Depuis sa création en 2017, la collection discographique de Château de Versailles Spectacles a permis de mettre en avant les temps forts de la saison de l’Opéra royal, tout autant que les artistes prometteurs soutenus par Laurent Brunner et ses équipes. Plus de quarante productions ont déjà ainsi vu le jour, le plus souvent avec le confort d’un double format CD/DVD, autour d’une édition richement dotée, que ce soit au niveau iconographique ou du nécessaire livret. C’est précisément le cas pour cette nouvelle production de Richard Cœur de Lion (1784) d’André-Ernest-Modeste Grétry (1741-1813), fort justement acclamée à sa création en 2019) par le public et la plupart des critiques. On ne peut que s’associer à ce concert de louanges, avec un indiscutable «Must de ConcertoNet», tant la production est réjouissante de bout en bout.
Premier artisan de ce succès, la musique de Grétry dont on tient là un
des chefs-d’œuvre de verve et de concision, toujours au service de la
primauté du texte et de la mélodie principale. Le Liégeois n’a pas son
pareil pour tisser des délices d’enchantement avec trois fois rien, se
hissant au niveau de la clarté déclamatoire éloquente du dernier Gluck,
rival dont il est proche stylistiquement dans cet ouvrage de la
maturité. Déjà enorgueilli des succès passés, notamment Zémire et Azor en 1771 (voir la production liégeoise de 2014) et L’Amant jaloux en 1778 (voir le spectacle de l’Opéra Comique en 2010, capté en DVD),
Grétry démontre là toute la variété de son inspiration, des
revigorantes chansons populaires et gaillardes aux ravissants airs
délicats et sentimentaux, sans oublier les spectaculaires dernières
scènes militaires au rythme endiablé, qui annoncent déjà Boieldieu et sa
Dame Blanche (1825).
Hervé Niquet n’est pas pour rien dans cette réussite, apportant autant
un sens des couleurs qu’un vif tempo (plus encore au disque qu’au DVD),
particulièrement adapté ici. On se réjouit aussi de son sens des
transitions, qui donne beaucoup de naturel à l’ensemble. L’ancien chef
de chant de l’Opéra de Paris balaye sans difficultés l’ancienne version
belge de 1977 (EMI), plus inégale en comparaison, et ce malgré la
présence de Mady Mesplé. A Versailles, le plateau vocal réuni pour
l’occasion brille de mille feux, faisant valoir la vigueur et la
fraîcheur de jeunes chanteurs engagés. On retrouve la même distribution
au disque et au DVD, à une exception près: Enguerrand de Hys, dont on
apprécie toutes les qualités d’articulation et d’investissement
scénique, remplace Rémy Mathieu au disque. Ce dernier ne lui cède en
rien dans l’aisance dramatique, avec un timbre un rien moins nasal, mais
une émission plus précautionneuse. A leurs côtés, tous les autres rôles
se montrent à un niveau superlatif, notamment l’impeccable Laurette de
Melody Louledjian.
Le spectacle vaut aussi pour ses atouts visuels, tant la mise en scène
de Marshall Pynkoski épouse les péripéties du livret dans ses moindres
intentions, au service d’un classicisme jamais poussiéreux: les costumes
historiques soignés et les décors à l’ancienne sont un ravissement
constant, au service d’une direction d’acteur pétillante, bien
accompagnée par les nombreux danseurs. Un spectacle à ne pas manquer
pour tous les admirateurs de la musique galante et du chant déclamatoire
de Grétry, à même de donner ses lettres de noblesse à l’opéra-comique
de la fin du XVIIIe siècle, et qui sera repris à l’Opéra royal du 11 au
14 novembre 2021, avec une distribution sensiblement identique à celle
du DVD.
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