd4w-1XMWR-UkD8ob_N8PeM6xt5K2nOglLUldaUtLZlLAmfOZgTmU-AA/s320/12.jpg" width="320" /></a></span></div><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;"></span></span><p></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">Le
théâtre de la Monnaie de Bruxelles explore les raretés verdiennes des
années de galère en construisant deux pasticcios qui peuvent se
découvrir indépendamment. Le pari musicologique touche au but, mais la
soirée consacrée à Rivoluzione déçoit en raison de sa transposition
falote autour des conflits politiques et sociaux du printemps 1968.</span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">Belle idée que de faire découvrir la foisonnante
période de jeunesse (1838-1850) de Verdi, qui compose alors à un rythme
effréné pour asseoir sa réputation au-delà du succès de Nabucco (1842) :
pas moins de seize opéras en grande partie méconnus jalonnent ces temps
difficiles où dépression et doute assaillent régulièrement le
compositeur. Verdi est pourtant déjà au faîte de ses moyens, ce que confirme
l’agencement fluide des morceaux réalisé par le chef Carlo Goldstein.
Pour autant, le choix de conserver le texte original réduit les
possibilités d’une narration plus originale, volontiers détachée des
visées patriotiques, malgré l’idée d’une nouvelle histoire placée dans
les tourments révolutionnaires de 1968.<br />
<br />
Confiée à Krystian Lada, ancien dramaturge à la Monnaie, la première soirée appelée <i>Rivoluzione</i>
centre l’action sur quatre étudiants en révolte, auxquels se joint un
jeune ouvrier, bourreau des cœurs : les couples se font et se défont au
gré des manifestations, tout en s’interrogeant sur les formes que doit
prendre la lutte, notamment sur la pertinence du recours à la violence.
Les personnages sont pourtant réduits à de simples caricatures dont on
peine à s’intéresser à l’évolution. </span></span></p><p style="text-align: center;"><span style="font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj2iFJxtBUvwUlQOgHNnvrCMTHEQl8_qp_pC7kXfXWWb39KCg9N4zkA0GO7NqE1dO35koq81XNYm6K-_lY5n4-8BcOPalFwg-OvRZ16Cz1onKoU8n3B-GLk6i5ap8Pf0KldP7Z_yAUKC-MmI4ZwYKkaj9hgzoLMtnG6Effyo7kGCdXNgSG9rafNc364WCTL/s2500/13.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1801" data-original-width="2500" height="231" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj2iFJxtBUvwUlQOgHNnvrCMTHEQl8_qp_pC7kXfXWWb39KCg9N4zkA0GO7NqE1dO35koq81XNYm6K-_lY5n4-8BcOPalFwg-OvRZ16Cz1onKoU8n3B-GLk6i5ap8Pf0KldP7Z_yAUKC-MmI4ZwYKkaj9hgzoLMtnG6Effyo7kGCdXNgSG9rafNc364WCTL/s320/13.jpg" width="320" /></a></span><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;"><br /></span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">Seul le parcours de Laura vers la radicalisation échappe à cet écueil,
grâce aux nombreuses vidéos dialoguées qui jalonnent la soirée. Pour
autant, on reste déçu par le parti-pris trop consensuel sur la période,
qui passe au second plan les enjeux sociétaux et politiques pour se
concentrer sur les seuls tourments individuels. Dès lors, les
projections de splendides photographies d’archives en noir et blanc,
comme des inventifs slogans de l’époque, apparaissent comme autant de
vignettes charmantes mais superficielles. </span></span><br /><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">
</span></span><br /><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">
Que dire, aussi, de l’adjonction de danseurs de rue, cantonnés aux
mimiques saccadées et au doublonnage hystérique des personnages
principaux ? L’écrin visuel est certes soigné, entre éclairages variés
(contre-jours aveuglants) et ambiances cauchemardesques (scène de délire
de Laura), mais reste assez convenu au niveau de la direction d’acteur
sur 3h15 de spectacle.</span></span><br /><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">
</span></span><br /><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">
Heureusement, le plateau apporte beaucoup de satisfactions,
particulièrement côté féminin. Ainsi de Nino Machaidze, qui donne à sa
Laura toute la puissance de son incarnation, entre timbre corsé et
articulation agile. On aime aussi la Cristina de Gabriela Legun, pas
moins impressionnante d’intentions, entre technique superlative,
longueur de souffle et couleurs. Enea Scala (Carlo) compense une
émission parfois un rien métallique par l’emphase de son engagement en
pleine voix, au lyrisme dramatique débordant. </span></span><br /><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">
</span></span><br /><span style="font-size: large;"><span style="font-family: inherit;">
Justin Hopkins (Lorenzo) s’impose quant à lui par sa solidité sur toute
la tessiture, autour d’une belle résonance, tandis que Vittorio Prato
(Giuseppe) assure bien sa partie, malgré un manque de graves et une
composition parfois trop timide. Outre l’excellence de chœurs très
investis, on se délecte de la direction toute de lisibilité de Carlo
Goldstein, qui exalte les sonorités sans jamais céder au spectaculaire. </span></span><span style="font-size: large;"><br /></span></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-70319614628934302602024-03-22T07:08:00.000-07:002024-03-27T02:26:00.530-07:00« Fausto » de Louise Bertin - Christophe Rousset - Disque Palazzetto Bru Zane<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh-UJ-rFp-rca28skGWHFpxsQOE6LsMBBmc9ENlPKqHi7EymuRhjS2Q63i97Xas_wdx5DNWBRcnzur3W1KrN_Ykdd__mVjEgDjllblSJhwtFLLWkIr-Eq8Akh1YBaey5SGTyRKSRfLkKLpq6XlWcy3LtEVQ4QuP44Nb0iMK1xICyCTzxwyGlKugM7v08Fzv/s1500/12.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1500" data-original-width="963" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh-UJ-rFp-rca28skGWHFpxsQOE6LsMBBmc9ENlPKqHi7EymuRhjS2Q63i97Xas_wdx5DNWBRcnzur3W1KrN_Ykdd__mVjEgDjllblSJhwtFLLWkIr-Eq8Akh1YBaey5SGTyRKSRfLkKLpq6XlWcy3LtEVQ4QuP44Nb0iMK1xICyCTzxwyGlKugM7v08Fzv/s320/12.jpg" width="205" /></a></div><br /><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Ces dernières années, on ne peut qu’être impressionné par la curiosité
sans cesse approfondie pour l’exploration du répertoire des
compositrices, beaucoup plus étendu que celui imaginé de prime abord, du
moins pour ce qui concerne le XIX<sup>e</sup> siècle. Après avoir consacré <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2023/04/vingt-et-une-compositrices-francaises.html">l’an passé</a>
un passionnant coffret de huit disques à vingt et une d’entre elles, le
Palazzetto Bru Zane rend cette fois hommage à la figure de Louise
Bertin (1805‑1877), amie de Berlioz et Hugo, avec lesquels elle a fait
salon à Bièvres, entre autres personnalités. Avec <i>La Esmeralda</i>, Bertin bénéficie d’une adaptation du roman <i>Notre‑Dame de Paris</i>
par l’auteur lui‑même, obtenant rien moins qu’une création à l’Opéra de
Paris en 1836 : c’est là le point d’orgue, mais aussi la fin de la
carrière lyrique de Bertin, que le festival de Montpellier a permis de
redécouvrir en 2008,
avant un retour au Théâtre des Bouffes du Nord <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2023/11/la-esmeralda-de-louise-bertin-theatre.html">l’année dernière</a>. Au
préalable, Louise Bertin avait gravi les échelons un à un avec ses
précédents ouvrages, tous sertis de livrets aux fortes ambitions
littéraires, depuis <i>Le Loup‑garou</i> (1827) à l’Opéra Comique jusqu’à <i>Fausto</i>
(1831) aux Italiens : de quoi se confronter, dans ce dernier ouvrage, à
ses rivaux transalpins sur leur terrain, qui plus est dans la langue de
Dante.</span><br /><span style="font-size: large;"></span><span style="font-size: large;"></span><br /><span style="font-size: large;">
On se réjouit de pouvoir se découvrir cet ouvrage au disque, après le concert donné au Théâtre des Champs‑Elysées <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2023/06/fausto-de-louise-bertin-christophe.html">en juin dernier</a> avec les mêmes interprètes. L’adaptation du <i>Faust</i>
de Goethe, par la compositrice elle‑même, concentre le drame autour des
amours contrariés de Faust et Marguerite. C’est là davantage un <i>semi seria</i>,
avec plusieurs intermèdes comiques dans la tradition française de
l’époque, couplés à une virtuosité vocale à mi‑chemin entre les
exigences italiennes et les derniers ouvrages de Rossini à Paris. Outre
des passages plus germaniques de caractère, audibles dès l’Ouverture
cuivrée et dus à l’influence de son professeur, Reicha, l’opéra donne
une place soutenue aux chœurs, qui rappellent parfois ceux présents dans
la défunte tragédie lyrique, encore admirée par Spontini ou Berlioz. On
ne peut ainsi qu’admirer la variété de ton et d’atmosphère de la
musique de Bertin, qui semble savoir tout faire. Une démonstration à
même de prouver qu’elle doit avant tout sa réussite à elle‑même, et non
pas au seul soutien de son père, l’un des hommes puissants de son temps,
en tant que patron du <i>Journal des débats</i>.</span><br /><span style="font-size: large;"></span><span style="font-size: large;"></span><br /><span style="font-size: large;">
Pour traduire la réussite de cet ouvrage, il fallait aussi des
interprètes à la mesure de l’enjeu, ce que sont assurément Les Talens
Lyriques et Christophe Rousset : les sonorités des instruments d’époque
font merveille dans ce répertoire, qui gagne ainsi en rugosité et en
nervosité, s’éloignant des lectures trop doucereuses parfois audibles
dans le bel canto. Toute acquise à cette vision, Karine Deshayes déploie
dans son rôle de Fausto des trésors d’intensité, sublimés par un
instrument toujours ardent et parfaitement projeté. A ses côtés, Karina
Gauvin (Margherita) souffre parfois dans les passages rapides, autour
d’une émission un rien ampoulée. Mais le velouté de son timbre et
l’intelligence des phrasés font oublier ces quelques imperfections, et
ce d’autant plus qu’elle est parfaitement épaulée par un Ante Jerkunica
(Mefisto) à la présence pénétrante, entre timbre aux graves profonds et
facilité d’émission. Tous les seconds rôles, richement distribués,
emportent l’adhésion, à l’image du superlatif Chœur de la Radio
flamande, très attentif à la diction.</span><br /><span style="font-size: large;"></span><span style="font-size: large;"></span><br /><span style="font-size: large;">
Voilà une nouvelle réussite décisive du Palazzetto Bru Zane, qui n’a pas
fini de promener sa curiosité pour nous surprendre, bien loin des
sentiers battus. Chaudement recommandé !</span><br /><span style="font-size: large;"></span></div>
Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-79962053733849555592024-03-12T07:47:00.000-07:002024-03-12T07:47:47.786-07:00« Pulcinella » de Stravinsky et « L'Heure espagnole » de Ravel - Louis Langrée - Guillaume Gallienne - Opéra Comique - 11/03/2024<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgrUFUbRZzPIxsbyjRv62Zk1scX7dcs64UunmsDiLTznH0CKj1qPagWnY5F-TeZZ3xEbKP5kw6VikckQNRYl01yGkth4EKc3XOUl3O54BXiItZe2tCubM6kQITYMptj-fqQiDqbD-i1x1pJxM0ixxM8TEm8kkazcIjJ9MQ5yTsihnBBLAHdoJNVz3DFNX2T/s800/6%20Pulcinella%20DR%20S.Brion.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="399" data-original-width="800" height="160" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgrUFUbRZzPIxsbyjRv62Zk1scX7dcs64UunmsDiLTznH0CKj1qPagWnY5F-TeZZ3xEbKP5kw6VikckQNRYl01yGkth4EKc3XOUl3O54BXiItZe2tCubM6kQITYMptj-fqQiDqbD-i1x1pJxM0ixxM8TEm8kkazcIjJ9MQ5yTsihnBBLAHdoJNVz3DFNX2T/s320/6%20Pulcinella%20DR%20S.Brion.jpg" width="320" /></a></span></div><p></p><div class="vc_column_inner tdi_86 wpb_column vc_column_container tdc-inner-column td-pb-span8" style="text-align: justify;"><div class="vc_column-inner"><div class="wpb_wrapper"><div class="td_block_wrap tdb_single_content tdi_89 td-pb-border-top td_block_template_1 td-post-content tagdiv-type" data-td-block-uid="tdi_89"><div class="tdb-block-inner td-fix-index"><h4><span style="font-size: large;"><span style="font-weight: normal;">Quand le directeur de l’Opéra Comique – Louis Langrée
– reprend la baguette pour défendre l’un de ses répertoires de
prédilection, celui du début du XXe siècle, on peut être sûr que
vitalité et raffinement seront au rendez-vous ! Autour d’une
chorégraphie élégante mais un peu sage en première partie, la mise en
scène de Guillaume Gallienne touche finalement au but par son respect de l’esprit des deux ouvrages réunis, où burlesque et absurde dominent.</span></span></h4></div></div></div></div></div><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Igor Stravinsky a embrassé tout au long de sa
carrière plusieurs périodes stylistiques parfois contradictoires, des
premiers pas au souffle néo-romantique emprunté à son maître
Rimski-Korsakov, audibles dans les ballets <i>L’Oiseau de feu</i> (1910) et <i>Petrouchka</i> (1911), avant les audaces rythmiques et harmoniques du <i>Sacre du Printemps</i>
(1913), porteuses de scandale. Après la Première guerre mondiale, le
compositeur russe poursuit sa collaboration avec le chorégraphe Sierge
Diaghilev, fondateur des Ballets russes, mais assagit radicalement son
style pour privilégier une musique chambriste et tonale, avec plusieurs
emprunts aux musiques du XVIIIe siècle. Ce style néo-classique est
précisément initié lors de la création de <i>Pulcinella</i> en 1920, un ballet avec voix que l’on retrouve en première partie du spectacle présenté cette année à l’Opéra Comique.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Si l’argument est mince, en forme de marivaudage entre de jeunes
tourtereaux interprétés par les danseurs, c’est davantage la musique
lumineuse, virevoltante et pleine d’esprit de Stravinsky qui ravit tout
du long : de quoi démontrer la capacité du compositeur à revisiter des
mélodies empruntées à Pergolèse, en un style finement modernisé. Si les
trois jeunes chanteurs, tous issus de l’Académie apparaissent encore un
rien trop tendres, on est également déçu par les verdeurs de la
formation en effectifs réduits (une dizaine d’instrumentistes) de l’Orchestre des Champs-Elysées,
et ce malgré la direction pleine de panache de Louis Langrée.
Particulièrement, cors et hautbois paraissent plusieurs fois à la peine,
ainsi que les cordes bien aigrelettes.</span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg680UBS9eZ8oMpzMOwU85egpDbiH-aYUeOTiVwjPenJy-xmYiMLWRhuJidchnI12oo_8_-k7HbTN-epikCOBM1EmcW6UrD2I96JWpVvBDlXDOKPSkFFvEqp1tntF1Efbe34BtFpIV0_zdTqjiab30-l8SvAq6EfgzydQFhZsCa1SQ-NfMQMn5n3NQ5HTbQ/s800/10%20L'Heure%20espagnole%20DR%20S.%20Brion.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="533" data-original-width="800" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg680UBS9eZ8oMpzMOwU85egpDbiH-aYUeOTiVwjPenJy-xmYiMLWRhuJidchnI12oo_8_-k7HbTN-epikCOBM1EmcW6UrD2I96JWpVvBDlXDOKPSkFFvEqp1tntF1Efbe34BtFpIV0_zdTqjiab30-l8SvAq6EfgzydQFhZsCa1SQ-NfMQMn5n3NQ5HTbQ/s320/10%20L'Heure%20espagnole%20DR%20S.%20Brion.jpg" width="320" /></a></span></div><p></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Après l’entracte, le spectacle prend une tournure autrement plus
réussie, avec l’Orchestre des Champs-Elysées désormais étoffé jusque
dans les loges de côté : les sonorités se font plus harmonieuses pour
mettre en valeur les mélodies piquantes de <i>L’Heure espagnole</i> (1907) de Maurice Ravel,
tandis que Louis Langrée enchante par son mélange de vitalité et
d’expressivité, sans jamais oublier de faire ressortir quelques nuances
inattendues. L’argument emprunte au vaudeville par ses rebondissements
un rien prévisibles, mais séduit par son ton burlesque et surréaliste,
aux grivoiseries à peine voilées. Le livret confronte trois rivaux tous
affairés à séduire la belle Concepción, en s’amusant à moquer un vieux
barbon libidineux, comme un jeune premier plus amoureux de l’amour que
de sa Dulcinée, pour finalement préférer les ardeurs terre-à-terre d’un
gentil besogneux. La grande force du spectacle consiste à réunir une
distribution entièrement francophone, qui permet à l’auditeur de se
délecter de la nécessaire diction attendue. Ainsi de Stéphanie d’Oustrac
(Concepción), qui met tout son tempérament au service de ce rôle qui
prend davantage d’ampleur au fur et mesure du développement de la farce,
bien épaulée par les lignes claires de Philippe Talbot, dans son court rôle de Torquemada. A leurs côtés, Benoît Rameau compose un désopilant Gonzalve, au lyrisme débordant, tandis que Jean-Sébastien Bou (Ramiro) et Nicolas Cavallier (Don Iñigo Gomez) ravissent toujours autant par la noblesse de leurs phrasés.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">La mise en scène de Guillaume Gallienne joue quant à
elle la carte de la sobriété, en plaçant les deux spectacles dans un
décor unique ravissant, constitué d’une immense structure cubiste en
forme d’escalier, rappelant l’univers visuel de Giorgio De Chirico. Les
éclairages permettent toutefois de bien différencier les deux
atmosphères mises en contraste, avec des couleurs plus franches pour
figurer l’Espagne de carte postale voulue par Ravel. La mise en scène se
concentre surtout sur le jeu d’acteur en tentant de donner davantage de
consistance aux personnages, avec quelques artifices comiques bienvenus
(l’étroitesse de l’horloge où se cache le barbon ou le postiche mal
collé de Gonzalve).</span></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-40802456557866904032024-03-11T07:05:00.000-07:002024-03-12T07:48:44.782-07:00Concert de l’Orchestre symphonique de Londres - Simon Rattle - Philharmonie de Paris - 10/03/2024<p><span style="font-size: large;"></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiFrpUd3OZ47QCIgs8PoBJGK_TWLAb8D1abSuhODpwIXLHSXqQK_slTIcV72fZu2kgLRSAyRH-H9uRhL4bzgAC5ZXXxHqIdHIlPHfSPTe_epYcQygNQm_v3P8khAgK2RDDRIo5eLTUAi9OEGDWUVAawqAOOOhq8AMBhEhTzF0belnZswG99yQUk88KiZ7UR/s2560/6%20Pulcinella%20DR%20S.Brion.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1708" data-original-width="2560" height="214" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiFrpUd3OZ47QCIgs8PoBJGK_TWLAb8D1abSuhODpwIXLHSXqQK_slTIcV72fZu2kgLRSAyRH-H9uRhL4bzgAC5ZXXxHqIdHIlPHfSPTe_epYcQygNQm_v3P8khAgK2RDDRIo5eLTUAi9OEGDWUVAawqAOOOhq8AMBhEhTzF0belnZswG99yQUk88KiZ7UR/s320/6%20Pulcinella%20DR%20S.Brion.jpg" width="320" /></a></span></div><p></p><h4 style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="font-weight: normal;">L’Orchestre symphonique de Londres (LSO) et son chef Simon Rattle
achèvent une tournée qui les a menés de Dortmund à Luxembourg, avant
leur arrivée à Paris, pour deux concerts très attendus. Après le premier
d’entre eux dédié au répertoire américain (Gershwin, Harris et Adams)
la veille, place à une confrontation du classicisme souverain du </span><i><span style="font-weight: normal;">Concerto pour violon</span></i><span style="font-weight: normal;"> de Johannes Brahms (1878) aux déchaînements telluriques de la </span><i><span style="font-weight: normal;">Symphonie n° 4</span></i><span style="font-weight: normal;"> (composée en 1936, mais seulement créée en 1961) de Dmitri Chostakovitch.</span></span></h4><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Il est finalement bien peu d’occasion d’entendre en concert cet
ouvrage aux proportions hors normes en termes d’effectifs réunis (une
centaine d’interprètes), dont la complexité et la modernité d’écriture
(proche des audaces de son opéra <i>Le Nez</i>) nécessite un chef
aguerri à ce type de répertoire. Ainsi de Simon Rattle, qui après son
long mandat à la tête du Philharmonique de Berlin, se retrouve
aujourd’hui à la tête du LSO et de l’Orchestre de la Radio bavaroise,
excusez du peu ! A 69 ans, le chef britannique n’a rien perdu de son
énergie légendaire pour galvaniser ses troupes, promenant sa crinière
blanche dans toutes les directions avec une attention de tous les
instants : de quoi embrasser les changements d’atmosphère nombreux du
premier mouvement, le plus long de la symphonie, entre clarté des plans
sonores bien différenciés et précision rythmique dans les attaques.
Comme à son habitude, Rattle fait ressortir de nombreux détails dans les
<i>piani</i>, n’échappant pas en quelques endroits à une lecture un
rien séquentielle. La splendeur des timbres du LSO reste toutefois un
régal tout du long, tant Rattle s’évertue ainsi à les mettre en valeur,
sans jamais oublier d’insister sur les réparties ironiques et grinçantes
aux bois, rappelant en cela plusieurs sonorités audibles dans le <i>Concerto pour orchestre</i> de Bartók ou les <i>Symphonies</i> de Mahler (dont Rattle est un spécialiste). </span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Souvent imprévisible, ce premier mouvement force l’attention par son alternance de <i>tutti</i>
impressionnants de déflagration sonore, en contraste avec les passages à
l’esprit plus populaire et forain, sans parler de la course à l’abîme
du <i>Presto</i>, avec des cordes en <i>fugato</i>, ici très nerveuses. Le bref deuxième mouvement, <i>Moderato con moto</i>,
fait davantage de place aux sonorités piquantes, tour à tour
évanescentes et morbides, le tout merveilleusement étagé par Rattle,
avant la conclusion majestueuse entonnée par les cors, aidés des flûtes,
puis des violons en scansion. Le <i>Largo</i> qui suit entonne une
mélodie narrative au basson, presque en sourdine, bientôt reprise par
les autres vents. Le ton chambriste accompagne une musique plus
descriptive, qui laisse entrevoir entre les lignes les premières
désillusions de Chostakovitch face au régime totalitaire soviétique.
Rattle ne s’y trompe pas et ne verse jamais dans le triomphalisme,
notamment dans l’<i>Allegro</i> conclusif. La toute fin se montre
ainsi particulièrement glaçante avec sa scansion menaçante aux
contrebasses, qui s’équilibre peu à peu avec la mélodie principale, mais
sans jamais lui laisser prendre le dessus. Les dernières notes
énigmatiques au célesta gardent suffisamment d’ambiguïté et de distance
pour préserver la hauteur de vue attendue.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"></span></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhXO__7k9PM5R51S_cHdzl4OCC4uQ3wwzj57a_OGexanMdIgNET3q72X0x1JhZimW07LF0o5zPTLBFGD6qnYHmtSm_aRvtT2hyphenhyphenXm-HfcnlN-dq_ZiPnzGAX2vBOa1DUemWZzrY6SMwsxejSV86yNR9WkgtsWE0rmtfe0il5nyth6AA05taf4_VKjZGPrs-5/s748/10%20L'Heure%20espagnole%20DR%20S.%20Brion.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="748" data-original-width="640" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhXO__7k9PM5R51S_cHdzl4OCC4uQ3wwzj57a_OGexanMdIgNET3q72X0x1JhZimW07LF0o5zPTLBFGD6qnYHmtSm_aRvtT2hyphenhyphenXm-HfcnlN-dq_ZiPnzGAX2vBOa1DUemWZzrY6SMwsxejSV86yNR9WkgtsWE0rmtfe0il5nyth6AA05taf4_VKjZGPrs-5/s320/10%20L'Heure%20espagnole%20DR%20S.%20Brion.jpg" width="274" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Isabelle Faust<br /></td></tr></tbody></table><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Avant ce morceau de bravoure mémorable et évidemment applaudi
longuement, le concert avait débuté sous des hospices tout aussi
enthousiasmants avec le <i>Concerto pour violon</i> de Brahms interprété par une Isabelle Faust
(née en 1972) en état de grâce. La violoniste allemande n’a pas son
pareil pour se jouer de toutes les difficultés techniques avec une
facilité déconcertante, ce qui lui permet de laisser libre cours à son
art interprétatif, toujours d’une grande classe. Les parties verticales
très engagées la voient littéralement cravacher son instrument, en des
tempi mesurés qui restent toujours en phase avec les volontés de Rattle.
Très attentives dans ses nombreux dialogues avec les vents, Faust
s’apaise ensuite avec des notes bien déliées, laissant s’épanouir toute
l’expressivité des couleurs mises en avant par le chef, qui refuse tout
pathos excessif. La surprise du premier mouvement vient de la cadence
utilisée, qui délaisse celle du créateur et dédicataire Joseph Joachim,
pour lui préférer celle composée par Ferrucio Busoni en 1913. Isabelle
Faust avait déjà fait ce choix lors de la gravure de ce <i>Concerto</i>
avec Daniel Harding (Harmonia Mundi, 2011), confirmant tout le bien que
l’on pense de cette cadence lunaire, avec les timbales en
accompagnement.</span></div><p style="text-align: justify;"></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">La longue introduction aux vents de l’<i>Adagio</i> permet ensuite au merveilleux hautbois solo tenu par Olivier Stankiewicz
de se distinguer, en un son velouté à fleur de peau, que l’on retrouve
dans la conclusion de ce mouvement, aidé cette fois des cors, avec le
même tapis de velours suspendu. Le <i>finale</i> sautillant confirme
qu’Isabelle Faust sait tout faire, en maîtresse souveraine de son
instrument, sans jamais perdre de son allant et de son raffinement.
Après cette prestation de haute volée, l’Allemande s’adresse au public
en français pour lui annoncer un bis aussi surprenant que délicieux,
dédié à l’un des caprices de Charles-Auguste de Bériot. De quoi conclure
la première partie du concert, tout de fantaisie et de malice réunies.</span></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-60042482052394104062024-03-09T06:20:00.000-08:002024-03-11T07:37:14.681-07:00« Gosse de riche » de Maurice Yvain - Pascal Neyron - Théâtre de l'Athénée à Paris - 08/03/2024<p></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi8LPwfWmIhfkAye6OLpdLrWyXbkQFYxeTvFyG7IYzwJFkbwrKMcs_lB-GvRDCbGBji3y0eyZfgN5btQn1n3PeKYg4o-aSMqkKJEs_DO4bJAo6RhFBpXHdUZRyF62bvWFcR3LKNBzDSeNV9tf_K4NoHvQyOLz5_RCQtfGEVxj-7fuQZu_ITjk8tY96XIlx3/s1400/12.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="730" data-original-width="1400" height="167" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi8LPwfWmIhfkAye6OLpdLrWyXbkQFYxeTvFyG7IYzwJFkbwrKMcs_lB-GvRDCbGBji3y0eyZfgN5btQn1n3PeKYg4o-aSMqkKJEs_DO4bJAo6RhFBpXHdUZRyF62bvWFcR3LKNBzDSeNV9tf_K4NoHvQyOLz5_RCQtfGEVxj-7fuQZu_ITjk8tY96XIlx3/s320/12.jpg" width="320" /></a></div><p></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Il faut courir à l’Athénée pour applaudir la nouvelle production de la
compagnie Les Frivolités Parisiennes, qui confirme là toute son affinité
avec le répertoire de l’opérette et de la comédie musicale, de Reynaldo
Hahn (<i>O mon bel inconnu</i>) à André Messager (<a href="http://chezmikal.blogspot.com/2023/03/coups-de-roulis-dandre-messager-sol.html"><i>Coups de roulis</i></a>), en passant par Maurice Yvain (<a href="http://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=14991"><i>Là‑haut</i></a>).<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
C’est précisément ce compositeur, emblématique de la période des Années
folles, que l’on retrouve dans l’un de ses plus grands succès, <i>Gosse de riche</i>
(1924). Tout du long, on se délecte de l’orchestration piquante
réalisée pour la petite fosse du Théâtre Daunou, où l’ouvrage a été
créé, même si l’absence de chef est parfois audible dans les attaques un
rien trop doucereuses des Frivolités Parisiennes. Quoi qu’il en soit,
la musique d’Yvain sait renouveler le genre pour embrasser des mélodies
d’une fraîcheur guillerette, auxquelles il incorpore des rythmes de jazz
ou des danses à la mode (la java, notamment).</span><span style="font-size: large;"><br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
Si l’ouvrage (sans chœurs) paraît musicalement moins ambitieux par rapport à <i>Là‑haut</i> (1923), il brille par son livret désopilant et ses dialogues aux
réparties ironiques, parmi les meilleurs qu’il nous ait été donné
d’entendre dans ce répertoire. Il faut pourtant s’accrocher au début
pour digérer l’exposition un rien fastidieuse des enjeux entre les
nombreux personnages, indispensable pour savourer la suite. Comment
Colette, la « gosse de riche », va‑t‑elle réagir à la découverte de
l’existence de sa rivale Nane, à la fois amante de son soupirant et de
son père ? A cet imbroglio amoureux aux allures de vaudeville, les
librettistes ont la bonne idée d’ajouter une baronne ruinée et haute en
couleur, œuvrant pour ses finances comme pour le bien commun, en
maîtresse de cérémonie délicieusement manipulatrice. Autre atout
irrésistible, le personnage du faux mari Léon Mézaize, qui n’a pas son
pareil pour jouer la mouche du coche dans des scènes où sa présence est
incongrue !</span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhK6jA2NaWpCnC6t5WrqboVRr6592NAn70mgHo88o4x-qS8UGeVX0FzREoThsWiFcJOS1EZjPSOe4qDpkniTiU5StNbb8XwETjkna8Dzcwy3Fe2-ZeO4JGFtchAyvl2eyLfrxcvn5svbfy1Fx68TPJNXWvYFHm4v-Qp4LnXB82vpXCR6bWhLJp94J8Idubv/s1000/13.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="667" data-original-width="1000" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhK6jA2NaWpCnC6t5WrqboVRr6592NAn70mgHo88o4x-qS8UGeVX0FzREoThsWiFcJOS1EZjPSOe4qDpkniTiU5StNbb8XwETjkna8Dzcwy3Fe2-ZeO4JGFtchAyvl2eyLfrxcvn5svbfy1Fx68TPJNXWvYFHm4v-Qp4LnXB82vpXCR6bWhLJp94J8Idubv/s320/13.jpg" width="320" /></a></div><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">
Il fallait certainement toute la fantaisie débridée du metteur en scène Pascal Neyron (déjà acclamé <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2019/06/le-testament-de-la-tante-caroline.html">en 2019</a> dans <i>Le Testament de la tante Caroline</i>
de Roussel) pour rafraîchir les ficelles du vaudeville et leur donner
une actualité toujours débordante de vitalité frémissante. C’est bien
sur la direction d’acteur que s’appuie le travail de Neyron, qui
caractérise ses personnages par de multiples détails, des postures
d’ennui de la mère aux envolées aériennes des gestuelles de la Baronne,
sans parler du joli cœur André Sartène, aux atouts physiques
généreusement exposés d’emblée. La scénographie minimaliste oppose quant
à elle l’intérieur sombre de l’atelier de Sartène au lumineux et
fantasque manoir breton, où la plupart des nœuds de l’intrigue se nouent
et se dénouent.</span><br /><br /><span style="font-size: large;">
Si le livret moque l’opposition entre nobles désargentés et bourgeois
nouveaux riches, il insiste sur l’inculture de la mère de Colette,
incapable de se saisir des nouvelles tendances de l’art des années 1920.
Dans cette veine, la mise en scène a l’intelligence d’étoffer le rôle
de Lara Neumann (la Mère), en ajoutant une chanson bretonne en guise de
happening salvateur pour ce personnage finalement touchant. De quoi
marcher sur les pas de Michel Fau ou Jérôme Deschamps, déjà habitués de
ses interludes inénarrables, toujours en lien avec l’esprit de
l’ouvrage.</span><br /><br /><span style="font-size: large;">
Toute la joyeuse troupe réunie est emmenée par l’énergie débordante de
Lara Neumann et Marie Lenormand, à l’aisance scénique jubilatoire,
toujours juste, de même que le lunaire Charles Mesrine (Léon Mézaize).
Si Aurélien Gasse (André Sartène) a pour lui un très beau timbre et une
articulation précise, il lui manque un rien de conviction dramatique
pour nous emporter davantage dans son rôle. A ses côtés, Amélie Tatti
(Colette Patarin) pétille dans chacune de ses intentions, malgré une
projection réduite, tandis que Philippe Brocard (Achille Patarin) impose
sa présence sonore et généreuse, tout du long. Un plateau vocal de très
belle tenue, dont on ne doute pas qu’il va encore gagner en cohésion
ravageuse, au fil des prochaines représentations.</span><br /></div>
<div><p></p></div>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-51910061253517298772024-03-05T07:25:00.000-08:002024-03-07T07:28:00.806-08:00Concert du Philharmonisches Staatsorchester Hamburg - Kent Nagano - Elbphilharmonie de Hambourg - 04/03/2024<p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgLRdd7EjKHmfezP8UFzYhab3bbpEvzUvUg9CtEZNCAl-InO4zJamzGR7pYheuewa54KGXjnK09R4rxkvF0RqCLtdvidNNF1fhlrOSW91CkL90EXtLDRTLFqoMnUFEBOiQBKOWewmeqhHQv-x1Mrau0WrdX7-y9vFuUJ0D59VKxd5NKhcWLLJfNvr_fXs7y/s550/13.webp" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="550" data-original-width="550" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgLRdd7EjKHmfezP8UFzYhab3bbpEvzUvUg9CtEZNCAl-InO4zJamzGR7pYheuewa54KGXjnK09R4rxkvF0RqCLtdvidNNF1fhlrOSW91CkL90EXtLDRTLFqoMnUFEBOiQBKOWewmeqhHQv-x1Mrau0WrdX7-y9vFuUJ0D59VKxd5NKhcWLLJfNvr_fXs7y/s320/13.webp" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Kent Nagano</span></td></tr></tbody></table><br /></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">L’Orchestre philharmonique d’Etat de Hambourg figure parmi les
orchestres principaux de la deuxième ville d’Allemagne, aux côtés de
celui de l’Elbphilharmonie (ex‑NDR) : sa mission principale consiste à
accompagner toute la saison des opéras et ballets, mais il donne aussi
plusieurs concerts avec Kent Nagano, son directeur musical depuis 2015.
Eugen Jochum et Wolfgang Sawallisch en furent jadis deux des directeurs
les plus emblématiques, insistant chacun sur la primauté du répertoire
romantique, dont Bruckner est l’un des éminents représentants tardifs.<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
Avec la célébration du bicentenaire de la naissance du compositeur, on
ne peut que se féliciter de retrouver des ouvrages rarissimes au
concert, comme ceux <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2024/03/concert-du-philharmonique-de-berlin.html">récemment</a> entendus à Berlin et dans une moindre mesure la <i>Cinquième Symphonie</i>
(1878). Mal aimé, cet ouvrage au ton globalement sérieux fut pourtant
l’un des rares à ne pas être retravaillé durant plusieurs années,
Bruckner se sentant à juste titre très fier de son savant Finale. A lui
seul, ce dernier vaut tous les autres mouvements, tant le travail
contrapuntique impressionne par sa rigueur hypnotique, avant la longue
et majestueuse péroraison finale, parmi les plus réussies de son auteur.
A Hambourg, le chef américain Kent Nagano (né en 1951) aborde ce
dernier mouvement d’une traite, sans respiration : de quoi donner une
grande modernité à ce tour de force d’audace, avec des troupes chauffées
à blanc pour l’occasion.<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
Avant cette conclusion à la hauteur de l’événement, le concert avait été
malheureusement plus inégal, du fait de la volonté de Nagano d’éviter
tout pathos excessif. Si ce parti pris peut se défendre, on est moins
convaincu par les moyens employés pour y parvenir, notamment les
variations de tempo nombreuses entre verticalités sonores aux cuivres
prosaïques (la trompette surtout), en contraste avec les passages
apaisés, tout en sobriété. Nagano n’évite pas l’aspect séquentiel et
analytique de sa battue certes attentive, mais dont les attaques se
révèlent moins précises que celles d’Honeck <a href="http://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=16153">la veille</a>
la veille. On gagne en équilibre ce que l’on perd en électricité, en
une volonté de transparence toujours élégante dans la primauté donnée
aux cordes.</span><br /></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-52799776814679668582024-03-04T06:59:00.000-08:002024-03-07T07:27:51.920-08:00Concert du NDR Elbphilharmonie Orchester - Manfred Honeck - Elbphilharmonie de Hambourg - 03/03/2024<p></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi-XgbNOGv0Hvg4IQwnaJiSeSoqm-TJis6Zzjti-f1cN-x9NyDyaGgeRZQYQ_vWQKIiVJmWFyYpQg8vHGJOg_ERpYOzEu3jSS5qQXC1HUYXs1e5geajfHF7Cqit5fqK8uyJU0Iy53s1Dzo4qe9RXoc_2mXrre4jQ8XJQIwfqcL0PcUKa6Nuh_XhxfyAIDlv/s1283/12.png" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="955" data-original-width="1283" height="238" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi-XgbNOGv0Hvg4IQwnaJiSeSoqm-TJis6Zzjti-f1cN-x9NyDyaGgeRZQYQ_vWQKIiVJmWFyYpQg8vHGJOg_ERpYOzEu3jSS5qQXC1HUYXs1e5geajfHF7Cqit5fqK8uyJU0Iy53s1Dzo4qe9RXoc_2mXrre4jQ8XJQIwfqcL0PcUKa6Nuh_XhxfyAIDlv/s320/12.png" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Manfred Honeck</td><td class="tr-caption" style="text-align: center;"> </td><td class="tr-caption" style="text-align: center;"> </td><td class="tr-caption" style="text-align: center;"> </td></tr></tbody></table><p></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Depuis son inauguration en 2017, la Philharmonie de l’Elbe
(« Elbphilharmonie » ou « Elphi ») est devenu l’emblème de la ville de
Hambourg, en monument immédiatement identifiable sur la pointe du port.
On comprend pourquoi, tant est grand le choc visuel ressenti à la
découverte du bâtiment depuis la perspective de la <i>Speicherstadt</i>,
l’ancien quartier industriel magnifiquement restauré avec son immense
enfilade d’entrepôts en brique, tous bordés de canaux. Dans ce quartier
en pleine revitalisation, l’Elphi trône en majesté, offrant une vue
inoubliable sur l’étendue quasi infinie du port de Hambourg (le
troisième d’Europe après Rotterdam et Anvers). Le vaisseau aux allures
futuristes accueille deux salles de concert de respectivement 2 150 et
550 places, la plus grande répartissant le public tout autour de
l’orchestre, à l’instar des standards actuels pour ce type
d’équipements. Si l’extérieur éblouit, l’intérieur déçoit quelque peu,
avec son interminable ascension par les escalators et sa décoration
impersonnelle aux tons blanchâtres. Fort heureusement, l’Elphi assure
l’essentiel en offrant une acoustique d’une précision chirurgicale, à
même de faire ressortir les moindres subtilités orchestrales.</span><br />
<br /><span style="font-size: large;">
Depuis l’inauguration de cet équipement, l’Orchestre symphonique de la NDR a pris pour nouveau nom <i>NDR Elbphilharmonie Orchester</i>,
actant ainsi sa résidence dans les lieux : cet orchestre fondé en 1945 a
connu une renommée dans nos contrées sous le mandat de Günter Wand
(1912‑2002), qui s’est notamment illustré dans une intégrale de
référence des <i>Symphonies</i> de Bruckner, dans les années 1990. On retrouve donc cette formation dans l’un de ses répertoires de prédilection avec la <i>Neuvième</i>
(1896), le programme rappelant que cet ouvrage est interprété pour la
dix‑huitième fois en concert depuis le premier d’entre eux en 1960,
dirigé par Carl Schuricht.</span><br />
<br /><span style="font-size: large;">
Avant cela, le chef autrichien Manfred Honeck chauffe ses troupes en interprétant une courte pièce symphonique, <i>Elysium</i>
(2021) de Samy Moussa (né en 1984). D’emblée, le jeune compositeur
canadien impressionne par l’unisson puissant dans les graves, aux effets
de distorsion proches de ceux d’une platine vinyle mal réglée, avant
d’imposer des effets de masse, aussi spectaculaires qu’enveloppants.
L’uniformité tonale évoque les musiques de film actuelles, avec
plusieurs emprunts aux grands noms du passé, tels Richard Strauss (pour
l’utilisation des percussions), Aaron Copland (pour les appels clairs de
la trompette) ou Jean Sibelius (pour le dernier accord apollinien,
digne de son équivalent de la <i>Septième Symphonie</i>). La direction
haute en couleur de Manfred Honeck va dans le sens de l’œuvre, sans
chercher à faire ressortir une quelconque subtilité à cette avalanche
quasi-ininterrompue de décibels.</span><br />
<br /><span style="font-size: large;">
Honeck enchaîne immédiatement sur la <i>Neuvième Symphonie</i> de
Bruckner, en un début étonnamment doucereux : de courte durée, ce
prélude est suivi par une immense vague qui embrase tous les pupitres
d’une énergie roborative, impressionnante de mise en place millimétrée
dans les attaques. Il en sera ainsi toute la soirée, Honeck alternant
des verticalités sauvages et endiablées, avant de ralentir
ostensiblement les tempi dans les passages lyriques – ces derniers
donnés sans pathos, ni relief, mettent en avant des pupitres tous étagés
sur le même plan, en des notes bien déliées. Les bois, volontairement
plus anguleux, adoptent des saillies d’autant plus extraverties que le
tapis de cordes est allégé en contraste. Ce style alternant muscle et
mollesse brosse volontiers les intentions de Bruckner à rebrousse‑poil,
mais a au moins pour avantage de révéler des détails inattendus. Avec
cette lecture souvent déroutante (Trio lunaire et transitions parfois
maladroites), le Finale paraît plus réussi, notamment dans la violence
péremptoire de ses tutti, qui évoquent la fatalité de la mort, toute
proche pour le compositeur. Conscient de cet écueil, le pieux Bruckner
n’a‑t‑il pas dédié sa symphonie « au bon Dieu » ?</span><br /></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-61204187024912101502024-03-03T06:50:00.000-08:002024-03-07T07:24:18.675-08:00Concert du Philharmonique de Berlin - Christian Thielemann - Philharmonie de Berlin - 02/03/2024<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"></span></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiX2OkHKgrauBjpSxuc4ea2uqIFAquL_KXopV7sYVOB-pRCQeXktFDiZ2UzNGtZvLF_eXpbSnNuoLpmM6s_53hMLbQSV35cULcYF7pYAAJm7xcOPqRBdkTj4KpHCt0Sc3NZ5Km-7ldTXqJYdT8lew1y_bzWcyAuGoMa1trL-LuJ9WHlxhRuyCVXnNaQm07-/s468/13.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="340" data-original-width="468" height="232" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiX2OkHKgrauBjpSxuc4ea2uqIFAquL_KXopV7sYVOB-pRCQeXktFDiZ2UzNGtZvLF_eXpbSnNuoLpmM6s_53hMLbQSV35cULcYF7pYAAJm7xcOPqRBdkTj4KpHCt0Sc3NZ5Km-7ldTXqJYdT8lew1y_bzWcyAuGoMa1trL-LuJ9WHlxhRuyCVXnNaQm07-/s320/13.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr align="center"><td class="tr-caption"><h4><span style="font-size: x-small;"><span style="font-weight: normal;">Christian Thielema</span></span></h4></td></tr></tbody></table><p></p><h4 style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="font-weight: normal;">L’année 2024 célèbre le 200e anniversaire de la naissance d’Anton Bruckner
par deux raretés peu données au concert comme au disque : voilà
l’occasion de découvrir les deux symphonies que le compositeur
autrichien a écarté de la numérotation de son catalogue (au-delà des
neuf autres bien connues), avec le spécialiste Christian Thielemann, à la tête de l’un des tous meilleurs orchestres au monde, le Philharmonique de Berlin.
Le chef allemand s’est déjà illustré dans ce répertoire avec ses autres
phalanges favorites, à Vienne, puis Dresde, autour de deux intégrales
des onze symphonies du maître de Saint-Florian.</span></span></h4><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Outre une <i>Ouverture</i> en sol mineur et un Psaume 112, la <i>Symphonie</i>
en fa mineur (1863) est composée pour la fin des études avec le chef
d’orchestre Otto Kitzler, à Linz. A l’instar de son cadet Brahms,
Bruckner aborde tardivement le genre symphonique, en travailleur
infatigable déjà accablé par son perfectionnisme. A 39 ans, il a déjà
derrière lui une longue carrière de chef de choeur et d’organiste
réputé, sans parler de la réussite du concours de professeur de musique
au Conservatoire de Vienne, en 1861. Avant sa nomination dans la
capitale, il présente sa symphonie de fin d’études à son professeur, qui
la rejète comme « <i>insuffisamment inspirée</i>« .</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">L’audition de la «Symphonie 00» surprend d’emblée par son style
davantage tourné vers le passé, qui rappelle Mendelssohn et Schumann en
maints endroits. Dirigeant sans partition tout au long de la soirée,
Christian Thielemann embrasse ses troupes de son attention millimétrée,
en architecte qui croit à cet ouvrage sous-estimé. Le son plein et
généreux imprime des<i> tempi</i> assez vifs dans les <i>tutti</i>,
parallèlement à la révélation de nombreux détails dans les parties plus
pastorales, à la respiration plus apaisée. On reconnait déjà le
tempérament de Bruckner dans les envolées péremptoires et dantesques aux
cordes, tandis que les solos, souvent confiés aux bois, servent une
atmosphère globalement lumineuse et optimiste, en contraste. A l’inverse
des autres symphonies que Bruckner a constamment retravaillé toute sa
vie, celle-ci ne comporte qu’une seule version, ce qui lui donne une
certaine fraicheur dans son élan juvénile et naturel. Outre sa
perfection technique dans l’expression des couleurs, le Philharmonique de Berlin
impressionne tout du long par sa précision pour affronter les
nombreuses ruptures imposées par le chef, en maître des nuances et des
changements de <i>tempi</i>.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"></span></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgK3nWO2Xh8w-wlE0SeS6Ft8FFH0hignY86PF06Q1Nw67rgaMnVYUqARxham9olnvmKXz1jMRcfnaOjmxS_fEWfZ1S0QdAl3hfnXPqJljm_HBOANsP_xGu4iEALxl_oC29aF6idT_il-vjJWPT2GTcyLToFXR8USS9HGPn2bCLdJDS2_b79_fiy_PwfxTfv/s800/13.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="600" data-original-width="800" height="240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgK3nWO2Xh8w-wlE0SeS6Ft8FFH0hignY86PF06Q1Nw67rgaMnVYUqARxham9olnvmKXz1jMRcfnaOjmxS_fEWfZ1S0QdAl3hfnXPqJljm_HBOANsP_xGu4iEALxl_oC29aF6idT_il-vjJWPT2GTcyLToFXR8USS9HGPn2bCLdJDS2_b79_fiy_PwfxTfv/s320/13.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">La Philharmonie de Berlin<br /></td></tr></tbody></table><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Après l’entracte, place à un ouvrage dont le style initial fait
immédiatement penser à Bruckner, par son frémissement nerveux aux
cordes, comme son orchestration plus « wagnérienne », grâce à l’appoint
des cuivres. Initiée en 1864, la <i>Symphonie en ré mineur</i> a été achevée cinq ans plus tard, après la création de la <i>Première symphonie</i> numérotée (1866). Il s’agit donc, si on inclut la symphonie d’étude, de la <i>Troisième symphonie</i>
de Bruckner, mais rapidement reniée et surnommée « die Nullte » (la
« 0 »), par l’auteur lui-même. A l’écoute, on tient pourtant là un
ouvrage passionnant, malgré quelques faiblesses, notamment un trio
évanescent au III et un finale un rien confus.</span></div><p style="text-align: justify;"></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">En peu de temps, le langage de Bruckner est devenu plus affirmé, des
nombreux dialogues entre les pupitres de cordes, au souffle mélodique
ardent qui parcourt tout l’orchestre : Thielemann se saisit de cette
nouvelle maitrise en jouant plus encore sur la révélation des détails,
sans parler du soin porté aux transitions ou à la relance électrique du
discours musical. L’<i>Andante</i> fait valoir un thème tout en
fragilité aux cordes, tout en mettant en valeur les envolées aériennes
aux bois, avant un contrechamps déchirant aux altos. Le <i>Scherzo</i>
surprend ensuite par sa brève coda en forme de péroraison, rompant avec
le style habituel ultérieur, aux répétitions verticales volontairement
hypnotiques. Étourdissant de virtuosité maîtrisée sous la baguette de
Thielemann, le <i>Finale</i> prend des allures grisantes aux cordes, rappelant l’art vivace de Mendelssohn.</span></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-6089680459366205112024-03-02T06:45:00.000-08:002024-03-07T06:50:10.278-08:00« Les Brigands » de Jacques Offenbach - Katharina Thoma - Opéra de Francfort - 01/03/2024<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEis38jRTeVFfu0k2tpptityRhpxdS0tDseTXYe9d_PT4BH3ulYmgcmOzuJUs6FgaUP4fcOqlO9qNu4DXgOJb7qmYNAYkEapsAAyPtzo5-gR7dq7ItpCC-OPcZjXmiqo71wH9Xp5nKblrM8j6tb_YQ35PK2k0bw5SnWcPfFwxB1BKTTmwXHvJWO8lREQaHS4/s300/13.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="168" data-original-width="300" height="168" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEis38jRTeVFfu0k2tpptityRhpxdS0tDseTXYe9d_PT4BH3ulYmgcmOzuJUs6FgaUP4fcOqlO9qNu4DXgOJb7qmYNAYkEapsAAyPtzo5-gR7dq7ItpCC-OPcZjXmiqo71wH9Xp5nKblrM8j6tb_YQ35PK2k0bw5SnWcPfFwxB1BKTTmwXHvJWO8lREQaHS4/s1600/13.jpg" width="300" /></a></span></div><p></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">A l’instar de <i>George le rêveur</i> de Zemlinsky, présenté <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2024/03/der-traumgorge-dalexander-von-zemlinsky.html">la veille</a>, l’Opéra de Francfort s’offre en ce début d’année une autre création locale, avec <i>Les Brigands</i>
(1869) d’Offenbach (1819‑1880). De quoi se rappeler que le musicien né à
Cologne doit son patronyme à la petite ville proche de Francfort (à
peine 10 minutes du centre‑ville en train), qui la borde au sud‑est. La
musique d’Offenbach reste assez peu jouée outre‑Rhin, du fait de son
esthétique portée vers l’opéra‑comique français, entre textures
diaphanes, mélodies simples et piquantes, sans parler du refus de la
virtuosité vocale à l’italienne. En cela, Offenbach se montre un digne
héritier des Boieldieu, Auber et Adam, qui ont tous rencontré le succès
avant lui dans le même domaine léger.<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
Comme à son habitude, Francfort choisit d’adapter l’ouvrage dans sa
version allemande, afin de permettre à sa troupe d’éviter les pièges
d’une langue insuffisamment maîtrisée : le mélange de dialogues parlés
et de chant, propre à ce type d’ouvrages, nécessite en effet une diction
parfaite, à même de faire ressortir le crépitement des réparties
comiques. Le chef Karsten Januschke se montre très attentif à ce bijou
de précision rythmique qu’est <i>Les Brigands</i>, où le moindre détail
orchestral constitue un personnage à part entière. Sa direction
analytique fouille les moindres recoins de la partition sans jamais
oublier la relance du discours musical, faisant ressortir chaque nuance
en des tempi apaisés. Si ce geste manque parfois de naturel, il donne un
tapis de velours finalement très appréciable pour les interprètes,
jamais couvert par la fosse.</span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhTVnsSfp9daGzwiGDTPD8Wu0-gkbKUG27V4In6CvE5Chnui8eVHKX4SwYMCDziX7YrpM1OUBsacsqfbPFtaWf_sSdhB7iAF7Lh0w_gBdcdKJ9QiktwWETunnCV4bVfhqSpN-fUOPSbYSbaGeDW6T4mHYOvK76JcxCcEpg6-9hgj2ftMMqaFMhzbQSLWm0U/s300/14.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="168" data-original-width="300" height="168" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhTVnsSfp9daGzwiGDTPD8Wu0-gkbKUG27V4In6CvE5Chnui8eVHKX4SwYMCDziX7YrpM1OUBsacsqfbPFtaWf_sSdhB7iAF7Lh0w_gBdcdKJ9QiktwWETunnCV4bVfhqSpN-fUOPSbYSbaGeDW6T4mHYOvK76JcxCcEpg6-9hgj2ftMMqaFMhzbQSLWm0U/s1600/14.jpg" width="300" /></a></div><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">
Tout ce petit monde est emmené par l’énergie bon enfant de Gerard
Schneider, qui donne à son Falsacappa des trésors de tendresse et de
fantaisie, en lien avec ses faiblesses filiales peu
« professionnelles ». Si la voix met un peu de temps à se chauffer,
autour d’un timbre rauque mais bien projeté, son énergie communicative
et son aisance scénique finissent par emporter l’adhésion. Malgré
quelques suraigus arrachés en seconde partie, Elizabeth Reiter compose
une délicieuse Fiorella, du fait de sa gouaille bravache, comme de ses
qualités d’articulation. Plus légère mais aussi plus agile en
comparaison, la voix de Kelsey Lauritano (Fragoletto) se joue de toutes
les difficultés, même si on peut lui reprocher une interprétation un
rien trop convenue, à l’instar du pâle et raide Yves Saelens (Pietro).
Les rôles de caractère les plus réussis se situent du côté de Theo Lebow
(Campotasso), Abraham Bretón (Comte) et surtout de l’impayable et
irrésistible Peter Bronder (Antonio), en ministre des finances corrompu.
De quoi donner à la farce le grain de folie attendu, à l’image de la
désopilante scène des carabiniers, sans parler de celles avec le chœur,
globalement excellent de précision rythmique.</span><br /><br /><span style="font-size: large;">
Moins réussie au niveau visuel que celle de son précédent spectacle (<i>Martha</i> de Flotow, vu ici même <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2023/12/martha-oder-der-markt-zu-richmond-de.html">en décembre dernier</a>),
la mise en scène de Katharina Thoma souffre d’une direction d’acteur
parfois maladroite s’agissant des déplacements du chœur. Il aurait sans
doute fallu donner davantage d’espace aux interprètes, notamment dans
l’exploration des volumes en hauteur. Quoi qu’il en soit, les péripéties
dans l’auberge touche au but, rehaussées par la fantaisie des costumes,
surtout les espagnolades volontairement kitsch, tandis que
chorégraphies, très présentes tout du long, font souvent appel à des pas
de madison pour styliser le chœur à l’unisson. Si la transposition
contemporaine plutôt discrète n’apporte pas grand‑chose, elle a au moins
pour avantage de rester fidèle au livret.</span><br /><br /><span style="font-size: large;">
Une demi-réussite scénique pour cette entrée au répertoire, qui vaut avant tout pour l’énergie débridée de ses interprètes. </span><br /></div>
<div><p></p></div>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-9337576299814323942024-03-01T06:19:00.000-08:002024-03-07T06:46:00.257-08:00« Der Traumgörge » d'Alexander von Zemlinsky - Tilmann Köhler - Opéra de Francfort - 29/02/2024<p></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgA2rx_HNub-39hs1onnbwzRi7fNx3mrOj-eeCyl-k8q9mjt033tIjVq_l5xpzjK8yxj8tXMbZN8X7tFsJEIwKujeYeaLYBJL8VdVnW7sl51mlF8Zv5vQ6P3jexgTvGkDXcxDZAENQpJg4S62PCGgzbkdwOfJnf28bC4Klt8dZL5iBC2ZCnXCNMgCX4Er17/s1280/14.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="720" data-original-width="1280" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgA2rx_HNub-39hs1onnbwzRi7fNx3mrOj-eeCyl-k8q9mjt033tIjVq_l5xpzjK8yxj8tXMbZN8X7tFsJEIwKujeYeaLYBJL8VdVnW7sl51mlF8Zv5vQ6P3jexgTvGkDXcxDZAENQpJg4S62PCGgzbkdwOfJnf28bC4Klt8dZL5iBC2ZCnXCNMgCX4Er17/s320/14.jpg" width="320" /></a></div><p></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Soutenu par Brahms au début de sa carrière, Alexander von Zemlinsky
(1871‑1942) embrassa les modes alors en vogue pour ses deux premiers
ouvrages lyriques, le premier d’entre eux appartenant à une veine
orientaliste, avant que le deuxième n’emprunte à l’imaginaire féerique
des contes, à l’instar de Humperdinck. La création du troisième opéra, <i>George le rêveur</i>
(1906), fut ensuite annulée du fait du renvoi de Gustav Mahler de
l’Opéra de Vienne, alors principal soutien de Zemlinsky, avec
Schoenberg. L’ouvrage ne trouva jamais le chemin de la scène et tomba
rapidement dans l’oubli, avant qu’il ne resurgisse des archives
viennoises pour une création tardive en 1980. La musique opulente et
expressive fait immédiatement penser à la fantaisie symphonique <i>La Petite Sirène</i>
(1903), elle aussi redécouverte dans les années 1980, suite à son rejet
par le compositeur, insatisfait de ce style postromantique au lyrisme
débordant (voir notamment <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2015/10/concert-de-lorchestre-national-de_22.html">en 2015</a> à Paris).<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
Plus sombre, l’atmosphère de <i>George le rêveur</i> épouse le mal être
existentiel du rôle‑titre, un idéaliste prisonnier du corset d’une
société villageoise aux mœurs traditionnelles. Le refuge dans l’univers
confortable des rêves et des contes de fées n’est qu’un prétexte pour
échapper aux attendus sociaux, du refus du mariage arrangé avec une
paysanne prosaïque à l’incapacité de mener une révolte ouvrière, en tant
qu’intellectuel isolé des préoccupations fédératrices. Comment
affronter la réalité du monde (notamment l’absurde répétition des
guerres) et acquérir une conscience politique autonome ?<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
Le récit initiatique de George, baigné de relents symbolistes et
psychanalytiques, souffre toutefois d’une action trop réduite, qui
embarque son anti‑héros et sa muse en des réflexions philosophiques
parfois inutilement alambiquées, sans éviter quelques redondances
fastidieuses au dernier acte, plus faible que les précédents en
comparaison. La musique, d’une richesse harmonique haute en couleur mais
un rien trop prévisible, fait s’entrecroiser les mélodies entre elles
en un style proche de Richard Strauss, mais sans les audaces vénéneuses
de <i>Salomé</i>. Les ouvrages suivants de Zemlinsky sauront gagner en
subtilité par des alliages de timbres plus ambigus et morbides, proches
de son cadet Schreker, en lien avec des livrets plus cruels (notamment <i>Le Nain</i>, en 1922).</span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhIMX2GnZ5iolrXiNccWQZYiK0zgH_Onpx3d3l3C2-5aoP5dzImnsKQLrCA2JjSRlZJed5tyEswP1o-ZX2Wfv9XSbk1Of3poInQgw3iwGLn6psZgzLY2vsdMSiLVyqUHgfTGNTyICswjywhKnL_3z8JpZVYVd8HvsicJpw9MkYh97ZqDw1iWzWG5fh3tBQ4/s1200/13.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="675" data-original-width="1200" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhIMX2GnZ5iolrXiNccWQZYiK0zgH_Onpx3d3l3C2-5aoP5dzImnsKQLrCA2JjSRlZJed5tyEswP1o-ZX2Wfv9XSbk1Of3poInQgw3iwGLn6psZgzLY2vsdMSiLVyqUHgfTGNTyICswjywhKnL_3z8JpZVYVd8HvsicJpw9MkYh97ZqDw1iWzWG5fh3tBQ4/s320/13.jpg" width="320" /></a></div><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">
Redécouvert à Dijon <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2020/10/gorge-le-reveur-dalexander-von.html">en 2020</a> en une réduction chambriste, <i>George le rêveur</i>
gagne à être entendu dans sa version originale, tant les effets de
masse impressionnent dans les scènes les plus réussies, comme le finale
dantesque du second acte : la foule cerne alors les deux tourtereaux
pour les conduire au bûcher, en une musique spectaculaire, ce qui
conduit à un contraste saisissant au début de l’épilogue, aux effets
harmoniques plus intimistes et audacieux, confiés à la facétie narquoise
des bois. Tout amoureux de l’orchestre est ici à la fête, et ce
d’autant plus que le geste enflammé de Markus Poschner lui donne une
sorte d’évidence dans les enchaînements, à force d’attention à la
narration expressive. L’Opéra de Francfort a souhaité préserver cette
captation pour le disque, grâce à son partenariat avec <i>Naxos</i>.</span><br /><br /><span style="font-size: large;">
C’est la une initiative heureuse, tant le plateau vocal se montre lui
aussi à la hauteur de l’événement. Ainsi du rôle‑titre écrasant confié à
AJ Glueckert, qui démontre une nouvelle fois ses qualités de phrasés,
d’une noblesse éloquente sur toute la durée du spectacle (trois heures, y
compris un entracte). Seule la puissance lui fait parfois défaut face
aux déchaînements de la fosse, à l’inverse de sa partenaire Zuzana
Marková (Gertraud et La Princesse), idéale en ce domaine, comme dans la
présence dramatique. On retient aussi le chant ardent de Magdalena
Hinterdobler (Grete), très solide techniquement, de même que le
superlatif Iain MacNeil (Kaspar), d’un engagement toujours sans faille,
entre mordant d’intention et précision d’articulation. On aimerait le
retrouver dans un rôle plus étoffé encore, à la mesure de ses immenses
possibilités.</span><br /><br /><span style="font-size: large;">
En attendant, il faut courir applaudir cet ouvrage rarissime, dans une
mise en scène minimaliste (un rien trop prudente) qui insiste sur
l’enfermement mental de George, avant de se délecter des prochaines
reprises très attendues à Francfort en mars, <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2019/03/carmen-de-georges-bizet-barrie-kosky.html"><i>Carmen</i> de Bizet</a>, puis <a href="http://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=14791"><i>L’Italienne à Londres</i> de Cimarosa</a>.</span></div>
<p></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-3058744924799430732024-02-29T06:21:00.000-08:002024-03-07T06:31:51.090-08:00« Falstaff » de Giuseppe Verdi - Opéra royal de Wallonie à Liège - 28/02/2024<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiB-SMh70yuTZUD-anui60UnzRK-hxQGHeAHGCN1u4GnXQbzPlM1jHG-CWwEdbnFoe_rnJMFB86mQc2wbLTcYkPrQIivSKNs7JdZXS6Sh5iUHtjTDapjlmJ7f7kNVzc5Xv1NwXGACVFeeqcnzW6DIlUpq0o3pS3q-N8Hv7zwF4ZuGytUDaDW1Xxy0k_5rFP/s951/12.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="609" data-original-width="951" height="205" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiB-SMh70yuTZUD-anui60UnzRK-hxQGHeAHGCN1u4GnXQbzPlM1jHG-CWwEdbnFoe_rnJMFB86mQc2wbLTcYkPrQIivSKNs7JdZXS6Sh5iUHtjTDapjlmJ7f7kNVzc5Xv1NwXGACVFeeqcnzW6DIlUpq0o3pS3q-N8Hv7zwF4ZuGytUDaDW1Xxy0k_5rFP/s320/12.png" width="320" /></a></div><h4 style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="font-weight: normal;">Le tout dernier opéra de Giuseppe Verdi, <em>Falstaff</em>
(1893), fait parti de ces ouvrages dont on n’a pas fini d’explorer les
richesses, tant celui-ci regorge d’inventivité dans les moindres recoins
de la partition, tout particulièrement au niveau de l’orchestration
pétillante et quasi-pointilliste dans sa caractérisation des situations.
A presque 80 ans, le maître italien émerveille par sa capacité à varier
les atmosphères, de la verve haute en couleurs du rôle-titre,
ridiculisé pour ses petitesses et sa vantardise, aux mélodies plus
épanouies des deux jeunes tourtereaux Fenton et Nannetta (dont le
lyrisme frémissant évoque le vérisme, alors en ascension). Que dire,
aussi, de la palette subtile aux bois pour ciseler les atmosphères
fantastiques au dernier acte, avant une magistrale fugue entre les dix
interprètes pour conclure l’opéra ? Coté chant, Verdi laisse de côté la
primauté d’une expression ardente pour préférer un quasi <em>parlando</em> continu, à même de coller au plus près des situations comiques. Avec l’aide du compositeur et librettiste Arrigo Boito,
Verdi rend ainsi un digne hommage à son dramaturge préféré,
Shakespeare, tout en faisant mentir le fielleux Rossini (qui avait
déclaré que Verdi n’avait pas la fibre comique).</span></span></h4><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Pour mettre en valeur cet ultime chef d’oeuvre, l’Opéra Royal de Wallonie-Liège a eu la bonne idée de reprendre la production très réussie de Jacopo Spirei (né en 1974), qui avait été créée en 2017 à Parme
: l’ancien assistant de Graham Vick donne d’emblée le ton en montrant
un immense drapeau britannique en guise de rideau de scène, aussi
défraîchi et sale que Falstaff lui-même. La transposition contemporaine
montre le laisser-aller du vrai-faux héros, autant dans son aspect
physique dégradé que son intérieur exigu. Très fidèle au livret, ce
travail s’appuie sur un décor déstructuré et volontiers cubiste, qui
ravit par sa fantaisie bon enfant, tout en insistant sur les oppositions
sociales entre les protagonistes. Les éclairages très variés, comme les
costumes inventifs, donnent une identification visuelle de toute
beauté, même si la dernière partie reste plus timide dans l’évocation du
merveilleux.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjFrl5lBPIPkPwoW9eHiSIrjeTCTvboIuWu2x5FZdgrQ1ukzAzHKAS9w6NNQY-ws-6sxSOymUfUuJJ50jCqEztKiwXhuVG6DEqpJvl8V1XtiVA5vDMQ7vf94CoG6K2_2ftEbf45brWZjJLqU1kUGo367iCjqJy92D0PGxn74o7BCBAbKP4JipcPeIHuHQLe/s2500/13.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1664" data-original-width="2500" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjFrl5lBPIPkPwoW9eHiSIrjeTCTvboIuWu2x5FZdgrQ1ukzAzHKAS9w6NNQY-ws-6sxSOymUfUuJJ50jCqEztKiwXhuVG6DEqpJvl8V1XtiVA5vDMQ7vf94CoG6K2_2ftEbf45brWZjJLqU1kUGo367iCjqJy92D0PGxn74o7BCBAbKP4JipcPeIHuHQLe/s320/13.jpg" width="320" /></a></span></div><p></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Avec Pietro Spagnoli, on tient un des meilleurs
interprètes du rôle-titre, capable de rendre crédible la grandeur
tragique de ce noble désargenté, par un mélange subtil entre verbe
éloquent et prétention ridicule. C’est peu dire qu’il possède le
physique du rôle, autour d’une présence scénique qui impressionne tout
du long, entre débit sonore, aussi fluide que parfaitement articulé. On
aime aussi l’autorité naturelle de Simone Piazzola (Ford), à la projection insolente de facilité sur toute la tessiture, de même que le timbre velouté et harmonieux de Marianna Pizzolato
(Mrs Quickly), toutefois plus timide dans le médium. Tout le reste du
plateau se montre d’une homogénéité superlative, à l’instar d’une Marie-Andrée Bouchard-Lesieur (Meg Page), toujours aussi impressionnante au niveau technique.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Falstaff ne saurait être réussi sans un maestro accompli dans la fosse : ainsi de Giampaolo Bisanti, qui confirme là tout le bien qu’on pense de lui (voir notamment les récents <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2023/11/les-contes-dhoffmann-de-jacques.html"><em>Contes d’Hoffmann</em></a> <em>in loco</em>), en directeur musical attentif à la mise en place de ce bijou de précision qu’est <em>Falstaff.</em> Le geste vif et allant reste toujours au plus près de la narration, sans jamais couvrir ses chanteurs (hormis dans la <em>fugue</em>
conclusive, un rien trop sonore). De quoi donner beaucoup de hauteur à
l’ensemble, à même d’expliquer l’accueil chaleureux du public, venu en
nombre pour l’occasion.</span></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-65119710130151531492024-02-27T06:32:00.000-08:002024-03-07T06:38:02.495-08:00« Cinq cantiques » de Benjamin Britten - Allan Clayton - Théâtre de l'Athénée à Paris - 26/02/2024<p></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgtmw7oq_JtXksshmJ8pHlPmRCZah_aqunxkHnN0bPe_ed1nnifY3r6syBpKmE2rmhcx_XcL3FUr88majoywuoZglaw6s2zSZR_nwiccqTCzu9L1L-hZwTqZGEepjV_Z3_dbruM6ca9rQ5tJk7OdaXcY_d95iM0YAXUv2DZ4_casoe7crqlPSYS1qu5y9o2/s2500/13.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="2500" data-original-width="2000" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgtmw7oq_JtXksshmJ8pHlPmRCZah_aqunxkHnN0bPe_ed1nnifY3r6syBpKmE2rmhcx_XcL3FUr88majoywuoZglaw6s2zSZR_nwiccqTCzu9L1L-hZwTqZGEepjV_Z3_dbruM6ca9rQ5tJk7OdaXcY_d95iM0YAXUv2DZ4_casoe7crqlPSYS1qu5y9o2/s320/13.jpg" width="256" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"> Allan Clayton</td></tr></tbody></table><br /><p></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Dans le cadre des « Lundis musicaux à l’Athénée », l’ensemble Le Balcon
propose l’un des programmes les plus audacieux de la saison autour des
cinq cantiques composés par Benjamin Britten tout au long de sa
carrière, de 1947 à 1974. Rarement donnés (voir le dernier spectacle
parisien qui leur a été consacré, en 2015),
ces ouvrages intimistes, à mi‑chemin entre la mélodie et la cantate,
mettent en avant le goût inépuisable de Britten pour la poésie, qui
l’accompagna dès ses premières compositions, notamment les <i>Quatre Chansons françaises</i> pour soprano et orchestre écrites à seulement 15 ans, sur des poèmes d’Hugo et Verlaine.<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
Le spectacle invite dès le début à la concentration, lorsque la
récitante Harriet Walter rejoint la scène pour lire en anglais
(malheureusement sans sous‑titres) le poème ayant servi d’inspiration au
premier cantique, <i>My Beloved is Mine and I am his</i> (1947). La
soirée sera ainsi rythmée, entre poésies dévoilées par le ton clair de
Walter, puis chantées dans les adaptations réalisées par Britten. La
scène est légèrement éclairée, grâce aux quelques ampoules réparties
autour du piano placé au centre, du fait de son rôle omniprésent (hormis
dans le cinquième cantique, dont l’accompagnement est confié à la
harpe). Allan Clayton émerge de la pénombre pour nous régaler de ses
phrasés finement articulés, où chaque mot est ciselé au service du sens.
Déjà interprète du rôle‑titre de <i>Peter Grimes</i> à Garnier <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2023/01/peter-grimes-de-benjamin-britten.html">l’an passé</a>,
le ténor britannique impressionne par sa souplesse dans les changements
de registre, se jouant des passages en force comme des réparties plus
apaisées avec une égale rondeur, hormis dans le suraigu un rien plus
charbonneux. Ca n’est là qu’un détail, tant Clayton apparait comme l’un
des meilleurs interprètes de notre temps dans ce répertoire, à juste
titre fêté en fin de représentation.<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
La suite du spectacle fait découvrir les cantiques dans l’ordre inverse
de leur composition, du cinquième au deuxième, afin de conclure la
soirée par le plus émouvant d’entre eux, dédié au quasi-sacrifice
d’Isaac par son père Abraham. Le <i>Cantique V « The Death of Saint Narcissus »</i>
(1974) fait initialement valoir une utilisation inattendue de la harpe
en accompagnement, avec des verticalités hautes en couleur parfaitement
rendues par Olivia Jageurs. Le <i>Cantique IV « The Journey of the Magi »</i>
(1971), plus classique, offre ensuite une mise en miroir fascinante des
trois voix entremêlées, la plupart du temps en homophonie. Plus sombre,
le <i>Cantique III « Still falls the Rain »</i> (1954) fait intervenir le cor dans les teintes graves et marmoréennes, aux côtés du piano. Mais c’est bien entendu le <i>Cantique II « Abraham and Isaac »</i>
(1951) qui reste dans les esprits avec sa construction émouvante en
arche, où les deux interprètes prennent Dieu pour témoin, avant que ce
dernier ne parle littéralement par leur bouche. Proche du sujet
expiatoire de <i>Billy Budd</i>, composé à la même période, ce cantique
donne à entendre la voix cristalline du contre‑ténor Christopher Lowrey,
dans le rôle de l’enfant (tenu à la création par Kathleen Ferrier). Au
piano, Julius Drake n’a pas son pareil pour nous plonger dans l’univers
expressif de ces petites pièces délicieuses, qui mériteraient de trouver
plus souvent le chemin de la scène.</span><br /></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-43310552340999381512024-02-16T01:26:00.000-08:002024-02-18T01:32:38.485-08:00« Pelléas et Mélisande » de Claude Debussy - Moshe Leiser et Patrice Caurier - Théâtre de l'Athénée à Paris - 15/02/2024<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEggpdTO3fUOVJMB7QiJCu7Cg0Atf_0Jgp7aJJ6OdQ6enQvg7Ra_r8BCcXckqtpezcDAYAsLVT6QCt3rDHFWhGJQsS1cqpEQJ3GzGcRxbFNPRrBgX2z3x5LFSutIKmSvxLV4MFbONz7y6wv-MkVdZAEHHvxw9_XjzfRgqvAomG9pdextSIsPvxnX7D9VxMqZ/s1024/13.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="534" data-original-width="1024" height="167" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEggpdTO3fUOVJMB7QiJCu7Cg0Atf_0Jgp7aJJ6OdQ6enQvg7Ra_r8BCcXckqtpezcDAYAsLVT6QCt3rDHFWhGJQsS1cqpEQJ3GzGcRxbFNPRrBgX2z3x5LFSutIKmSvxLV4MFbONz7y6wv-MkVdZAEHHvxw9_XjzfRgqvAomG9pdextSIsPvxnX7D9VxMqZ/s320/13.jpg" width="320" /></a></div><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Créée à Toulon voilà deux ans, la nouvelle production de <i>Pelléas et Mélisande</i>
produite par la Fondation Royaumont s’est lancée dans une vaste tournée
à travers l’Hexagone, avant de faire halte à l’Athénée pour six
représentations : il faut dire que le choix de la version piano-chant,
réalisée par le compositeur lui‑même, facilite l’accueil dans des salles
aux dimensions modestes. De quoi faire découvrir au plus grand nombre
le chef‑d’œuvre lyrique de Debussy, qu’il acheva en 1895, mais qu’il
retravailla sans cesse jusqu’à la création à l’Opéra-Comique sept ans
plus tard.<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
Proposer <i>Pelléas et Mélisande</i> dans une salle aussi intimiste que
celle de l’Athénée (500 places) a évidemment pour avantage premier de
donner au spectateur une proximité avec la scène, au plus près des
interprètes. C’est là un atout décisif pour pénétrer les subtilités de
ce huis‑clos irrespirable, et ce d’autant plus que l’allégement de
l’accompagnement musical, au seul piano, valorise plus encore la
concentration sur le texte. On découvre là une version plus théâtrale,
qui permet de se délecter des abîmes d’ambiguïté du livret, adapté de
l’ouvrage éponyme de Maeterlinck. Le poète symboliste belge n’a pas son
pareil pour donner un double sens à ces nombreuses allusions, volontiers
psychanalytiques avant l’heure – en laissant entrevoir, par exemple,
viol et inceste entre les lignes. Pratiquement oublié dans nos contrées,
Maeterlinck conserve de nos jours une certaine notoriété grâce aux
adaptations musicales qui l’ont honorées en son temps, du <i>Pelléas</i> de Debussy jusqu’à <i>Ariane et Barbe‑Bleue</i> (1907) de Dukas (où l’on retrouve précisément Mélisande dans un rôle
plus anecdotique). On peut toutefois apprécier cette histoire au premier
degré, sans se laisser enivrer par le symbolisme du livret, pour y voir
un amour platonique repoussé jusqu’à l’affirmation explosive entre les
deux tourtereaux, finalement fatale pour l’un et l’autre, sous l’œil
vengeur du mari trompé.</span></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg6JZx5TwcMJ5rMgFQXnFk3eOFgc8E0UNvyHS6EcWlJFtFjxlLBE7iZSiIlH_eMhaMkhR7twjGWUHY6qvFvAMqCbFUqiRf1SwEaP2M7k6Jxug-HUhuSxaRjAFfU-diYwy1n_QyJkV4l_chacMFO0lNJi9IJN_Tm1NE8IT_jzKHs9BZ-VgaU0lNhL5qF_RkG/s660/12.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="440" data-original-width="660" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg6JZx5TwcMJ5rMgFQXnFk3eOFgc8E0UNvyHS6EcWlJFtFjxlLBE7iZSiIlH_eMhaMkhR7twjGWUHY6qvFvAMqCbFUqiRf1SwEaP2M7k6Jxug-HUhuSxaRjAFfU-diYwy1n_QyJkV4l_chacMFO0lNJi9IJN_Tm1NE8IT_jzKHs9BZ-VgaU0lNhL5qF_RkG/s320/12.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Marthe Davos et Jean-Christophe Lanièce</span></td></tr></tbody></table><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Il faut, pour donner toutes ses lettres de noblesse à ce drame, des
interprètes rompus à la diction requise par l’écriture vocale, où le
parlé‑chanté est roi. C’est précisément l’atout maître de cette
production, qui réunit de jeunes chanteurs tous très aguerris dans ce
domaine. Ainsi de Jean-Christophe Lanièce (Pelléas), qui porte haut le
verbe du fait de son éloquence souveraine, à l’articulation souple et
naturelle. Il sait aussi s’enflammer au IV pour porter toute l’effusion
de sentiments, si longtemps muselée, aux côtés d’une Marthe Davost
(Mélisande) tout aussi convaincante au niveau dramatique. On aime aussi
son attention portée au texte, soutenue par une prestation technique
très solide tout du long. C’est en ce dernier domaine qu’Halidou Nombre
(Golaud) déçoit, entre problèmes d’intonation et passages parfois plus
criés que chantés. Rien de tel pour la superlative Marie‑Laure Garnier
(Geneviève), qui impressionne une nouvelle fois par sa classe vocale,
aussi incarnée qu’harmonieuse dans la délicatesse des phrasés. Plus
sonore en comparaison, Cyril Costanzo impose un Arkel autoritaire mais
plus uniforme, tandis que Cécile Madelin (Yniold) séduit dans les
passages en parlé‑chanté, mais laisse de côté la nécessaire
prononciation dans les passages rapides.</span><br /><br /><span style="font-size: large;">
Tout ce petit monde bénéficie de l’accompagnement narratif de Martin
Surot au piano, tout de grâce et de légèreté féline, qui montre là son
affinité avec ce répertoire, lui qui s’est notamment illustré par le passé dans un drame analogue (<i>Katia Kabanová</i>
de Janácek). Son piano sert aussi d’élément de décor, dans la
transposition contemporaine très sobre de Moshe Leiser et Patrice
Caurier, en figurant la tour où Mélisande déploie ses cheveux vers l’élu
de son coeur. Le couple franco-belge cherche à donner davantage de
consistance aux caractères des personnages, insistant sur l’alcoolisme
et la violence de Golaud ou la vieillesse pas si infirme d’Arkel. On
aime également la variété des éclairages, qui sert le propos avec une
modernité de ton jamais formelle, toujours au service des moindres
péripéties du récit. On pourra bien entendu trouver proposition plus
audacieuse, mais ce travail rigoureux impose tout du long une
concentration tendue sur les interprètes, sans fioritures excessives. </span><br /></div>
<div><p></p></div>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-58306019364371961512024-02-15T02:19:00.000-08:002024-02-15T02:19:36.660-08:00« Beatrice di Tenda » de Vincenzo Bellini - Peter Sellars - Opéra Bastille à Paris - 13/02/2024<p class="p"><span style="font-size: large;"><span style="font-weight: normal;"></span></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjBM1yH8OIpkgJf9tgJe79PpqaTeryTRx_6lNPajcJ5wEty_AzpfhcQZMk0UMJaQ02DNrNnvZrkUb3vsv5sxZ6Nt4Hq7Wr242AObwSNQoi50MukbfZLDtLezZCNUm6NB4bbg0d2Q6yqXNpoww7fqdsI5PLnrXoj3LkhnOCWOnIU1S6tARIpc99weVrqH4Mr/s828/13.webp" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="438" data-original-width="828" height="169" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjBM1yH8OIpkgJf9tgJe79PpqaTeryTRx_6lNPajcJ5wEty_AzpfhcQZMk0UMJaQ02DNrNnvZrkUb3vsv5sxZ6Nt4Hq7Wr242AObwSNQoi50MukbfZLDtLezZCNUm6NB4bbg0d2Q6yqXNpoww7fqdsI5PLnrXoj3LkhnOCWOnIU1S6tARIpc99weVrqH4Mr/s320/13.webp" width="320" /></a></span></div><p></p><p class="p" style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="font-weight: normal;"><i>Beatrice di Tenda</i>, avant-dernier opéra de Vincenzo Bellini, fait son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris
: un événement incontestable, tant ce diamant noir drapé de mille
beautés vénéneuses envoûte tout du long, magnifié par une direction de
haut vol.</span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Echec à sa création, <i>Beatrice di Tenda</i> (1833) pâtit alors de sa proximité avec le chef d’oeuvre Norma,
créé deux ans plus tôt : loin d’être une pâle copie comme l’ont répété à
l’envi ses pourfendeurs, l’avant-dernier ouvrage lyrique de Bellini
impressionne par son atmosphère résolument sombre, d’une intensité
psychologique digne d’un huis-clos étouffant (ce qui n’échappe pas à la
perspicacité du metteur en scène Peter Sellars, nous y
reviendrons). On aura rarement entendu Bellini aussi inspiré par un
drame, imposant la concentration sur les états d’âme de ses
protagonistes dès le début de l’opéra, étirant plus encore ses mélodies
pour embrasser les angoisses sourdes, qui planent comme autant de
menaces à venir. Son écriture montre aussi davantage d’épure pour coller
à la vérité théâtrale du livret, offrant à ses personnages de
nombreuses réparties a capella, en contraste avec les envolées
belcantistes attendues. Excédé par les retards de son librettiste,
Bellini doit composer sa partition quasiment d’un trait, ce qui lui
donne finalement une sorte d’évidence dans ses enchaînements naturels,
et ce malgré la répétition de certains motifs mélodiques. Si le livret
de Felice Romani a été écrit à la hâte entre plusieurs
projets, il reste l’un de ses plus ambitieux au niveau littéraire, en
donnant à ses personnages une complexité peu commune, entre obscurs
complots et ambiguïtés de sentiments. Peu à peu, malgré une action
réduite, les nombreux non-dits textuels créent une sorte de suspens
intrigant, à même de donner toute son originalité à l’ouvrage.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Il fallait certainement un metteur en scène de la trempe de Peter
Sellars, plus connu pour son travail avec ses contemporains John Adams
et Kaija Saariaho,
pour nous aider à pénétrer les arcanes de ce drame complexe. Sellars
choisit d’enfermer tout son petit monde dans l’étroitesse d’une sorte de
Palais métallique, aux hauts murs sécurisés, dont le jardin
labyrinthique se déploie en majesté au milieu de la scène. Même si
Sellars nous refait le coup du décor unique pendant toute la
représentation, il faut lui reconnaitre une capacité à revisiter le
plateau d’une variété d’éclairage splendide : de quoi faire ressortir
plusieurs motifs géométriques en arrière-scène, comme une métaphore de
l’esprit perturbé de Filipo Visconti (un lointain ancêtre du cinéaste
Luchino Visconti), dont l’autoritarisme n’est qu’un leurre pour masquer
sa faiblesse. La transposition contemporaine fait apparaitre les
inévitables treillis et kalachnikovs pour entourer le monarque
paranoïaque, mais surprend par ses jardiniers affairés à plusieurs
moments de l’action : comme si ces petits gestes quotidiens immuables
rassuraient les angoisses de Visconti, emporté dans un drame qui le
dépasse. Si la direction d’acteurs reste l’atout principal de Sellars,
on regrette toutefois que ce travail n’insiste pas davantage sur la
compréhension des enjeux en début d’opéra, où l’on peine à percevoir les
jeux de masque amoureux entre les personnages.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEilXxjneeUIHxXZaIP9i85jkkh7awHY8X3Va2zUrBvSwo7g0zn5O_boMqIORAdOpducZDr9VVqBAwNZr0uqU2NQY0h1vH4MB4u4VuKEmqdAIHTEwmWNyP96XFbiTeKQWhTDJLyBdNZVmNmNgrq3UTznV0GEEva1m7ht1OhnQHDkk21DsNwWH3uiwOG-1lYu/s1600/12.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1066" data-original-width="1600" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEilXxjneeUIHxXZaIP9i85jkkh7awHY8X3Va2zUrBvSwo7g0zn5O_boMqIORAdOpducZDr9VVqBAwNZr0uqU2NQY0h1vH4MB4u4VuKEmqdAIHTEwmWNyP96XFbiTeKQWhTDJLyBdNZVmNmNgrq3UTznV0GEEva1m7ht1OhnQHDkk21DsNwWH3uiwOG-1lYu/s320/12.jpg" width="320" /></a></span></div><p></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Quoi qu’il en soit, la force théâtrale qui se dégage de cette
production permet de maintenir tout du long la tension, et ce d’autant
plus que la direction de Mark Wigglesworth (né en 1964)
est l’une des plus passionnantes qu’il nous ait été donné d’entendre
dans le répertoire de belcanto. Il faut entendre comment le chef
britannique ralentit les tempi pour ciseler les phrasés d’une
respiration toujours en lien avec le récit : le respect des silences et
l’allègement des textures donnent aux chanteurs un confort sonore d’un
luxe inouï, leur permettant de ne jamais forcer leur instrument face à
la fosse.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Le plateau vocal réuni a la particularité d’offrir à ses interprètes
autant de prises de rôle, ce qui a pu dérouter les amateurs de belcanto
très présents dans la salle, qui auraient volontiers espéré une Jessica
Pratt dans le rôle-titre. Avec Tamara Wilson, on trouve
une Beatrice d’une vaillance redoutable dans l’aigu, parfois un peu
dur, à l’intensité théâtrale toujours éloquente. On pourrait souhaiter
davantage de souplesse et de rondeur dans les vocalises, mais la soprano
américaine impressionne une nouvelle fois par la force de son
incarnation, très touchante également dans les réparties plus
intimistes. Si Tamara Wilson ne convainc pas autant que lors de ses
autres prestations parisiennes récentes (notamment ici-même dans <i><a href="http://chezmikal.blogspot.com/2023/11/turandot-de-puccini-robert-wilson-opera.html">Turandot</a></i>), on ne peut qu’applaudir son audace et sa curiosité pour tous les répertoires.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">A ses côtés, Quinn Kelsey impose un Filippo Visconti
d’une humanité déchirante, faisant valoir ses qualités d’articulation
et sa projection toute de résonance sonore. Son timbre légèrement
fatigué colle bien au rôle de souverain désorienté, offrant un contraste
parfait avec la jeunesse rayonnante de Pene Pati
(Orombello). Le ténor samoan fait valoir ses habituelles qualités en
pleine voix, entre timbre solaire et précision de la diction. Le médium
est plus terne en comparaison, mais parvient toutefois à tenir la
distance. Son frère Amitai Pati (Anichino) a certes des
moyens plus modestes, mais donne des trésors de subtilité et de
souplesse d’émission pour ce petit rôle. Enfin, Theresa Kronthaler
souffle le chaud et le froid en Agnese, avec quelques difficultés
d’intonation dans le suraigu en première partie, avant d’emporter
l’adhésion par la chaleur de son incarnation, très investie au niveau
dramatique.<span style="font-weight: normal;"> <br /></span></span></p><p class="p"></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-15371439618603383902024-02-05T01:25:00.000-08:002024-02-06T02:11:15.058-08:00« L’Autre voyage » d'après Franz Schubert - Raphaël Pichon - Silvia Costa - Opéra Comique - 03/02/2024<p style="text-align: justify;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiEmfcJhQOlezJIspMvWuxo_glhF4v76BRvnn9EfzWlt1JKGb4CyLiWZn1AElG34Pnpt_vuCEtHM8qW4rxJUevBYcpLisXTFmMqQiaOmq5ELPOMGt1Ac7Dhc1eUS97ermpCAk8bT9rX3I6gniz6UXmqv5j4MQmiH02GdyMgEvRSpzZQ4mPVLYi6pSm1Rjug/s4700/13.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="3133" data-original-width="4700" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiEmfcJhQOlezJIspMvWuxo_glhF4v76BRvnn9EfzWlt1JKGb4CyLiWZn1AElG34Pnpt_vuCEtHM8qW4rxJUevBYcpLisXTFmMqQiaOmq5ELPOMGt1Ac7Dhc1eUS97ermpCAk8bT9rX3I6gniz6UXmqv5j4MQmiH02GdyMgEvRSpzZQ4mPVLYi6pSm1Rjug/s320/13.jpg" width="320" /></a></div><h4 style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="font-weight: normal;">Depuis sa création en 2006 par Raphaël Pichon, l’ensemble sur instruments anciens Pygmalion donne une place prépondérante au répertoire germanique : en s’intéressant cette fois à des raretés absolues de Franz Schubert, on tient là un des spectacles les plus réjouissants de ce début d’année, à savourer d’urgence !</span></span></h4><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Malgré son décès prématuré à seulement 31 ans, Franz Schubert a eu le
temps de composer près de mille partitions, auxquelles s’ajoutent de
nombreuses autres inachevées, comme la célèbre <i>Symphonie en si mineur</i>
(1822), au surnom éponyme. Pour autant, on ne peut s’empêcher de rêver
aux autres chefs d’oeuvre que Schubert aurait composé s’il avait pu
vivre jusqu’à 77 ans, l’âge vénérable atteint par l’un de ses modèles,
Joseph Haydn. Si son compatriote autrichien était mort à 31 ans, il
n’aurait légué qu’une vingtaine de symphonies (sur 106 au total), dix
quatuors à cordes (sur 70) et aucun de ses trois oratorios – autant
d’ouvrages pour lesquels «Papa Haydn» reste aujourd’hui encore
incontournable.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Plutôt que de s’en tenir à ces regrets, le chef français Raphaël Pichon
(né en 1984) a eu la bonne idée de s’intéresser aux raretés
schubertiennes, dont il estime qu’environ 30% du legs n’est jamais joué,
en France comme à l’étranger. De quoi monter un spectacle original
regroupant de larges extraits de la vingtaine de projets scéniques du
compositeur autrichien, auxquels s’ajoutent des oeuvres sacrées
(principalement <i>Lazarus</i>) et plusieurs fragments de <i>Lieder</i>
(dont certains orchestrés par Brahms, Liszt ou Reger), avec quelques
courtes pièces symphoniques pour apporter des respirations
apaisées. Afin de palier au risque de collage maladroit, les équipes
réunies pour l’occasion ont réécrit en partie ou en totalité les paroles
de nombreux extraits, tout en faisant adapter les transitions
orchestrales par Robert Percival : un véritable travail
de création à plusieurs mains. Avant de crier au sacrilège, les
puristes se doivent d’écouter ce spectacle, sur scène ou sur France
Musique (diffusion le 9 mars prochain), pour saisir combien de chefs
d’oeuvre complètement inconnus trouvent ainsi une mise en lumière
amplement méritée.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjbMpmU_7yf6IFu7P86YHZzl25pZWsWimcvpaCDyYBVzvj06LaPTn06Q3z5Sci4wj4sCDrMkje4JDMcQkyfmmbfcauAUeHOOKZ57n4ZkqMfhlhunVzMRjzAQiDJB_-UcSLk-MPHHXr14hmlTrb1BUrtAsaC9DGZstZeL2LbdRd2P0PsRc5bAV_BAmujbtZ3/s800/12.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="371" data-original-width="800" height="148" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjbMpmU_7yf6IFu7P86YHZzl25pZWsWimcvpaCDyYBVzvj06LaPTn06Q3z5Sci4wj4sCDrMkje4JDMcQkyfmmbfcauAUeHOOKZ57n4ZkqMfhlhunVzMRjzAQiDJB_-UcSLk-MPHHXr14hmlTrb1BUrtAsaC9DGZstZeL2LbdRd2P0PsRc5bAV_BAmujbtZ3/s320/12.jpg" width="320" /></a></span></div><p></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Pour rassembler ces oeuvres, Raphaël Pichon, Antonio Cuenca Ruiz (dramaturge) et Silvia Costa
(également chargée de la mise en scène et de la scénographie) ont
imaginé un argument centré autour de la mort d’un enfant, un tabou bien
ancré dans la plupart des sociétés européennes. Il est conseillé de lire
au préalable l’argument développé dans le programme de salle ou sur le
site internet de l’Opéra-Comique, afin de démêler au
mieux le propos fantastique, mâtiné de récit initiatique, du livret.
Comment faire son deuil face à l’injustice que représente la perte de
son enfant ? Comment continuer à vivre et ne pas être étouffé par le
complexe du survivant ? Si la mise en scène de Silvia Costa a parfois
tendance à sursignifier le propos par ses citations philosophiques en
arrière-scène, elle donne beaucoup de caractère à l’ensemble par sa
direction d’acteur dynamique : quel plaisir de voir ses saynètes montées
à vue comme autant de tableaux virevoltants et inattendus, de la
noirceur minimaliste des premières scènes dans la pénombre aux envolées
étourdissantes du choeur, en deuxième partie ! L’ancienne assistante de
Romeo Castellucci n’hésite pas à surprendre par ses audaces formelles et
volontairement incommodantes, comme cette scène sanglante d’autopsie au
début. Mais elle sait aussi se faire plus poétique en contraste,
lorsqu’elle montre une sorte de Parque qui brise le fil d’une vie, ou
lors des scènes bouleversantes en fin d’opéra, lorsque père et fils
s’apaisent pour accepter mutuellement leur destinée, en deux mondes
diamétralement séparés.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Il fallait assurément des interprètes à la hauteur de ce sujet
délicat, ce que sont à l’évidence tous les solistes réunis, sans
exception. Ainsi de Stéphane Degout, pour qui Pichon a imaginé le spectacle, suite à la réussite de leur précédent projet appelé «<i>Mein Traum</i>»
(un hommage aux musiques de Weber, Schubert et Schumann, donné en
concert et préservé par un disque paru chez Harmonia Mundi, en 2022). Le
baryton français donne à ses phrasés des trésors d’humanité, où chaque
mot est pesé au service du sens, en une sensibilité jamais affectée et
toujours juste. Que dire aussi du chant velouté de Siobhan Stagg, qui émerveille par la conduite de la ligne, tout aussi incarnée et naturelle, à l’instar d’un Laurence Kilsby
très touchant dans l’équilibre soyeux entre les registres. Son timbre
clair donne une pureté angélique à chacune de ses interventions, bien en
phase avec son personnage allégorique représentant l’Amitié. Dans ce
concert de louanges, on n’oublie pas le jeune Chadi Lazreq
(L’Enfant), qui touche au coeur dans sa première intervention au piano
par sa grâce et sa douceur. Très à l’aise, il n’a pas à rougir de la
comparaison avec ses ainés et reçoit fort logiquement une ovation
chaleureuse à l’issue de la représentation, à leurs côtés.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Outre un Choeur Pygmalion aussi homogène qu’investi, on aime la formation éponyme sur instruments d’époque dirigée de main de maître par Raphaël Pichon
: sa baguette nerveuse n’aime rien tant que les passages
subtils, où la respiration et les phrasés bien déliés font merveille,
avant une mise en contraste vigoureuse dans les parties verticales, à la
pulsation rythmique endiablée. Du grand art au service d’un compositeur
que l’on croyait bien connaitre et que l’on n’a pas fini de redécouvrir
: Pichon laisse entendre dans le programme qu’une suite pourrait être
donnée à ce spectacle, tant la matière musicale est grande. A suivre !</span></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-41349150691622262442024-01-30T07:18:00.000-08:002024-02-06T02:32:59.253-08:00« Les Soldats » de Bernd Aloïs Zimmermann - François-Xavier Roth - Philharmonie de Paris - 28/01/2024<p></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgQgHRU4UaNF8s3i6kfhqSbORYLKA3uLSpOHZXtIiw-YPz8YOgxHjT6cbAWaYfa1IaG1hkwnt0pApcU5GiuGxSQ7jJKammmybf_J4G3nAEfaZrDyyZXdhUvsxyMczhxnmBvKofZ-McdqiL34EDfoUnUULNqco9aShJe5jZGSmfFqhafSNlji-GyWLFVW_kn/s2500/12.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1667" data-original-width="2500" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgQgHRU4UaNF8s3i6kfhqSbORYLKA3uLSpOHZXtIiw-YPz8YOgxHjT6cbAWaYfa1IaG1hkwnt0pApcU5GiuGxSQ7jJKammmybf_J4G3nAEfaZrDyyZXdhUvsxyMczhxnmBvKofZ-McdqiL34EDfoUnUULNqco9aShJe5jZGSmfFqhafSNlji-GyWLFVW_kn/s320/12.jpg" width="320" /></a></div><p></p><h4 style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="font-weight: normal;">Après Cologne et Hambourg, Paris accueille à son tour cette production des Soldats de Bernd Aloïs Zimmermann imaginés par le trublion espagnol Calixto Bieito
– ici dans une mise en espace saisissante, montée avec trois fois rien
pour mettre en valeur un ouvrage aux dimensions hors-norme, qui justifie
tous les superlatifs : personne n’en sortira indemne, pas même son
compositeur, à la fin de vie tragique.</span></span></h4><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Composer un opéra lorsqu’on appartient à l’avant-garde sérielle, dans
la foulée de la deuxième guerre mondiale, est en soi un acte
provocateur, tant cette forme parait alors à l’agonie. Pour autant, le
compositeur allemand Bernd Alois Zimmermann (1918-1970) relève le défi en adaptant la pièce <i>Les Soldats</i> (1776) de Jakob Lenz, un dramaturge qui avait déjà inspiré Berg pour son Wozzeck.
L’admiration de Zimmermann pour Berg explose par tous les pores dans
cet ouvrage colossal, élaboré lors d’une longue gestation, de la
commande initiale de l’Opéra de Cologne en 1958 jusqu’à la création
triomphale en 1965. Réputée injouable avant la création, la musique des Soldats
impressionne d’emblée par la masse des moyens réunis, qui explique
pourquoi elle est si rarement donnée (la précédente production scénique à
Paris date de… 1994, dans une mise de Harry Kupfer à l’Opéra Bastille).
Près de cent instrumentistes réunis autour d’un plateau vocal tout
aussi pléthorique (15 solistes) empoignent l’introduction en forme de
magma en fusion : avec l’explosion atonale des multiples instruments,
comme indépendants les uns des autres, on peine à se raccrocher à l’un
d’entre eux, si ce n’est au rythme implacable des timbales. La furia
assourdissante de décibels annonce la couleur par son ton uniforme : pas
question, ici, de joyeuseté et encore moins d’expression d’une mélodie,
si ténue soit-elle.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Cette violence sonore, entre chatoiement des timbres et ruptures
brutales des vents et percussions, est indissociable de la personnalité
complexe de Bernd Alois Zimmermann, qui fascine à plus d’un titre.
Contrairement à Boulez ou Stockhausen, le compositeur allemand a connu
les affres du Deuxième conflit mondial en étant mobilisé sur le front
russo-polonais. Bien avant le suicide qui devait mettre fin à ses jours,
le traumatisme de cette période se ressent dans son chef d’oeuvre
lyrique, très sombre sur la nature humaine. La « masculinité toxique »
(pour utiliser une expression contemporaine) conduit ainsi à la
répétition inéluctable des catastrophes : les guerres, de génération en
génération, et peut-être plus encore la peur de l’anéantissement
définitif de l’humanité, suite à un bombardement nucléaire.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"></span></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiJ8MTAYw-45OqzzfWx7j4kJ8ri8hEMAn0bFZIBNHV8vS9JHAU-D6lsOjIreR07ULK5ZG6jIZzgFivppOacN3pHENbkT4r6DNQS3I5fnE3QTVu3Qi_o-7Xo9DRCUVAYOqcqUNZiA5zvyjcmJYh-qV1J5Z30ITwH3DgRIQOnd8DfSWk06INVc5sl0OfMWtpl/s1199/12.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1199" data-original-width="797" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiJ8MTAYw-45OqzzfWx7j4kJ8ri8hEMAn0bFZIBNHV8vS9JHAU-D6lsOjIreR07ULK5ZG6jIZzgFivppOacN3pHENbkT4r6DNQS3I5fnE3QTVu3Qi_o-7Xo9DRCUVAYOqcqUNZiA5zvyjcmJYh-qV1J5Z30ITwH3DgRIQOnd8DfSWk06INVc5sl0OfMWtpl/s320/12.jpg" width="213" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Emily Hindrichs</span></td></tr></tbody></table><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Comme à son habitude, Calixto Bieito dépeint ce
contexte avec une violence exacerbée, insistant sur les conséquences du
patriarcat triomphant lors d’une saisissante scène de viol collectif, où
les hommes, immobiles et alignés, se partagent leur victime, aussi
déboussolée qu’offerte. De quoi rappeler combien la lâcheté se cache
derrière l’anonymat du costume de chaque soldat, lui faisant finalement
renoncer à son humanité. Si on peine parfois à saisir les enjeux de
chaque tableau, tant Zimmermann passe de l’un à l’autre dans une même
scène, le travail de Bieito impressionne par sa force brute, toujours en
lien avec les moindres inflexions musicales. Les éclairages crus, comme
l’insistance sur les mouvements saccadés du choeur, renforcent ce
huis-clos toujours plus étouffant, qui s’épanouit sur le plateau tout en
longueur situé derrière l’orchestre. Le plateau vocal réuni y imprime
une tension dramatique d’un engagement constant, tant celui-ci possède
les moyens techniques requis, jusque dans le moindre second rôle.
Honneur avant tout à Emily Hindrichs, qui force l’admiration par son
aisance sur toute la tessiture, entre facilité de projection et
expression d’un timbre radieux.</span></div><p style="text-align: justify;"></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">La plus grande ovation de la soirée revient toutefois à François-Xavier Roth, qui relève le défi d’une parfaite mise en place des effectifs collossaux répartis dans toute la grande salle de la Philharmonie de Paris,
en des effets de spatialisation nombreux et spectaculaires. Du grand
art, qui fait honneur à ce monument, toujours aussi impressionnant
d’éloquence tragique, qu’est <i>Les Soldats</i>.<span style="font-weight: normal;"> <br /></span></span></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-28888684824456463332024-01-28T08:19:00.000-08:002024-02-06T02:34:03.047-08:00« Don Quichotte chez la duchesse » de Joseph Bodin de Boismortier - Hervé Niquet - Opéra de Versailles - 27/01/2024<p><span style="font-weight: normal;"></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjjF4lQkSquqcpAZ_USuaqYkUKemUFUxymRh0e779VUpx3lH6SXFZRzaQJuJ17J3e9BjeN3vP3e-I4jQa-dMvkWPhFfjzG3-Sur2RUqlFNl1A_sobREufzc_-POKDX2TF-_vH0EVeNe5icT1ZhiJwLBrmrrNxt9SJF-5C3PN3eKlP6XPQsBZbsBeWz7f1A-/s800/11.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="450" data-original-width="800" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjjF4lQkSquqcpAZ_USuaqYkUKemUFUxymRh0e779VUpx3lH6SXFZRzaQJuJ17J3e9BjeN3vP3e-I4jQa-dMvkWPhFfjzG3-Sur2RUqlFNl1A_sobREufzc_-POKDX2TF-_vH0EVeNe5icT1ZhiJwLBrmrrNxt9SJF-5C3PN3eKlP6XPQsBZbsBeWz7f1A-/s320/11.jpg" width="320" /></a></div><p></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="font-weight: normal;">Il
est rare qu’un ouvrage lyrique devienne autant indissociable de
l’orchestre qui a contribué à lui rendre ses lettres de noblesse : ainsi
de l’opéra-ballet </span><i><span style="font-weight: normal;">Don Quichotte chez la duchesse</span></i><span style="font-weight: normal;"> (1743) de Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755), qui fut joué par l’ensemble d’Hervé Niquet, le Concert Spirituel,
dans la foulée de sa fondation en 1987. Les reprises scéniques de 1996
n’étaient finalement que le prélude à la renaissance de l’ouvrage dans
une nouvelle et ébouriffante mise en scène confiée à Shirley et Dino en 2015, avant que disque et dvd n’immortalisent l’événement pour fêter les 35 ans de la formation sur instruments d’époque.</span></span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Un enregistrement multi-récompensé, jusque dans la presse européenne, qui explique pourquoi Château de Versailles Spectacles
a fait de cette production un étendard de ses spectacles : de quoi
démontrer combien rire et bonne humeur peuvent aisément se conjuguer
avec l’indispensable qualité artistique. Contemporain de<i> <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2022/05/platee-de-jean-philippe-rameau-herve.html">Platée</a></i> (1745) de Jean-Philippe Rameau, ce <i>Don Quichotte</i>
permet à la musique haute en couleurs de Boismortier de s’épanouir
autour de plusieurs saynètes savoureuses qui moquent la crédulité du
héros, accompagné du pleutre Sancho Pança. Une Duchesse le poursuit de
ses assiduités pour lui faire oublier sa fameuse Dulcinée, tout en lui
faisant rencontrer le magicien Merlin, ainsi que d’exotiques japonais en
fin d’ouvrage. Dans le même temps, le Duc joue les maîtres de cérémonie
pour mieux se rire de Don Quichotte, en construisant la farce au fur et
à mesure comme une pièce en cours de répétition, entre vrai-faux
amateurisme et joyeuseté bon enfant avec le choeur.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"></span></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgfik6XJ4QAtq_-qWZ6cQF-Ht6JH5sm7udV3ve1LjRNcImdk7RI1ILWZ-9ZvWFDTx8Mp0obuY95HE3ZKkYsnd5V6cXwmgasqNqV8zUzyCIQK_Gexwmo8_Ojeb0Ld5d9gC9VUFRw2aZ9QqODtqSnC3Td7iL8QSnne2VUm35TxWKCNcq8bZrwXK_hmGtJw4CY/s1115/11.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="745" data-original-width="1115" height="214" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgfik6XJ4QAtq_-qWZ6cQF-Ht6JH5sm7udV3ve1LjRNcImdk7RI1ILWZ-9ZvWFDTx8Mp0obuY95HE3ZKkYsnd5V6cXwmgasqNqV8zUzyCIQK_Gexwmo8_Ojeb0Ld5d9gC9VUFRw2aZ9QqODtqSnC3Td7iL8QSnne2VUm35TxWKCNcq8bZrwXK_hmGtJw4CY/s320/11.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Chantal Santon Jeffery et Gilles Benizio<br /></span></td></tr></tbody></table><p></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">La partie de comédie étant perdue, Shirley et Dino
ont libre cours pour nous embarquer dans leur fantaisie pétrie de
tendresse et de clins d’oeil burlesques, toujours en lien avec la
progression de la partition chantée. Il faut voir comment la
scénographie intègre les artifices baroques, les modernisant pour mieux
leur rendre hommage, sans jamais oublier de provoquer le rire par leur
usage décalé. On ne dévoilera pas les nombreux gags de ce spectacle
évolutif, toujours légèrement différent selon les soirées, qui multiplie
les digressions et les anachronismes volontaires. Le quatrième mur
avec le public est ainsi cassé à plusieurs reprises, grâce aux
interventions désopilantes d’Hervé Niquet, très sollicité, et pas seulement dans la fosse.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">On ne peut imaginer meilleur défenseur que le Concert Spirituel dans ce répertoire, de même que le plateau vocal réuni, de haute qualité. Ainsi de l’aérien et lumineux Mathias Vidal en Don Quichotte, ou du pénétrant et débonnaire Marc Labonnette en Sancho Pança. Chantal Santon Jeffery (Altisidore) n’est pas en reste dans la virtuosité et l’agilité, tandis que Nicolas Certenais (Merlin) fait valoir un timbre superbe, bien qu’un peu raide au niveau de l’articulation. Seule Lucie Edel déçoit en comparaison avec une prononciation trop approximative. Mais c’est surtout Gilles Benizio qui
tient le spectacle sur toutes ses épaules par ses réparties lunaires et
délicieusement ingénues, bien épaulé par un complice Hervé Niquet,
aussi bon comédien que chef.</span></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-840267337232808572024-01-26T08:07:00.000-08:002024-01-30T08:17:32.548-08:00« La Femme sans ombre » de Richard Strauss - Nicolas Joël - Opéra de Toulouse - 25/01/2024<p style="text-align: center;"> <a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhSApAhyphenhyphenqsrRpr-Vro3uVimNwJYy_3DN53Gy5PiuRgJ6HGJ3CfjvZCzB5Hr9Ue3tnpn1Edy_5vQvk3m_y9aHm56gkqDlAEg0LvOEaUjqgzfje76sx2JM39lpr1lKkZAuNpbkTpSQ2F8FAl2OVngrfXOGg5TNcvqf-sbpc-VIqNA8e7JoGbTxw5J98npJQmY/s1536/11.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1024" data-original-width="1536" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhSApAhyphenhyphenqsrRpr-Vro3uVimNwJYy_3DN53Gy5PiuRgJ6HGJ3CfjvZCzB5Hr9Ue3tnpn1Edy_5vQvk3m_y9aHm56gkqDlAEg0LvOEaUjqgzfje76sx2JM39lpr1lKkZAuNpbkTpSQ2F8FAl2OVngrfXOGg5TNcvqf-sbpc-VIqNA8e7JoGbTxw5J98npJQmY/s320/11.jpg" width="320" /></a><br /></p><p class="elementtoproof" style="margin: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="color: black;">La production de Nicolas Joël (1953-2020), qui avait permis à La Femme sans ombre de faire son entrée au répertoire du Théâtre du Capitole en 2006, fait son retour à Toulouse autour d'un plateau vocal de haute volée. Un spectacle acclamé à juste titre par un public dithyrambique, toujours aussi gâté par le grand connaisseur des voiux qu'est Christophe Ghristi.</span></span></p><p class="elementtoproof" style="margin: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="color: black;"> </span></span></p><p class="elementtoproof" style="margin: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="color: black;">Il faut </span></span><span style="font-size: large;"><span style="color: black;">néanmoins, commencer par évacuer ce qui constitue la seule
relative déception de la soirée. En effet, la sage mise en scène de
Nicolas Joël reste trop uniforme et répétitive sur la durée assez longue
du spectacle (un peu de plus de 4 heures, avec deux entractes) ; quant
au refus d’expliciter les sous-entendus symboliques du livret alambiqué
de Hugo von Hofmannsthal, il n’aide pas à démêler le double récit
initiatique de l’Impératrice, prisonnière de la tutelle castratrice de
son père et de sa nourrice, en miroir de celui du couple formé par les
teinturiers, incapable de trouver le chemin du désir charnel pour
remplir la fonction première de son rôle social, celui de procréateur.
On aurait aimé que ce message moraliste, aux œillères bourgeoises et
conservatrices, soit suffisamment mis à distance pour résonner davantage
avec les évolutions contemporaines en la matière.</span></span></p><p class="elementtoproof" style="margin: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="color: black;"> </span> <br /></span></p><p class="elementtoproof" style="-moz-text-size-adjust: auto; -webkit-text-stroke-width: 0px; caret-color: rgb(0, 0, 0); font-variant-caps: normal; margin: 0cm; text-align: justify; word-spacing: 0px;"><span style="font-size: large;"><span style="color: black;">Quoi
qu’il en soit, le travail de Nicolas Joël a pour lui une certaine
lisibilité au niveau visuel. Il oppose le royaume des Esprits à celui
des humains par une scénographie monumentale et bien différenciée, entre
la majesté froide des teintes grises en hauteur et les volumes plus
sombres et poisseux des bas-fonds, dévolus aux teinturiers. « Sans
l’ombre d’un doute » : c’est ainsi que l’on pourrait résumer cette mise
en scène ancrée dans le réalisme, évacuant, sans trop se poser de
questions, l’orientalisme du conte et minorant les possibles effets
spectaculaires du recours à la magie très présente dans le livret (par
exemple, les apparitions tout en sobriété du faucon ou de l’amant de la
teinturière).</span></span></p><p class="elementtoproof" style="-webkit-text-size-adjust: auto; -webkit-text-stroke-width: 0px; caret-color: rgb(0, 0, 0); font-variant-caps: normal; margin: 0cm; orphans: auto; widows: auto; word-spacing: 0px;"><span style="color: black;"></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEihSIy07UV9fX71Fk3sFbOTka_vZf4wJiIlms-uVoGVUCAN1-pStd_QtZ1hy93KpDpeLSxzeHK3LKBhVVD8JmbfM53xQXAjT2vDsm14iCsf7ADGE6KxzOmRQzbVK2oPnwKqnF5s3yKHBN3y0zGzz_hqvk-I-wARAUwq6Mf6h5BS4sAyGoFjcZpLUK_2Mz8U/s1536/11.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="864" data-original-width="1536" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEihSIy07UV9fX71Fk3sFbOTka_vZf4wJiIlms-uVoGVUCAN1-pStd_QtZ1hy93KpDpeLSxzeHK3LKBhVVD8JmbfM53xQXAjT2vDsm14iCsf7ADGE6KxzOmRQzbVK2oPnwKqnF5s3yKHBN3y0zGzz_hqvk-I-wARAUwq6Mf6h5BS4sAyGoFjcZpLUK_2Mz8U/s320/11.jpg" width="320" /></a></div><p></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="color: black;">Fort
heureusement, on retrouve toute la force d’engagement du chef allemand
Frank Beermann, désormais bien connu du public toulousain pour avoir
dirigé depuis plusieurs saisons de grands titres du répertoire
germanique (notamment Elektra du même Strauss), pour mettre en valeur la
richesse de coloris de l’Orchestre du Capitole dans les passages
apolliniens, avant de l’enflammer dans les déchainements telluriques de
la partition, en une pâte sonore généreuse et bien contrastée. Toute
l’attention du chef trouve aussi une articulation souple et naturelle
avec le plateau vocal, luxueusement distribué jusque dans le moindre
second rôle pour faire face aux masses sonores parfois dantesques
voulues par Strauss.</span></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="color: black;">Ainsi
de Ricarda Merbeth qui troque cette fois le rôle de l’Impératrice pour
celui de la teinturière et sculpte chaque syllabe au service du sens, en
une saisissante incarnation théâtrale. Le poids des années ne paraît
pas atteindre la soprano autrichienne dans ce rôle, qui semble avoir été
écrit pour elle. On
aime également l’aplomb scénique de Sophie Koch, qui donne à sa
nourrice toute la noirceur attendue par ses phrasés tout en relief, sans
jamais forcer sa voix. </span></span></p>
<p class="elementtoproof" style="margin: 0cm; text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="color: black;">Que
dire, aussi, de l’une des grandes révélations du Festival de Bayreuth
en la personne d’Elisabeth Teige (L’Impératrice), dont la souplesse
d’émission et la conduite harmonieuse de la ligne sont un régal sur
toute la tessiture, sans aucun effort apparent. Il lui reste à trouver
davantage de longueur de souffle en certains endroits pour donner plus
encore de chair à son interprétation, mais l’ensemble se situe déjà à un
niveau superlatif. Plus
musculeux en comparaison, dans l’aigu surtout, le chant ardent
d’Issachah Savage (L’Empereur) se nourrit de ses moyens considérables,
parfaitement projetés. On
est plus encore séduit par la noblesse de phrasés de Brian Mulligan,
qui donne à son Barak des trésors d’humanité, à même de faire passer une
émotion subtile, toute en demi-teinte et sans ostentation. </span></span></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-37040220299684908862024-01-23T02:15:00.000-08:002024-02-06T02:19:05.391-08:00Concert de l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam - Myung-Whun Chung - Philharmonie de Paris - 22/01/2024<p></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi2FOHxdOshi07eZycHPwy7F8esSDDrKmU8h09s-6q39ytpP93knTkJjepO648TcvfznemVStik-WS51jnZnO7dyBEecL6zjvY972W7x4d2qgevttEeTqSo6JWSh1atD94S7uHqw1gzecBD9udwfZQJLiGbIJT_quLUg7XUUzLWMVctbcrbmGnamdNmcL2-/s1040/12.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="680" data-original-width="1040" height="209" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi2FOHxdOshi07eZycHPwy7F8esSDDrKmU8h09s-6q39ytpP93knTkJjepO648TcvfznemVStik-WS51jnZnO7dyBEecL6zjvY972W7x4d2qgevttEeTqSo6JWSh1atD94S7uHqw1gzecBD9udwfZQJLiGbIJT_quLUg7XUUzLWMVctbcrbmGnamdNmcL2-/s320/12.jpg" width="320" /></a></div><p></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Parmi les événements de la saison à la Philharmonie de Paris, la venue de l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam fait logiquement salle comble, autour d’un programme des plus réjouissants. On retrouve en effet en première partie un des <em>Concertos</em> <em>pour piano</em> de W. A. Mozart,
véritable jardin secret cultivé tout au long de sa courte vie, à même
de rappeler ses qualités de soliste virtuose du piano, étourdissantes
dès son enfance prodige. Composé pendant la prolifique année 1784 où pas
moins de six concertos pour piano (14 à 19) voient le jour, le <em>Dix-Septième</em>
fait partie des pièces maîtresses, tant son atmosphère galante et
enjouée séduit d’emblée, faisant une part non négligeable aux vents, ici
parfaitement rendus par le pupitre aux envolées aériennes de la
phalange amstellodamoise.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Si le piano serein et sans excès, aux notes bien déliées, d’Emanuel Ax
(né en 1949) respecte l’esprit de la partition, on reste parfois sur sa
faim en matière de prise de risque, loin de l’électricité attendue pour
le concert. L’accompagnement sans aspérités et sans nuages de Myung-Whun Chung
(né en 1953) va dans le même sens en tirant Mozart vers le 19ème
siècle, en un refus assumé du pathos, entre lisibilité et clarté des
plans sonores. Cette interprétation cérébrale sonne un peu froid, avec
un manque de vélocité du soliste, parfois couvert dans les <em>tutti.</em> Le bis fait la part belle à un autre compositeur autrichien en la personne de Schubert, dont Ax interprète la <em>Sérénade crépusculaire D.957</em> en une délicatesse sans effets, digne de son art, démontrant qu’il est davantage un maître de l’intimisme qu’un concertiste.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Après l’entracte, la Symphonie n° 7 (1884) d’Anton Bruckner
trouve en Myung-Whun Chung un de ses défenseurs les plus ardents, lui
qui dirige régulièrement la musique du « Maître de Saint-Florian »
depuis de nombreuses années, notamment à la tête de l’Orchestre
philharmonique de Radio France (dont il fut directeur musical de 2000 à
2015). Le geste implacable du chef coréen ne cherche pas à caresser
l’auditeur dans le sens du poil, allant souvent à rebours des intentions
du compositeur pour imposer un idéal de « musique pure » : on assiste à
une sorte de mise à nue analytique, sans tension et sans pathos, où les
différents thèmes sont peu différenciés. Mélodie principale et
contre-chants sont souvent mis sur le même plan, au bénéfice d’une
valorisation des dynamiques, en un élan brusque et un rien expédiés dans
les <em>tutti</em> cuivrés, en contraste avec les parties apaisées
ostensiblement ralenties. Cette lecture volontairement « neutre », un
rien lunaire, ne peut laisser indifférent : on sait la capacité de la
direction de Chung à provoquer enthousiasme ou rejet.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Malgré toutes les qualités sonores de l’Orchestre Royal du
Concertgebouw d’Amsterdam, on avoue rester de glace à cette
interprétation en forme de radiographie de la partition, qui refuse
toute expressivité. Pour autant, les deux derniers mouvements de la
symphonie semblent mieux résister à ce corset sévère, en mettant en
valeur quelques détails superbes dans l’exploration des timbres –
notamment les cors et tubas wagnériens en sourdine, comme en suspension,
à la fin du III.</span></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-66274098242485317602024-01-18T02:20:00.000-08:002024-02-06T02:31:39.237-08:00« Adriana Lecouvreur » de Francesco Cilea - David McVicar - Opéra Bastille à Paris - 16/01/2024<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"></span></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj1tEiTiBUTa31nD9aRakEhdTBx4dyEyArX1ZrZ2nahTZMIwWNRaNYd9BNO66vlXQ-j7udT625efGuz5znGFbjaY2ygM_Ai9Z-hWQwn2saf5IAszcCd8bo-mkQViVbhNp_zcZMIE3CaMVQ3hBd1J_s9uLFoW9nyvyq5Bma8LIYPUmfs3VLqEXCBC9iesK-q/s638/12.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="478" data-original-width="638" height="240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj1tEiTiBUTa31nD9aRakEhdTBx4dyEyArX1ZrZ2nahTZMIwWNRaNYd9BNO66vlXQ-j7udT625efGuz5znGFbjaY2ygM_Ai9Z-hWQwn2saf5IAszcCd8bo-mkQViVbhNp_zcZMIE3CaMVQ3hBd1J_s9uLFoW9nyvyq5Bma8LIYPUmfs3VLqEXCBC9iesK-q/s320/12.jpg" width="320" /></a></span></div><p></p><h4 style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span style="font-weight: normal;">Parmi les grand mélodrames initiés par le courant vériste, </span><i><span style="font-weight: normal;">Adriana Lecouvreur</span></i><span style="font-weight: normal;">
(1902) figure parmi les plus mémorables, tant le destin tragique de
l’héroïne reste indissociable de son personnage historique éponyme, une
sorte de Sarah Bernhardt, très célèbre en son temps. C’est précisément
la comédienne française qui remit au goût du jour en 1880 la vie
amoureuse de l’ancienne égérie de Voltaire, autour d’un triangle
amoureux vénéneux dont il est impossible de sortir indemne : Maurizio,
écartelé entre l’amour d’Adriana et de sa rivale la Princesse de
Bouillon, brouille les pistes de son identité pour mieux jouer sur tous
les tableaux, laissant ses deux amantes se déchirer pour lui, en un jeu
de masques finalement fatal pour Adriana.</span></span></h4><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Resté dans l’ombre de Puccini, Francesco Cilea
composa peu et s’illustra surtout lors d’une brillante carrière
académique d’inamovible directeur des Conservatoires de Palerme puis
Naples, formant plusieurs générations d’artistes. Son chef d’oeuvre <i>Adriana Lecouvreur</i>
impressionne par son inspiration mélodique envoûtante, même si on peut
lui reprocher un livret au début peu lisible, tant les personnages
s’entrecroisent en un ballet tourbillonnant, pour mettre en relief
l’énergie populaire de la Comédie-Française. Cette vitalité est
heureusement admirablement saisie par la production imaginée par David McVicar, qui fait là une nouvelle halte bienvenue à Paris,
après avoir triomphé sur les plus grandes scènes européennes. D’emblée,
McVicar donne à voir de multiples saynètes bien différenciées pour
figurer les corps de métiers à l’ouvrage, avant de recentrer l’attention
sur les enjeux entre les personnages. Le caractère mélancolique de
Michonnet, amoureux en secret d’Adriana, s’incarne ainsi dans ses
postures passives et résignées, là où Quinault et Poisson font preuve
d’une jeunesse rayonnante, <i>a contrario</i>. Attentif aux
oppositions sociales, McVicar n’en oublie pas de rappeler la condition
toujours modeste d’un acteur à cette époque, au moyen d’une scénographie
très réaliste, qui explore les mirages de la scène comme l’envers de
son décor, plus trébuchant en coulisses. Si ce travail reste finalement
d’une fidélité très classique au livret, on se délecte tout du long de
la splendeur des décors et costumes, magnifiés par la variété des
éclairages, pour nous emporter dans un délicieux voyage au temps
d’Adriana.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"></span></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjaefaahJZlJzSK7qo9G1qnHkjIntX4XHU2YUOwvq_4sbYx4S3Hd7KhsOQltOvPiAiPApnEiygPu0TZtPOmo-qX3VWawGmK71eHxguuLbhkZZQ_HKccq6W48ViDCTsr6cmJ6Vvf82CJr5ye0zsp2y_ThnhWPHvuUAlz61y6qMl1WUzXXHVp9M9RpYhpSMh2/s1040/13.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="680" data-original-width="1040" height="209" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjaefaahJZlJzSK7qo9G1qnHkjIntX4XHU2YUOwvq_4sbYx4S3Hd7KhsOQltOvPiAiPApnEiygPu0TZtPOmo-qX3VWawGmK71eHxguuLbhkZZQ_HKccq6W48ViDCTsr6cmJ6Vvf82CJr5ye0zsp2y_ThnhWPHvuUAlz61y6qMl1WUzXXHVp9M9RpYhpSMh2/s320/13.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><span style="font-size: x-small;">Anna Netrebko et Yusif Eyvazov</span></td></tr></tbody></table><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Et quelle Adriana, en la personne d’Anna Netrebko !
On reste toujours autant bluffé, pour ce type de rôle où les qualités
dramatiques sont déterminantes, par la capacité de la chanteuse
russo-autrichienne à moduler ses phrasés d’infinies nuances. Pour
autant, quelques limites sont audibles dans la projection, qui semble
avoir du mal à se déployer sur l’ensemble de la tessiture, tandis que
certaines notes sont prises par en dessous. Si la vaillance est encore
timide, l’art de cette grande interprète nous émeut toujours autant dans
les scènes intimistes, toutes très réussies. A ses côtés, le ténor
azéri (et son mari à la ville) Yusif Eyvazov compose un
Maurizio plus monolithique dans l’émission, mais d’une générosité
toujours aussi intense dans l’expression ardente, parfois au détriment
de ses comparses, balayés par sa puissance sonore. Le chant
techniquement très solide d’Ekaterina Semenchuk
(Princesse de Bouillon) montre davantage d’équilibre, autour d’un timbre
suave. On attend toutefois davantage de noirceur et d’insolence vocale
dans ce rôle, à l’instar d’un Leonardo Cortellazzi un rien trop timide dans les aspects plus troubles de l’Abbé de Chazeuil. A leurs côtés, Ambrogio Maestri
(Michonnet) surprend par sa présence émouvante dans les réparties en
demi-teintes, comme dans son articulation haute en couleurs, qui
rappellent toutes les qualités d’interprète bouffe appréciées ailleurs (notamment dans <i>L'Elixir d'amour</i>).</span></div><p style="text-align: justify;"></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">Outre ce plateau vocal de haut niveau, jusque dans le moindre second
rôle, on découvre la direction tout en allègement et transparence de Jader Bignamini,
qui n’en oublie jamais d’imprimer une fine tension dans les passages
dramatiques. Assurément du grand art que ce geste tout en économie et en
raffinement, qui exploite à merveille la variété de coloris du
superlatif Orchestre de l’Opéra de Paris.</span></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-41795528994984035832024-01-14T03:30:00.000-08:002024-01-16T03:38:29.732-08:00Concert de l'Orchestre national d'Ile-de-France - Ainārs Rubikis - Opéra de Massy - 12/01/2024<p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjeM58JF5H-I8o0T-F3SHc5pVqGMxSk33ICXu4tRJf8AP0srLW5Ad2leW-fMFrtUulue3U_-UOU4_DK5RfAF3caU0SnxA1I1lzqaIHKj2uPFUc5HGcThH3QQPgbhmjqSxyKsU3-3OcaDgLnyxWCCXLPnxMJWBxQpkx6_nG0WMjsLwrWeO4BnJPExkPO6ajq/s1024/12.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1024" data-original-width="1024" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjeM58JF5H-I8o0T-F3SHc5pVqGMxSk33ICXu4tRJf8AP0srLW5Ad2leW-fMFrtUulue3U_-UOU4_DK5RfAF3caU0SnxA1I1lzqaIHKj2uPFUc5HGcThH3QQPgbhmjqSxyKsU3-3OcaDgLnyxWCCXLPnxMJWBxQpkx6_nG0WMjsLwrWeO4BnJPExkPO6ajq/s320/12.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Ainārs Rubikis</td><td class="tr-caption" style="text-align: center;"> </td><td class="tr-caption" style="text-align: center;"> </td><td class="tr-caption" style="text-align: center;"> </td></tr></tbody></table></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">« Grandeur et élégance » clame le programme de l’Orchestre national
d’Ile‑de‑France, qui fête ainsi en grande pompe ses cinquante ans autour
de la réunion d’œuvres d’horizons très variées, entre pièces
contemporaine, néoclassique et romantique. Le concert débute avec la
création de la <i>Bacchanale</i> de Joel Järventausta (né en 1995), une
commande offerte au titulaire du prix Ile de créations (désormais
remplacé par le prix Elan) en 2019. Cette courte pièce de cinq minutes
environ force à la concentration d’emblée par un bref tutti
immédiatement suivi d’une atmosphère mystérieuse dans les <i>piani</i>,
avec force couleurs et effets de bruitages contemporains. Le Finlandais
montre là toute sa maîtrise des ressources de l’orchestre, avec un sens
des enchaînements très fluide et toujours envoûtant.<br /></span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">
Après cette brève pièce en guise d’apéritif, le concert prend une toute autre allure avec les délices de raffinement du <i>Concerto pour deux pianos</i>
(1932) de Poulenc, qui montre tout l’esprit vif et piquant des
différentes influences entremêlées par son auteur. Se succèdent ainsi
plusieurs hommages à des compositeurs illustres, dont Mozart, mais aussi
un foisonnement de rythmes forains et jazzy, au rayonnement lumineux.
Le Geister Duo, formé voilà dix ans et ayant à son actif deux disques
remarqués (notamment le second,
consacré à Debussy et Stravinsky), imprime sa marque par un élan
enthousiaste, au ton franc et direct, qui ne cherche jamais à prendre le
pouvoir sur l’orchestre. Toujours très précis dans l’écoute mutuelle,
les deux pianistes laissent entrevoir quelques infimes différences de
style, des virtuosités sans état d’âme de David Salmon aux subtilités
plus discrètes de Manuel Vieillard, en lien avec l’esprit de la
partition. En bis, les deux Français offrent un moment de douce poésie
avec la version pour piano à quatre mains du « Jardin féerique » de <i>Ma mère l’Oye</i> (1908) de Ravel, interprété sans affèterie, ni effets, en toute sobriété.<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
Après l’entracte, le public a la surprise de découvrir une scène
désormais remplie du double de musiciens, pour exécuter la redoutable <i>Quatrième Symphonie</i> (1874/1888) de Bruckner. Comme <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2014/09/concert-de-lorchestre-national-dile-de.html">il y a dix ans </a>avec la même formation à Besançon, on retrouve Ainārs Rubikis (né
en 1978) dans un programme étonnamment proche, également ponctué d’une
grandiose seconde partie. D’emblée, tous les regards se tournent vers le
premier cor Robin Paillette (né en 1985), sur qui repose la réussite
des premières mesures inoubliables, avec son solo qui s’élève en majesté
sur un tapis de cordes frémissant. Tout au long de la soirée, le
corniste sait marier sa solidité technique, sans faille, aux réparties
plus raffinées qui le sollicitent dans les autres mouvements, notamment
dans l’<i>Andante, quasi allegretto</i>.<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
C’est d’autant plus remarquable que la direction de Rubikis met
précisément en valeur les saillies individuelles, surtout dans les
passages pastoraux, en allégeant les textures et en ralentissant les
tempi ostensiblement, en contraste avec le rythme plus soutenu des tutti
cuivrés. Le Letton fait ainsi ressortir des détails d’une grande
lisibilité, parfois impressionnant de solennité lunaire, comme si le
temps était en suspension, notamment dans l’exploration des sonorités
dans les graves. On gagne ainsi en couleurs et en variété ce que l’on
perd en compréhension de l’architecture globale, notamment dans l’<i>Andante</i>,
un peu trop déstructuré, qui renforce l’impression de collage des
différents thèmes. Malgré un bref cafouillage au tout début du dernier
mouvement, le concert impressionne par la tenue d’ensemble, d’une grande
solidité technique, avec quelques belles individualités, entre chant
ardent des violoncelles, crépitement des bois ou vigueur millimétrée des
percussions. Parmi eux, se distingue l’excellent Florian Cauquil aux
timbales, notamment mis en valeur par quelques scansions marquées lors
du Scherzo.<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
Quel bonheur, aussi, de constater que le public a retrouvé le chemin des
concerts, comme le prouve la vente à guichets fermés pour cette soirée
anniversaire de l’Orchestre national d’Ile‑de‑France. Ce concert très
réussi démontre une fois encore toute l’excellence de cet ensemble, qui
force toujours autant l’admiration par sa capacité à diffuser son
ambition artistique dans les moindres petites communes d’Ile‑de‑France,
les plus reculées soient‑elles.</span> <br /></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-31920179399319904682023-12-31T02:21:00.000-08:002024-02-06T02:38:26.225-08:00« Petrouchka » d'Igor Stravinsky et « Les Sept péchés capitaux » de Kurt Weill - Opéra des Flandres à Gand - 30/12/2023<p style="text-align: center;"> <a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi5ekjmM04bRNrv6-mmOOUfMWHZ8KcBhNBE-8lnwdcJW5Q184Bizh-r9NTeLLRl0h3j_7toojQlpcU_5QF6FZwuv2KfClun08R4PELN-JLZF55RmNz-sCizd6KIgx064xbUCzUEnqc78kqa3dTGSiBmYaSBXdGPUj_7mS3Bq6YXehOZXkBvwNM9LtmfNXKm/s800/11.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="800" data-original-width="531" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi5ekjmM04bRNrv6-mmOOUfMWHZ8KcBhNBE-8lnwdcJW5Q184Bizh-r9NTeLLRl0h3j_7toojQlpcU_5QF6FZwuv2KfClun08R4PELN-JLZF55RmNz-sCizd6KIgx064xbUCzUEnqc78kqa3dTGSiBmYaSBXdGPUj_7mS3Bq6YXehOZXkBvwNM9LtmfNXKm/s320/11.jpg" width="212" /></a></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span class="s1">Après <i>Der Jasager</i> (2019), <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2021/09/der-silbersee-de-kurt-weill-ersan.html"><i>Le Lac d’argent</i></a> (2021) et <i>Mahagonny</i> (2022), l’Opéra flamand poursuit son exploration du legs de Kurt Weill autour du ballet chanté <i>Les Sept péchés capitaux</i>
(1933), composé lors de son exil à Paris, avant son départ définitif
pour les États-Unis. On retrouve cet ouvrage satirique et haut en
couleurs couplé à la version, également chorégraphiée, de <i>Petrouchka</i> (1911) de Stravinsky, qui annonce déjà les audacieuses modernités rythmiques du <i>Sacre du Printemps</i>.</span></span></p><p class="p1" style="text-align: justify;"><span class="s1"><span style="font-size: large;">L’Opéra flamand réunit pour les fêtes de
fin d’année deux ouvrages aujourd’hui plus souvent donnés en versions de
concert, nous rappelant opportunément leur création originale
chorégraphiée. Ainsi de <i>Petrouchka</i> et sa musique immédiatement
familière à de nombreux spectateurs, tant ceux-ci ont déjà pu entendre
la suite de concert (qui écourte le ballet pour en retenir les parties
les plus fameuses) à la radio ou en concert. Le livret original, qui
brosse le récit initiatique de trois marionnettes confrontées aux
émotions humaines, est, ici, entièrement revisité au bénéfice d’une
histoire plus sombre, évacuant les aspects populaires et folkloriques,
pourtant très présents dans la musique de Stravinsky.<br /></span>
</span></p>
<p class="p1" style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span class="s1">Confiée à Ella Rothschild, cette
adaptation imagine une société chaotique en lutte avec ce qui lui reste
d’humanité, en un ballet aux relents hypnotiques et saccadés :
l’individualité ne semble plus avoir sa part, tant le groupe s’épanouit
sur le plateau dénudé, mêlant violence et lynchage en lien avec les
moindres inflexions musicales, très mouvantes. Les ralentis initiaux
permettent de donner une distance critique au propos, même si
l’irruption de la mort vient rappeler la fragilité de ces âmes perdues.
Finalement sans vie, un des danseurs est soutenu par ses comparses, qui
tentent de le ranimer sans succès, avant qu’un inattendu âne ne fasse
irruption sur scène : il s’agit en réalité d’une sorte de marionnette,
actionnée par plusieurs artistes en un mélange d’audaces déstructurées
et poétiques, évoquant les visions surréalistes de Picasso ou Dali. <br /></span></span></p><p class="p1" style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span class="s1">Si la compréhension de cette relecture
n’est pas toujours aisée à suivre, on se laisse toutefois porter par le
flot toujours fluide de ces visions fantastiques, d’une précision
millimétrée dans leurs enchainements. On reste surtout bluffé par la
direction enflammée du jeune chef remplaçant, Gaetano Lo Coco (27 ans),
qui se saisit des nombreuses ruptures sans heurts excessifs, tout en
captant l’esprit populaire et païen de chaque changement d’atmosphère. </span></span></p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-size: large;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgcSs9XjB9QrgH-Ylmm5Z-385AU5GitD5bX9aEO1OLZAHJUZxg-mpKTGP6WFkS2Jl_zJkwrQmjpJYzuqoVCQ6r0sCCAeYPilfcwbsA2BUd-zZgxfUHdHwZl6bluZGGJQkx2DYPSTWoXsDv2XEkbfqwILBa73PcSj0ucGvCltMlT33-NFz0ieNqRQj_10lob/s1200/11.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1200" data-original-width="1200" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgcSs9XjB9QrgH-Ylmm5Z-385AU5GitD5bX9aEO1OLZAHJUZxg-mpKTGP6WFkS2Jl_zJkwrQmjpJYzuqoVCQ6r0sCCAeYPilfcwbsA2BUd-zZgxfUHdHwZl6bluZGGJQkx2DYPSTWoXsDv2XEkbfqwILBa73PcSj0ucGvCltMlT33-NFz0ieNqRQj_10lob/s320/11.jpg" width="320" /></a></span></div><p></p>
<p class="p1" style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span class="s1">Après l’entracte, il se montre tout aussi
à l’aise avec l’ambiance cabaret préférée par Kurt Weill, tout en
montrant une attention soutenue à l’articulation avec le plateau,
lorsque plusieurs chanteurs viennent mêler leurs voix à la danse, d’Anna
(l’interprète principale) au fantaisiste chœur masculin – ce dernier
pourtant relégué en fond de scène pendant la quasi-totalité du
spectacle. D’emblée, la critique du rêve américain s’incarne dans
l’aspect volontairement grotesque de ce chœur, grimé d’encombrants
costumes façon sumos, tandis que la valse d’un immense panneau
publicitaire, aux couleurs aguicheuses, évoque la société de
consommation présente dans chacune des cités visitées par Anna,
quasi-interchangeables. Autour d’elle, l’animalité sulfureuse qui se
dégage de la chorégraphie endiablée des danseurs, très exigeante au
niveau physique, mélange danse et gymnastique, sans aucun temps mort.
Tous les interprètes changent de costumes à vue, comme pour se moquer de
la tyrannie des apparences, tandis que la dualité d’Anna (la chanteuse
incarnant la bonne conscience de la danseuse) donne lieu à d’incessantes
joutes fantomatiques avec son double. </span></span></p><p class="p1" style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;"><span class="s1">Si la félinité envoutante de Lara Fransen charme tout
du long, on ne peut malheureusement pas en dire autant du chant appliqué
et trop terne de Sara Jo Benoot, pourtant aidée de la sonorisation : il
faut pour ce rôle une artiste de la trempe d’une Marina Viotti (qui va
interpréter Anna dans quelques jours à Paris et Genève, malheureusement
sans l’apport de la danse), capable de dépasser les seules difficultés
techniques pour faire ressortir le caractère du récit dans chaque
syllabe. En attendant, gageons que Sara Jo Benoot saura travailler son
personnage pour en creuser davantage les reliefs comme les subtilités,
pour la reprise de ce spectacle haut en couleurs prévue à Anvers dès la
fin du mois. <br /></span></span></p><p> </p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3948684266502164664.post-34313725031592138292023-12-25T05:02:00.000-08:002023-12-28T05:02:21.830-08:00« Elias » de Felix Mendelssohn - Calixto Bieito - Opéra de Lyon - 23/12/2023<p style="text-align: center;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgCCEQxmJN5d6S43LrDTWJXMYB9EH7vMgxlEOXwcEhrzmbsQ_UcpgAi3SO1UdxpZU69zsXhSYE0lzUl6VT1pfnTpuRFMGk2QQbrJxPg_UwmfXzcUPitMq3KTYCGAj4hynlyjNZiCXKtVsGgrvGFUkBDmgXFTv8z0jtF42De_-ZKfARFz6Y4h5jWC56smjOY/s768/12.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="512" data-original-width="768" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgCCEQxmJN5d6S43LrDTWJXMYB9EH7vMgxlEOXwcEhrzmbsQ_UcpgAi3SO1UdxpZU69zsXhSYE0lzUl6VT1pfnTpuRFMGk2QQbrJxPg_UwmfXzcUPitMq3KTYCGAj4hynlyjNZiCXKtVsGgrvGFUkBDmgXFTv8z0jtF42De_-ZKfARFz6Y4h5jWC56smjOY/s320/12.jpg" width="320" /></a> <br /></div><p></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-size: large;">A l’instar d’autres compositeurs éminents, Felix Mendelssohn (1809‑1847)
a raté sa rencontre avec l’opéra, qu’il affronta sans doute trop tôt
avec quelques ouvrages comiques mal accueillis, notamment <i>Le Mariage de Camacho</i> (1825), d’après Cervantès. Son niveau d’exigence lui fit ensuite refuser des livrets pourtant jugés excellents (comme celui de <i>Hans Heiling</i>, finalement composé par Marschner en 1833), avant de se pencher tardivement sur l’adaptation de la légende marine de la <i>Lorelei</i>,
laissée inachevée par une mort brutale et inattendue, à seulement
38 ans. Pour autant, on aurait tort de négliger la musique vocale de
Mendelssohn, qui représente de loin la partie la plus importante de son
legs, au niveau quantitatif comme qualitatif : le chef allemand Frieder
Bernius ne s’y est pas trompé avec sa récente et monumentale intégrale
en la matière, consacrée à la musique de scène, profane (voir <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2020/06/missa-solemnis-de-beethoven-frieder.html"><i>La Nuit de Walpurgis</i></a>) et religieuse (plus de dix disques, en dehors des oratorios).</span><span style="font-size: large;"><br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
Après le spectacle « Trauernacht », qui regroupait l’an passé des
extraits de cantates de Bach, place à son prophète Mendelssohn à l’Opéra
de Lyon, avec son second et dernier oratorio, <i>Elias</i> (1846). Si
le premier était dédié à une figure du Nouveau Testament, Paul, le
second s’intéresse au plus éminent prophète de l’Ancien, Elie, figure
ombrageuse somptueusement mise en valeur par la richesse harmonique de
l’accompagnement orchestral, comme l’éloquence souvent homophonique des
chœurs, aux réminiscences haendéliennes. Il s’agit là de la toute
première production scénique de cet ouvrage en France, habituellement
donné en version de concert : confié à Calixto Bieito, ce spectacle
d’abord créé à Vienne en 2019 montre tout l’intérêt de porter cet
ouvrage sur scène, du fait de l’investissement dramatique demandé à ses
interprètes, tous très engagés pour l’occasion.</span></p><p style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgV0L66njKbMB8kZOFnzvBDYDFWbH6snHVAbxkiwPTxw75LZLASlTN4zuwHn3tFrdtR9AaPJ34s8UiRmI2Lh4ff3rU-m_mHoxMeco963JZsDSXrNJzmiq240LJoz3eB-dbVjSLy1eJddtyBfVWM28z5HV3q2QoNSSx7p7gt0SW_CYocAU1oHVBX3ms8s-OR/s768/11.jpg" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="512" data-original-width="768" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgV0L66njKbMB8kZOFnzvBDYDFWbH6snHVAbxkiwPTxw75LZLASlTN4zuwHn3tFrdtR9AaPJ34s8UiRmI2Lh4ff3rU-m_mHoxMeco963JZsDSXrNJzmiq240LJoz3eB-dbVjSLy1eJddtyBfVWM28z5HV3q2QoNSSx7p7gt0SW_CYocAU1oHVBX3ms8s-OR/s320/11.jpg" width="320" /></a><br /></p><p style="text-align: justify;">
<span style="font-size: large;">Le metteur en scène espagnol choisit en effet de mettre au même niveau
solistes et chœur, ce qui est d’autant plus louable que ce dernier a un
rôle prépondérant pendant toute la soirée, comme un véritable acteur du
récit. Imaginative et bouillonnante, la direction d’acteur choisit de
renforcer les interactions, ici omniprésentes, tout en relevant le pari
de conserver le chœur sur scène tout du long, avec la révélation
d’individualités marquées, parfois hautes en couleur. Comme toujours un
peu sonore chez Bieito, le déchaînement sauvage des passions rappelle
toute l’indécision collective en des temps manifestement perturbés,
autour du récit initiatique tout en contraste d’Elie, d’abord affairé à
ses miracles, avant de surmonter ses doutes pour entamer son ascension
divine. Les Chœur de l’Opéra de Lyon n’appellent que des éloges, à force
de cohésion, de concentration et d’accents dans les attaques, et ce
pendant les deux heures de spectacle, donné sans interruption. Une
performance physique logiquement applaudie par un public dithyrambique
en fin de représentation, également ivre des tempi endiablés de
Constantin Trinks, aux effets de masse parfois un rien trop robustes,
mais qui sait parfaitement différencier les atmosphères pour embrasser
toute la variété d’inspiration de Mendelssohn.<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
Que dire, aussi, des solistes réunis, tous très émouvants dans leurs
rôles respectifs, et ce jusqu’au moindre second rôle. Ainsi du
bouleversant Derek Welton, qui donne à son Elie toute la grandeur d’âme
attendue, entre facilité de projection et articulation souveraine,
malgré un aigu plus difficile par endroit. On aime aussi la sonore et
pénétrante veuve de Tamara Banjesevic, très à l’aise au niveau
technique, de même que la noblesse d’âme aux phrasés suaves de Robert
Lewis (Ovadyah). Si Kai Rüütel‑Pajula (Un ange) montre quelques raideurs
dans l’intonation, la grande révélation vocale de la soirée vient de
Beth Taylor (La reine), qui donne le frisson à force de graves
rayonnants, d’une justesse d’intention superlative au niveau dramatique.
Assurément une chanteuse à suivre !<br /></span>
<span style="font-size: large;"><br />
Après les fêtes, on ne manquera pas de retrouver à Lyon le drôlissime <i>Barbe‑Bleue</i> d’Offenbach produit par Laurent Pelly <a href="http://chezmikal.blogspot.com/2019/06/barbe-bleue-de-jacques-offenbach.html">en 2019</a>. Bonne humeur garantie avec les délices d’invention mélodique du « petit Mozart des Champs‑Elysées » !</span> <br /></p>Mikalhttp://www.blogger.com/profile/12803820817964337766noreply@blogger.com0