jeudi 18 juillet 2024

Concert de l’Orchestre philharmonique de Radio France - John Eliot Gardiner - Festival de Montpellier - 16/07/2024

La deuxième saison du mandat de Michel Orier, nouveau directeur du Festival Radio France Occitanie Montpellier, bat son plein jusqu’au 20 juillet, avec pas moins de sept cents artistes et plus de cent concerts dans toute la région. Parmi les nouveautés cette année, la création de l’Académie d’été du Philharmonique de Radio France offre une expérience pratique à une vingtaine de musiciens triés sur le volet, lors de deux concerts d’exception. On retrouve précisément l’un d’eux dirigé par John Eliot Gardiner, une des grandes baguettes de notre temps, dont l’image a malheureusement été ternie l’an passé par une colère violente vis‑à‑vis d’un chanteur, lors du Festival Berlioz à la Côte-Saint-André. Pas superstitieux pour un sou, le chef britannique se produit à nouveau sous les auspices du compositeur français, dont le nom honore la salle principale du Corum de Montpellier. La grande salle de deux mille places affiche complet pour l’occasion, malgré une déperdition de quelques spectateurs au parterre, après l’entracte.

Le concert débute avec l’Ouverture de l’opéra romantique Obéron (1826) de Weber, que Gardiner entonne avec des tempi très modérés et sans vibrato. Ce parti pris est une constante tout au long de la soirée, avec une volonté de contraste dans les passages verticaux, plus appuyés et accélérés en comparaison. L’introduction lente du Weber apporte un climat de délicatesse tout en transparence, en une volonté d’allégement notable, avant que les ruptures des tuttis ne prennent peu à peu le dessus.

Un même esprit domine dans le Premier Concerto pour piano (1801) de Beethoven, où Gardiner et le soliste Piotr Anderszewski (né en 1969) s’entendent à merveille pour fuir tout pathos, en tournant leur inspiration vers Mozart et le XVIIIe siècle. Le piano millimétré du Polonais surprend dans l’Allegro con brio initial à force d’attention à sculpter ses phrasés, en un mélange de pudeur et de raideur parfaitement assumées. Les passages lents sont les plus intéressants, tant les deux hommes font ressortir plusieurs détails, en une vision qui reste toujours mesurée et cérébrale. En bis, la Sarabande de la Première Partita de Bach poursuit la volonté d’épure, en une palette expressive comme murmurée, toujours délicate et subtile.

Après l’entracte, on retrouve les forces symphoniques du Philhar’ pour affronter les rudesses hautes en couleurs de la Deuxième Symphonie (1873, révisée en 1880) de Tchaïkovski, plutôt rare au concert. L’ouvrage est problématique quant à son surnom, « Petite Russie », qui évoque l’Ukraine : la présentatrice de France Musique rappelle combien cette appellation faisait déjà débat au XIXe siècle, en dehors de la présence de thèmes ukrainiens dans la partition, aux premier et quatrième mouvements. Quoi qu’il en soit, on se délecte d’un ouvrage certes moins abouti que les trois dernières symphonies, mais qui comporte quelques moments de bravoure aux rythmes étourdissants et souvent irrésistibles. Gardiner lance le début majestueux en des tempi vifs, souvent ralentis dans les fins de phrasé. Le geste du chef britannique ne se pose pas de question dans les verticalités, souvent cravachées et brutales, pour lesquelles on aurait aimé davantage de respiration par endroit. Les rares passages lyriques semblent davantage l’intéresser, notamment lors de l’Andantino marziale, quasi moderato, comme en sourdine, en une exploration quasi analytique. On retrouve certains tics de direction caractéristiques des chefs issus du baroque, tel Hervé Niquet (voir notamment son récent concert consacré à la Deuxième Symphonie de Benjamin Godard, à Rouen), mais en une volonté de contraste beaucoup trop marquée ici. Les baisses de tension n’échappent pas à cette lecture inégale due au chef, dans le Finale surtout. L’orchestre livre quant à lui une interprétation exemplaire, sans que l’on parvienne à identifier le moindre défaut de cohésion du côté des musiciens de l’Académie, que Gardiner fait ostensiblement applaudir en fin de représentation.

 

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