Présenté en première allemande à l’Opéra de Francfort, Francesca da Rimini
a joué de malchance depuis l’échec de la création de l’ouvrage, prévue à
Madrid en 1830 (où l’ouvrage a été récemment retrouvé), ne parvenant
pas ensuite à être accueilli ailleurs, notamment à Milan. Repéré par
Rossini, avec lequel il n’a que trois ans d’écart, Saverio Mercadante
(1795‑1870) remporte de grands succès en Italie au début des années
1820, avant de faire carrière à Vienne, puis dans la péninsule ibérique.
De belle facture, la musique de ce petit maître du bel canto rappelle
celle de ses cadets Donizetti et Bellini, mais échoue à surprendre, en
se fondant dans le moule classique des formes attendues en son temps. La
faiblesse de cette Francesca da Rimini tient surtout à son
livret famélique, qui réduit le drame au seul trio constitué par deux
frères amoureux d’une même femme, Francesca. C’est bien peu pour tenir
la durée conséquente de l’ouvrage, d’environ trois heures de musique,
qui étire les situations jusqu’à plus soif, en étant de surcroît privé
d’action.
On doit au festival de la Vallée d’Itria, dans les Pouilles (région dont
est originaire Mercadante), la première mondiale de l’ouvrage en 2016
(voir le compte rendu
du DVD de cette production), avant la reprise à Erl et ici même, cette
fois dans une mise en scène confiée à Hans Walter Richter. C’est là
l’occasion de retrouver le travail d’un collaborateur régulier à
Francfort, qui a notamment monté Le Medium de Menotti en 2019,
avec les jeunes pousses de l’Opéra Studio. Essentiellement fondée sur
la superbe scénographie en noir et blanc de Johannes Leiacker, magnifiée
par des éclairages variés, la mise en scène nous plonge d’emblée dans
le drame en rétrécissant le champ d’action des protagonistes, tous
regroupés autour du lit de l’héroïne : c’est là le lieu symbolique des
attentes de ses soupirants, qu’escalade maladroitement le mari
Lanciatto, déjà assailli par les doutes en début d’ouvrage. Tout au long
du spectacle, Richter tente de muscler l’action, au moyen d’une
direction d’acteur volontiers virile dans les scènes de tension, tandis
que plusieurs évocations oniriques en arrière‑scène donnent à voir des
doubles des protagonistes. Un travail convaincant, proche de Christof
Loy, mais qui ne peut tout à fait masquer les redondances de l’ouvrage,
bien longuet en fin de compte.
Le plateau vocal réuni montre un bon niveau global, jusque dans le
moindre second rôle. Ainsi de la Francesca d’Anna Nekhames, qui fait
oublier une technique parfois audible dans l’effort, notamment un
suraigu étroit, par une émission plus charnue sur le reste de la
tessiture. Sa composition dramatique donne une belle intensité à son
rôle, mais c’est davantage Theo Lebow (Lanciotto), qui impressionne en
ce domaine, à force de morgue et de naturel dans l’abattage scénique.
Malgré un léger vibrato dans les parties difficiles, ce pilier de la
troupe de l’Opéra de Francfort depuis 2016, donne beaucoup de plaisir
tout du long. On aime aussi la fraîcheur de timbre et la belle ligne
souple de Kelsey Lauritano (Paolo), à qui ne manque qu’un soupçon de
puissance pour nous emporter dans la fureur. Bien soutenue par un chœur
toujours engagé et précis, l’offre vocale est l’atout maître de ce
spectacle, de même que la direction dynamique de Ramón Tebar : le chef
espagnol n’a pas son pareil pour secouer la musique de Mercadante dans
les passages verticaux, à même de lui donner davantage de relief. Il
sait aussi s’apaiser pour faire preuve de délicatesse, notamment dans
les délicieuses interventions concertantes de la harpe, souvent
sollicitée pour soutenir les atermoiements de l’héroïne.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
dimanche 9 avril 2023
« Francesca da Rimini » de Saverio Mercadante - Vasily Barkhatov - Opéra de Francfort - 08/04/2023
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