Vous croyez tout connaître sur Faust (1859), le chef d’œuvre de Charles Gounod ? Il n’en est rien ! Suite à la nouvelle édition proposée par Paul Prévost avec le concours des équipes du Palazzetto Bru Zane, l’Opéra Comique s’intéresse à la version originale avec dialogues parlés et mélodrames. De quoi découvrir des morceaux totalement inédits, ainsi qu’une meilleure lisibilité de l’action dévolue aux personnages secondaires. Autour de la mise en scène élégante de Denis Podalydès, la direction flamboyante de Louis Langrée rend au drame toute sa ferveur grandiose, au service d’un plateau vocal idéal dans la nécessaire diction.
A l’instar d’autres chefs d’oeuvre immortels tels que Carmen ou Boris Godounov, Faust connut de multiples moutures, du fait des modifications opérées par le compositeur lui-même au gré des représentations, de Paris jusqu’à l’étranger. Appelé improprement «opéra» à sa création au Théâtre Lyrique de Paris, l’ouvrage avait en réalité été conçu pour une troupe d’opéra-comique, rompue aux dialogues parlés et au mélodrame. L’écriture des récitatifs, ainsi que d’un ballet, viendra quelques années plus tard, lors d’une recréation triomphale à l’Opéra de Paris. Si Gounod avait souhaité que les deux versions coexistent, ce qui fut le cas pendant quelques années (à Bruxelles notamment), c’est finalement la mouture opératique qui s’imposa durablement. Il faut une nouvelle fois remercier le Palazzetto Bru Zane de s’être penché sur cette rareté, révélée par le très beau disque dirigé par Christophe Rousset en 2019. Une production scénique a également vu le jour l’an passé à Cologne – signe de la popularité de l’ouvrage en Allemagne.
Produit en partenariat avec l’Opéra de Lille, ce spectacle ne reprend pas tout à fait la partition utilisée par le Palazzetto Bru Zane. Il s’agit en réalité d’une version intermédiaire entre celle de la création en 1859 et plusieurs modifications opérées les années suivantes, notamment l’inclusion de la «Chanson du nombre 13», révélatrice de la fascination populaire pour les symboles et les coïncidences, en lieu et place de la ronde du Veau d’or. Plus généralement, la coloration sur instruments d’époque voulue par Christophe Rousset trouve ici une interprétation plus traditionnelle avec l’Orchestre national de Lille, sous la battue engagée de Louis Langrée. En dehors de quelques passages où le plateau est couvert dans les ensembles, le geste hautement architecturé du directeur de l’Opéra Comique fait mouche pour rendre ses lettres de noblesse au drame, porté par un lyrisme incandescent. Pour autant, Langrée n’en oublie pas les parties plus intimistes, aux phrasés souples et aériens, qui font tout le prix de l’art de Gounod.
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| Julien Dran et Vannina Santoni |
En centrant l’action sur l’humain, la mise en scène de Denis Podalydès ravit par sa simplicité et son classicisme toujours au service de la bonne compréhension des péripéties. La scénographie très sombre, à l’instar des costumes au début, évoque l’état dépressif du rôle-titre, accaparé par ses velléités de suicide. L’apparition de Méphistophélès et de ses deux acolytes permet de les voir littéralement tirer les ficelles de l’action, comme un Monsieur Loyal fiché de ses fidèles serviteurs. L’idée de Podalydès consiste à fuir les artifices fantastiques pour imaginer le diable comme une incarnation de la mauvaise conscience de Faust, libératrice de ses nombreuses frustrations. Le drame n’en devient que plus trivial, avec la tentative d’acheter les grâces de Marguerite par un coffret de bijoux, avant de la rejeter en deuxième partie, une fois lassé de ses atours. Le tout est finement réglé, en un esprit forain, un rien trop figé au I, malgré l’apport bienvenu d’un couple de danseurs. L’assemblage élégant des éléments scéniques permet de figurer autant une église qu’un échafaud, sans artifices inutiles. La deuxième partie du spectacle va plus loin encore dans cette volonté d’épure, en mettant l’accent sur le devenir énigmatique de l’enfant de Marguerite, qui erre sur scène comme une bête en sursis. Un travail d’une belle probité au niveau de la direction d’acteur, toujours au service de l’ouvrage et des interprètes.


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