Auréolé du « Prix de la révélation musicale de l’année » décerné par
l’Association professionnelle de la critique en 2018, Julien Masmondet
(né en 1977) revient à l’Athénée après sa prestation remarquée voilà trois ans dans un spectacle Zavaro-Bernstein.
Avec son Ensemble Les Apaches, dont le nom est emprunté au groupe
éponyme qui a réuni Ravel, Roussel et Schmitt, le chef français choisit à
nouveau de marier le répertoire du XXe siècle à une création
contemporaine, cette fois confiée à Fabien Touchard (né en 1985). Avant
même le début du spectacle proprement dit, les spectateurs prennent
place dans la salle et découvrent toute une série de bruitages
électroniques ; ce sont les nuisances ordinaires d’une ville bondée qui
semblent intéresser le jeune compositeur. Alors que les musiciens
arrivent un à un sur scène (à rebours de l’effet saisissant voulu par
Haydn dans sa Symphonie des Adieux), un écran géant au-dessus de
la scène projette une vidéo ; une danseuse s’échauffe en une série
d’images superposées et pénibles à suivre. Avec l’arrivée du chef, la
musique lancinante de Loïe fait la part belle à l’exploration plus technique qu’expressive des sonorités de la flûte, rapidement suivie par La Tragédie de Salomé (1907) de Florent Schmitt (1870-1958).
L’originalité de ce concert consiste à proposer la rare version
originale de cette œuvre de commande, plus souvent proposée sous dans sa
version pour grand orchestre (voir notamment un concert dirigé par Stéphane Denève). L’orchestration initiale de La Tragédie de Salomé
avait été volontairement limitée par Schmitt afin de s’adapter à la
jauge réduite du Théâtres des Arts (actuel Théâtre Hébertot) et surtout
ne pas souffrir de la comparaison avec la récente et opulente Salomé
(1905) de Richard Strauss. On découvre ainsi un ouvrage qui sonne avec
davantage de subtilité, il est vrai admirablement étagé par un Julien
Masmondet très à l’aise dans ce répertoire. Irriguant chaque pupitre
d’une belle énergie, très souple, le chef français se joue avec brio de
toutes les influences à l’œuvre ici, de l’orientalisme présent jusque
dans l’unique page vocale (et ses vocalises « mélismatiques »
interprétées avec un beau caractère par Sandrine Buendia) aux effluves
impressionnistes empruntés à Debussy, en passant par les couleurs de
Dukas. L’exquis raffinement rappelle aussi l’art de Ravel, même si la
constante relance du discours d’ensemble donne un souffle dramatique
bienvenu tout du long, qui explique sans doute pourquoi la suite pour
orchestre fut dédiée à Stravinski.
Il n’est que trop dommage que la projection vidéo vienne quelque peu
gâcher la fête, tant on cherche en vain à lui trouver un sens, finissant
par provoquer l’indifférence et la concentration sur les seuls
instrumentistes.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
samedi 11 décembre 2021
« La Tragédie de Salomé » de Florent Schmitt et « Loïe » de Fabien Touchard - Théâtre de l'Athénée à Paris - 10/12/2021
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