Saison après saison,
l’Opéra de Versailles poursuit sa programmation originale de raretés
baroques et classiques. Place cette fois à un opéra
de Gossec, agréable faiseur, qui bénéficie d’interprètes de haut
vol pour la défense de sa musique.
Outre les nécessaires interprètes de tout premier plan, la
programmation actuelle s’articule autour d’une volonté de défricher le
répertoire permettant ainsi la découverte d’œuvres méconnues ou
de compositeurs oubliés. En 2009, la toute première saison
musicale avait ainsi mis en avant le compositeur liégeois André Grétry
(1741‑1813), contemporain de Mozart et célèbre en son
temps. Parmi les nombreuses œuvres programmées, son ballet
héroïque Céphale et Procris ou l’Amour conjugal * avait été sorti de l’oubli par
Guy Van Waas et son excellent ensemble belge Les Agrémens.
Après Lully et Haendel
C’est précisément ces interprètes que l’on retrouve trois ans plus
tard, toujours à Versailles, pour défendre la musique de
François‑Joseph Gossec (1734‑1829), cadet de deux ans
de Joseph Haydn, qui au cours de sa longue carrière a connu aussi
bien Rameau que Berlioz. Renommé en France pour ses symphonies, son Requiem ou ses hymnes de la période
révolutionnaire, Gossec a également composé de nombreux opéras tel Thésée
en 1782. Cette tragédie lyrique est adaptée d’un livret de
Philippe Quinault écrit un siècle plus tôt et
déjà mis en musique par Lully et Haendel. Contrairement à ce que
peut laisser supposer son titre, l’œuvre place la princesse Églé au
centre de l’action, au détriment de Thésée qui
n’intervient qu’en milieu d’opéra.
Le premier acte décrit la victoire du roi d’Athènes Égée sur ses
ennemis, épisode guerrier que Gossec transcende au moyen d’un orchestre
opulent où rivalisent trombones, trompettes, et
vents au complet par deux (contrairement à Haydn qui ne disposait
pas à cette époque d’un tel ensemble). Épaulée par un chœur omniprésent,
la verve rythmique de Gossec impressionne par sa
scansion toute baroque, laissant peu de place au développement de
motifs mélodiques. Le deuxième acte s’apaise quelque peu, permettant aux
personnages de dévoiler leur psychologie par de
rudes oppositions. Amoureuse de Thésée, Églé se refuse ainsi aux
avances d’Égée et provoque la fureur de Médée qui hésite entre les
deux hommes. Le sommet de l’opéra est atteint lors de la
confrontation entre les héroïnes, rôles qui bénéficient de
l’interprétation de la soprano Virginie Pochon (Églé) et de la
mezzo-soprano Jennifer Borghi (Médée).
Des chanteurs convaincants
Les deux jeunes femmes rivalisent en effet d’aisance vocale dans
la joute, imprimant une concentration dramatique singulièrement
bienvenue dans le cadre d’une version de concert, et ce malgré
l’absence de surtitres, dommageable pour la parfaite compréhension
de l’action. On retient également les admirables rôles masculins, aussi
bien la projection généreuse de l’Égée du baryton
Tassis Christoyannis que la voix claire et articulée du ténor
Frédéric Antoun (Thésée). À leurs côtés, dans de multiples seconds
rôles, Philippe Favette se montre également très
convaincant.
Autour de ce plateau vocal de haute volée, l’ensemble
Les Agrémens, composé d’instruments d’époque, se joue aisément des
difficiles passages virtuoses, galvanisé par un
Guy Van Waas attentif au moindre détail. Le Chœur de
chambre de Namur, admirable de cohésion et de musicalité, bénéficie
quant à lui de la merveilleuse acoustique de l’Opéra
de Versailles. Dans cet écrin splendide et avec de tels
interprètes, la musique de Gossec, plaisante mais sans surprises, ne
pouvait trouver de meilleures conditions pour s’épanouir
harmonieusement.
* Œuvre que l’on peut retrouver au disque, parmi le riche catalogue des enregistrements discographiques édites par le Centre baroque de Versailles et le Centre de musique romantique française.
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