L’Opéra de Lyon conclut sa saison en fêtant l’un des plus parfaits chefs d’oeuvre de Janáček, L’Affaire Makropoulos (1926), que les Lyonnais avaient pu découvrir sur scène lors du festival consacré au compositeur en 2005.
Malgré un plateau vocal décevant pour les rôles principaux, nous y
reviendrons, on se réjouit de découvrir une nouvelle mise en scène
réussie de Richard Brunel (directeur de l’institution depuis 2021) :
c’est là le principal temps fort de la soirée, tant son travail explore
les méandres d’un livret complexe à démêler en début d’ouvrage, avec une
volonté pédagogique bienvenue. On aime ainsi l’idée d’aborder le récit
comme une enquête policière, où les nombreux noms évoqués dans la
procédure juridique sont récapitulés sur un tableau noir. Le personnage
d’Emilia Marty apparait d’emblée fragile en tant qu’artiste, Brunel
cherchant à montrer combien la perte de la formule d’immortalité a des
conséquences pratiques sur sa carrière de cantatrice, et pas uniquement
sur son espérance de vie. L’autre idée forte est de montrer l’agitation
de l’héroïne par une vitalité étourdissante des éléments scénographiques
du plateau, comme des personnages, tandis que la multiplicité des
saynètes en simultané donne à voir de nombreux non‑dits textuels. La fin
est également très aboutie en mettant en avant le rôle mineur de
Krista, qu’Emilia met en position d’héritière symbolique, comme garante
de la transmission artistique entre les deux femmes. De quoi laisser un
souvenir plus humain que le seul égoïsme habituellement attaché à la
figure de l’héroïne.
Déjà à la peine vocalement dans le rôle-titre tout aussi redoutable du Miracle d’Héliane de Korngold (en 2017
à Anvers), Ausrinė Stundytė déçoit en Emilia Marty à force
d’approximations dans la puissance des aigus, peu justes. On se console
avec des graves mieux maîtrisés et des qualités dramatiques de bonne
tenue, mais on est loin de l’incarnation attendue, censée donner aux
dernières scènes le frisson. L’autre grande déception de la soirée vient
du chant en force et sans style de Denys Pivnitskyi (Albert Gregor),
qui vient ternir toutes les scènes ambiguës avec sa mère, pourtant parmi
les plus intéressantes de l’ouvrage. Fort heureusement, les seconds
rôles donnent beaucoup de satisfactions, au premier rang desquels les
solides et engagés Tómas Tómasson (Jaroslav Prus) et Thandiswa Mpongwana
(Krista). Enfin, le chef germano-britannique Alexander Joel souffle le
chaud et le froid en donnant beaucoup de volume et d’opulence à sa
direction comme en technicolor, d’une vitalité certes excitante, mais
qui manque de finesse dans les parties dramatiques.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
samedi 15 juin 2024
« L’Affaire Makropoulos » de Leos Janácek - Damiano Michieletto - Opéra de Lyon - 14/06/2024
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