On aurait tort de minorer l’importance des origines juives de Mieczyslaw Weinberg (1919-1996) pour cerner sa personnalité et les influences prépondérantes dans sa musique. S’il dut fuir le régime nazi par deux fois, en 1939 lors de l’invasion de Varsovie, puis en 1941 à Minsk, Weinberg mit un point d’honneur à inclure des thèmes populaires juifs dans ses premières compositions orchestrales, les mêlant à son style post-romantique puissamment évocateur. Bien avant que son amitié et son admiration réciproque pour Chostakovitch ne lui permettent d’être libéré de son incarcération par le KGB en 1953 pour «nationalisme bourgeois juif», la doctrine Jdanov et son antisémitisme rampant lui reprochent, en tant que tenant du «formalisme», de ne pas suffisamment glorifier le Socialisme triomphant.
Parce que la culture se conjugue sous plusieurs formes, il sera sujet ici de cinéma, de littérature, de musique, de spectacles vivants, selon l'inconstante fantaisie de son auteur
mercredi 25 novembre 2020
« Concertino et Concerto pour violoncelle » de Mieczyslaw Weinberg - Raphael Wallfisch - Disque CPO
lundi 23 novembre 2020
« Concertos pour piano » d'Ernő Dohnányi - Ariane Matiakh - Disque Capriccio
Après son récent enregistrement du ballet pantomime Le Voile de Pierrette (1910) d’Ernő Dohnányi (1877-1960), Ariane Matiakh se consacre aux deux Concertos pour piano du compositeur hongrois, déjà enregistrés avec brio par Howard Shelley et Mathias Bamert pour Chandos en 2002 et 2004. La Française n’a pas à rougir de la comparaison et propose une autre version superlative de ces deux ouvrages au souffle post-romantique, certes peu aventureux, mais qui montrent le compositeur à son meilleur, sans doute inspiré par son instrument de prédilection. Pianiste virtuose, chef d’orchestre et professeur de renom, Dohnányi forma toute une génération d’artistes aussi renommés que Géza Anda, Annie Fischer, Georg Solti ou Győrgy Cziffra. Malgré sa longue carrière, Dohnányi laisse un catalogue de compositions plutôt modeste, d’où ressort sa musique de chambre influencée par Brahms.
C’est logiquement le maître de Hambourg auquel on pense d’emblée à l’écoute du superbe Premier Concerto (1898), mais également à Liszt: le lyrisme de Dohnányi souffle sur cette partition aérienne, sans temps mort. Les deux premiers mouvements sont les plus réussis, avec une inspiration mélodique du plus bel effet. Autour de piquants contrechants aux vents dans le délicat mouvement lent, le langage montre peu d’évolution en 1947, lorsque Dohnányi achève son Second Concerto. Seules les parties pianistiques épurées rappellent le style de Rachmaninov, tandis que le finale est autre grande réussite, porté par un sentiment d’urgence digne du grand maître russe là aussi.
Tout admirateur du romantisme finissant aurait grand tort de faire
l’impasse sur la découverte de ces deux petits bijoux, parfaitement
ciselés par l’art des contrastes toujours savamment dosés d’Ariane
Matiakh. On est aussi grandement séduit par le toucher félin de Sofja
Gülbadamova, qui s’est déjà illustrée dans un double disque des
meilleures pages pour piano de Dohnányi (Capriccio, 2018), donnant ainsi une stimulante alternative au piano plus viril de Shelley dans ce même répertoire.