mercredi 24 juin 2020

« Symphonies 1 et 2 » de Eivind Groven - Peter Szilvay - Disque Naxos


Parmi la pléiade de compositeurs méconnus, le Norvégien Eivind Groven (1901-1977) séduit d’emblée par son imagination mélodique qui semble couler de source, nous emportant dans le flot mouvant de son inspiration sibélienne, rappelant aussi les ballets contemporains de Copland par son sens de la clarté et de l’épure néoclassiques. Il faudra ainsi découvrir en priorité la superbe Première Symphonie «Vers les montagnes» (1937, révisée en 1950), où Groven fait valoir ses talents de coloriste en un ton vivant et joyeux, rappelant qu’il fut l’un des collecteurs de mélodies populaires les plus investis en son pays.

Issu d’une famille de musiciens, Groven pratiqua le violon Hardanger pendant toute son enfance avec ses parents, lors des fêtes populaires, avant de prendre des leçons de composition sur le tard, au Conservatoire d’Oslo en 1925. Ses origines «campagnardes», autant que son profil en grande partie autodidacte, font de lui l’un des musiciens norvégiens les plus doués de sa génération.

Plus sombre, la Seconde Symphonie «L’Heure de minuit» (1943) semble toutefois moins aboutie que l’essai précédent, même si on retrouve les effets de transparence et de grâce admirablement mis en valeur par la direction allégée et piquante de Peter Szilvay, à la tête de l’Orchestre symphonique de Kristiansand (cinquième ville de Norvège, sur la côte sud). On préfère grandement ce geste subtil aux effets de masse un peu lourds privilégiés par les deux versions concurrentes existantes (Simax, 1993, et Chandos, 2007). La seule déception de ce très beau disque vient de sa durée relativement modeste, qui aurait pu être opportunément augmentée de la suite Fjelltonar (1938): celle-ci comporte en effet les passages folkloriques retirés de la Première Symphonie à l’occasion de la révision de 1951.

samedi 13 juin 2020

« La Première Nuit de Walpurgis » de Mendelssohn - Frieder Bernius - Disque Carus

La fidélité de Frieder Bernius (né en 1947) pour l’exploration du répertoire de Felix Mendelssohn n’a pas d’égal de nos jours: depuis 1976 et son tout premier disque consacré à des psaumes et motets, le chef allemand n’a eu de cesse de revenir à son compositeur fétiche, explorant aussi bien les grands oratorios que son conséquent et méconnu legs choral, sans oublier la musique de scène (voir notamment Œdipe à Colonne, enregistré pour Carus en 2011 et dont on retrouve quelques extraits dans le présent disque). Cette somme de près de vingt disques a été réunie en trois coffrets différents, tous publiés chezCarus (l’éditeur principal de Bernius), constituant autant de références modernes pour les amateurs de Mendelssohn.

L’enregistrement de La Première Nuit de Walpurgis (1843) vient compléter cette somme avec les qualités habituelles de Bernius: élégance, transparence et finesse du rebond rythmique. Sous sa baguette, la cantate profane gagne en fluidité et en cohérence par l’unification stylistique de ses différentes parties. La fraîcheur piquante bienvenue, qui fait ressortir les vents, est ainsi un régal de chaque instant. On a là une nouvelle version de référence de cet ouvrage dont le souffle romantique a durablement influencé plusieurs contemporains – Berlioz et Schumann notamment. Le sujet traité, qui n’a ainsi rien à voir avec la scène du sabbat de Faust, n’est pas pour rien dans cet intérêt: adapté d’une ballade de Goethe, la cantate célèbre les anciens cultes païens germaniques, balayés par l’avènement du christianisme, avec un sens dramatique mémorable dans certaines scènes (superbe chœur des druides).

Le seul regret concernant ce disque est relatif à sa durée, trop courte avec à peine 50 minutes de musique, dont quelques 15 minutes d’extraits d’Œdipe à Colonne. On avait déjà pu dans le passé faire le même reproche à Frieder Bernius, décidément coutumier de la réutilisation d’enregistrements anciens pour compléter les nouveaux.

lundi 8 juin 2020

Oeuvres de chambre de Chostakovitch, Afanassiev et Glière - Octuor à cordes Oberton - Disque ARS Produktion


Voilà une bien belle idée que de s’intéresser au répertoire de l’octuor, souvent investi par la réunion de deux ensembles de quatuor, et non pas un ensemble dédié comme ici avec les Oberton. Formé en 2015 à Graz par de jeunes musiciens âgés de 23 à 27 ans, cet ensemble surprend dès son premier disque par le choix d’un programme ambitieux. Les Deux pièces (1925) de Chostakovitch mettent ainsi en avant toute la force de caractère et l’esprit caustique de l’apprenti compositeur alors étudiant au Conservatoire, un an seulement avant la création de sa Première Symphonie. Là où la version plus ancienne (1964) des quatuors Borodine et Prokofiev jouait davantage la carte des individualités exacerbées, celle des Oberton affiche une belle homogénéité, et ce malgré quelques flottements par endroit, notamment au niveau des violoncelles. Les mouvements enflammés se montrent ainsi les plus aboutis du disque.

On retrouve une concentration au service de la narration dans le Double Quatuor (1872) de Nicolas Afanassiev (1821-1898), dont le dernier mouvement apparaît le plus réussi au niveau mélodique. Considéré comme l’un des pères de la musique de chambre en Russie, ce violoniste virtuose, tout à la fois pianiste et chef d’orchestre, reste peu connu en dehors de son pays. Avec un style proche du classicisme lumineux de Mendelssohn, Afanassiev a bénéficié de ses tournées dans toute la Russie, insérant plusieurs musiques populaires dans ses ouvrages, dont le Quatuor «Volga» (1860). En cela, il ne doit pas être confondu avec son contemporain Alexander Afanassiev (1826-1871), auteur de contes folkloriques qui ont inspiré Rimski-Korsakov, Prokofiev ou Stravinski.

Avec l’Octuor (1900) de Reinhold Glière (1874-1956), on a le retour à un ouvrage de jeunesse qui reste classique de facture, bien loin de la spectaculaire Troisième Symphonie (1912). Le langage lyrique, à la clarté toute brahmsienne, est bien rendu par les Oberton, toujours meilleurs dans le tranchant et les verticalités (superbe finale, sommet du disque), contrairement aux passages apaisés, où l’effort technique est plus audible. C’est en ce dernier domaine que la jeune formation a encore à travailler pour nous convaincre pleinement.