samedi 11 avril 2020

« Sérénades 1 et 2 - Dreams - L'Oiseau d'or » de George Antheil - Disque CPO


La musique de George Antheil (1900-1959) reste aujourd’hui connue pour sa période parisienne avant-gardiste, où l’Américain s’intéressa autant à l’apport du jazz (voir notamment la brève A Jazz Symphony, donnée à Paris en 2014) qu’aux audaces bruitistes du futurisme (voir notamment son célèbre Ballet mécanique, encore présenté à Paris en 2007). Ces audaces intervinrent dans le contexte des retentissements initiés par la création de Pacific 231 d’Honegger ou de la Deuxième Symphonie de Prokofiev, au début des années 1920.

Parmi ces petites pièces expérimentales, la «chinoiserie» L’Oiseau d’or (1921) est un clin d’œil facétieux qui évoque son admiration pour Stravinski. Elève d’Ernst Bloch, puis de Nadia Boulanger, Antheil fut aussi très influencé par le groupe des six et le néoclassicisme, ce qui se ressent à l’écoute du ballet Rêves (1935). La musique fantasque, aux sonorités foraines, montre une inspiration variée et colorée, propre à cette période où le compositeur commence à assagir son style, dès son retour aux Etats-Unis en 1933.

Tout en travaillant pour Hollywood à partir de 1936, tel Korngold et tant d’autres, Antheil n’en oublie pas la musique dite «sérieuse» : sa Sixième et dernière symphonie reçoit ainsi l’honneur d’une création par rien moins que Pierre Monteux à San Francisco en 1948. Aux côtés des symphonies numérotées composées dès 1922, deux sérénades sont créées en 1948, puis 1949. A l’instar des deux dernières symphonies contemporaines, l’élégante Première Sérénade rappelle le style de Chostakovitch, en moins sombre. Seul l’Andante montre un visage sérieux, avec d’étonnants solos aux cordes, dont la contrebasse. Moins inspirée, la Seconde Sérénade, assez marmoréenne, se fait plus timide dans son élan.

Si les symphonies précitées, ainsi que la Troisième dite «Américaine» (1939, révisée en 1946), apparaissent davantage prioritaire en comparaison, ce disque vaut surtout pour la direction narrative de Fawzi Haimor, directeur musical de la Philharmonie de Reutlingen – une ville de plus de 100000 habitants située au sud de Stuttgart et qui n’a pas à rougir de la qualité de son ensemble musical.

lundi 6 avril 2020

« The Cloud Messenger » de Gustav Holst - Disque Delphian


On a beau ne jamais se lasser d’entendre et réentendre la version originale des Planètes de Gustav Holst (1874-1934), parfois augmentée d’une nouvelle planète ou revisitée façon jazz, force est de constater que ce chef-d’œuvre réduit par trop son compositeur à un unique opus, du moins dans notre pays. Avant le triomphe des Planètes (1916), Holst se passionna pour les textes de l’Inde antique, s’improvisant traducteur de sanskrit. Outre l’opéra Sāvitri (donné en 1998 à New York pour fêter le quatre-vingt-dixième anniversaire de la création), la cantate Le Nuage messager est le principal ouvrage d’importance de cette période, pourtant délaissé par l’auteur, puis sa fille Imogen, suite à l’échec de la création en 1912.

La cantate sera retrouvée dans les années 1980, permettant le premier enregistrement discographique par Richard Hickox (Chandos, 1990), avant son décès prématuré en 2008 lors des sessions d’enregistrement de la Symphonie chorale (1925) de... Holst. Grand spécialiste de la musique anglaise, Hickox fait le choix d’une lecture analytique et probe, un rien trop lente par endroits. On préfère grandement la présente version, qui bénéficie de l’orchestration allégée pour ensemble de chambre, évitant tout effet de masse. On gagne ainsi en mystère et en couleurs chatoyantes, se perdant avec délice dans le flot hypnotique et entêtant du geste aérien de Joseph Fort – à la tête d’un superlatif ensemble et d’un chœur non moins lumineux, qu’on ne présente plus.

Si l’inspiration puise dans l’apaisement rayonnant de Parsifal, ainsi que dans le lyrisme oriental façon Rimski-Korsakov (proche en cela de Roussel ou Schmitt), Holst n’en oublie pas quelques innovations dans les entrecroisements verticaux des voix, qui annoncent autant les audaces stravinskiennes que son propre chef-d’œuvre choral L’Hymne de Jésus (1917). On perçoit aussi déjà quelques détails d’orchestration typiques du compositeur, tel que l’usage fréquent de l’ostinato ou le recours au célesta en touches délicates, qui annoncent les passages impressionnistes des Planètes.

Bénéficiant d’une superbe prise de son, ce grand disque est à ne pas manquer pour tout amoureux de la musique symphonique et chorale anglaise du début du XXe siècle.