Décidément incontournable un peu partout en Europe, Stefan Herheim fait son retour en ce début de printemps à Copenhague avec Salomé, sa seule incursion dans l’univers lyrique de Richard Strauss jusqu’à présent – là où Wagner occupe une place beaucoup plus importante depuis le début de sa carrière (tout récemment à Madrid et à Paris, notamment). C’est à Salzbourg que le metteur en scène norvégien avait présenté une première fois cette production de Salomé en 2011, avant la reprise à Oslo deux ans plus tard. On retrouve, comme à l’habitude, le goût de Herheim pour les transpositions audacieuses, idéales pour les fins connaisseurs des œuvres, beaucoup moins pour les novices possiblement déroutés par les changements par rapport au livret original.
Il n’en reste pas moins que le soin habituel apporté à la scénographie est, pendant toute la représentation, un régal pour les yeux. L’idée principale de Herheim consiste à centrer l’histoire sur la perte du désir du Roi Hérode pour sa femme Hérodias, tout en insistant sur sa quête de sens religieux et sa crédulité face aux différents charlatans qui l’entourent. Dès lors, les figures du prophète Jochanaan et de Narraboth sont rapprochées pour représenter deux bonimenteurs dont le premier aurait perdu grâce auprès du souverain, tandis que l’autre en serait la face sombre, tout à la fois ivre de désir pour Salomé et véritable bourreau du jeune page féminisé. Dans cette optique, tous les personnages sont revêtus d’habits de strass et paillettes, aussi exubérants que kitsch, qui semblent tout droit sortis d’une cour d’opérette rappelant furieusement Le Voyage dans la lune d’Offenbach.
Autour d’un unique télescope au centre, la scénographie en demi-cercle insiste quant à elle sur les références à la lune, très présente dans le livret original, au moyen d’une incrustation vidéo astucieuse et opportune. Elle permet de revisiter les ambiances visuelles du plateau en une myriade de couleurs variées, évoquant souvent l’univers fantastique et poétique d’un Méliès. Le travail de Herheim sait par ailleurs épouser les moindres inflexions musicales pour porter une attention continue et passionnante à la direction d’acteur, très dynamique. Evidemment très attendue, la fameuse Danse des sept voiles constitue l’une des grandes réussites de cette production, véritable enchantement visuel autour des multiples doubles de Salomé – des danseuses séductrices, vénéneuses et mortifères. Quelle merveilleuse idée que de les faire d’abord apparaître dans le viseur du télescope en ombre chinoise, rappelant les délices des lanternes magiques d’autrefois!
Face à cette mise en scène brillante et percutante, le plateau vocal se montre un peu plus en retrait. Dès lors qu’elle parvient à poser sa voix, Gisela Stille possède tous les charmes d’une Salomé envoûtante et déroutante. Mais la soprano suédoise a aussi du mal dans les accélérations, autour d’une voix qui manque de puissance dans les graves. Michael Kristenesen rencontre le même problème pour passer la rampe, incarnant un pâle Hérode, tandis que Thomas Hall (Jochanaan) et Adam Frandsen (Narraboth) s’en sortent mieux. Mais c’est surtout l’incandescente Randi Stene (Herodias) qui surprend à chacune de ses interventions par sa force de conviction et son attention aux couleurs. On aurait aimé l’entendre davantage encore que dans ce rôle assez court.
On notera enfin la direction rutilante de Michael Boder qui exalte les passages dramatiques à force de contrastes, montrant davantage de finesse et de variations dans la Danse des sept voiles.
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