Voilà déjà le sixième volume de l’intégrale symphonique du prolifique
Eugene Zádor (1894-1977), un des nombreux compositeurs ayant dû fuir le
nazisme pour travailler aux Etats-Unis dans l’industrie du cinéma. Peu
connu, le Hongrois fut le collaborateur principal de son compatriote
Miklós Rózsa, pour lequel il orchestra anonymement de nombreux succès,
dont la musique de Ben-Hur en 1959. Aux côtés de ses activités
alimentaires, l’ancien professeur de composition aux conservatoires de
Vienne et Budapest n’en oublia jamais sa passion pour la «musique
sérieuse», composant abondamment en un style fidèle au post-romantisme
et à son modèle Richard Strauss. L’éclat et le lyrisme débordant de la Tarantella-Scherzo (1942) ouvrent ainsi le disque avec bonne humeur, laissant d’emblée percevoir l’aisance d’écriture du compositeur.
Avant son départ aux Etats-Unis en 1939, Zádor remporta plusieurs succès
d’estime, tels que la création parisienne de l’élégante Sinfonia technica
(1932) par l’Orchestre Lamoureux. Contrairement à son titre et à son
programme aux évocations industrielles proches des expérimentations
contemporaines de Prokofiev, le début de la symphonie laisse entrevoir
le goût de Zádor pour le chatoiement des cordes, à la manière de son
ancien maître Reger, mais surtout de Schreker, dont on perçoit
l’influence dans la variation des atmosphères – avec une grande maîtrise
de l’ensemble de la palette des couleurs de l’orchestre. La
transparence impressionniste mouvante et changeante superpose les
différents motifs avec élégance, trouvant ensuite deux derniers
mouvements plus verticaux qui justifient enfin le titre de la symphonie.
Cet ouvrage superbe, inspiré au niveau mélodique, peut motiver à lui
seul l’achat de ce disque.
Eugene Zádor sut aussi donner un visage plus sombre avec le bref In Memoriam (1962), probablement écrit pour rendre hommage à sa mère récemment décédée. Le langage lyrique et expressif lorgne vers le Copland tonal des ballets Billy the Kid et Rodeo. On préfère toutefois la dernière période du compositeur, qui s’intéresse à une musique plus concertante, avec des instruments surprenants tels que l’accordéon, le cymbalum ou dans une moindre mesure le trombone. Le Concerto pour trombone de 1966 rappelle parfois la manière de Richard Strauss dans ses propres concertos, tandis que la Musique pour clarinette et cordes (1970) évoque Bartók dans l’intériorité subtile et délicate. Fondé en 1945 par la Société nationale des chemins de fer hongrois, le solide Orchestre symphonique de la MAV de Budapest rend justice à cette musique agréable, toujours fidèle à ses principes post-romantiques. Le chef polonais Mariusz Smolij gagnerait parfois à enflammer davantage son geste, mais assure toutefois l’essentiel par son attention à la narration d’ensemble. Une belle découverte.