En tournée en France
et au Luxembourg, la recréation mondiale de « l’Olimpiade »
de Mysliveček se poursuit en faisant une halte
bienvenue à Dijon. Un plateau vocal idéal permet de découvrir sur
scène une musique pétillante et imaginative, qui annonce déjà les
grandes œuvres de Mozart.
Livret emblématique du xviiie siècle, l’Olimpiade
a beau avoir été mis en musique par plus de soixante compositeurs
différents, il n’en reste pas moins parfaitement méconnu de nos
jours. Un constat d’autant plus incompréhensible que la liste des
compositeurs inspirés par cette œuvre a de quoi impressionner.
De Vivaldi à Paisiello en passant par Pergolèse, Hasse, Jomelli ou
Cimarosa, la plupart des grands noms des périodes baroque et galante
ont ainsi apporté leur contribution à cet
opera seria écrit par le grand poète italien Pietro Metastasio (ou Métastase [1]).
Voilà deux ans, le Venice Baroque Orchestra a eu l’excellente idée
d’enregistrer au disque un remarquable « pasticcio » des 24 airs et
chœurs du livret
original, tous empruntés aux partitions composées entre 1733 et
1784 par 16 musiciens différents. Parmi eux, on retrouve la figure
oubliée du Bohémien Josef Mysliveček (1737-1781),
pourtant acclamé en Italie tout au long de sa carrière et tenu en
grande estime par Mozart. L’oratorio Abramo e Isacco fut même attribué par erreur au jeune prodige autrichien
avant d’être restitué à Mysliveček, à l’instar de la Symphonie nº 37 de Mozart due en réalité à Michael Haydn, petit frère de Joseph.
Une récréation mondiale
Œuvre de la pleine maturité composée trois ans avant la mort de Mysliveček, l’Olimpiade
a bénéficié d’une recréation mondiale à Prague début mai 2013 avant de
partir en
tournée dans la foulée. Une initiative heureuse tant Mysliveček
multiplie les ambiances délicates ou fougueuses au moyen de riches et
surprenantes ornementations orchestrales, et semble inspiré
par cette histoire d’amitié contrariée où deux amis, Megacle
et Licida, tombent amoureux de la ravissante Aristée, fille du roi
Clistene, promise au vainqueur des
jeux Olympiques. Il faut dire que la direction enflammée de Václav Luks (2) à la tête du Collegium 1704, ensemble baroque tchèque bien connu des
festivaliers de La Chaise-Dieu, Pontoise ou Sablé-sur-Sarthe, n’est pas pour rien dans cette révélation éclatante.
La mise en scène esthétisante d’Ursel Herrmann déçoit en
comparaison, avec un choix de couleurs peu heureux pour les décors,
particulièrement les murs verdâtres, et des éclairages banals
qui ne parviennent pas à animer un plateau quasi nu pendant toute
la représentation. Les quelques idées symboliques suggérées, du
labyrinthe projeté au sol pour exprimer la confusion des
personnages à la présence quasi continue d’esprits de la forêt
interprétés par les quatre membres du chœur, apportent certes une part
de fantastique bienvenue, mais lassent à force de
redondance. Cependant, c’est l’absence visible de direction
d’acteur qui nuit à l’impression d’ensemble, avec des gesticulations
démonstratives particulièrement datées.
Magnifique Raffalea Milanesi
Fort heureusement, le plateau vocal réuni triomphe aisément de ces
désagréments. Annoncée souffrante, Raffalea Milanesi (Mégacle) surprend
par une agilité dans les vocalises à peine ternie
par quelques difficultés d’émission dans les aigus. Actrice
éclatante de tempérament, elle surclasse aisément le pâle Licida
de Tehila Nini Goldstein, au beau timbre ample, mais
incontestablement trop sage dans son personnage. À leurs côtés,
les seconds rôles très présents sont du même niveau d’excellence vocale,
homogénéité finalement assez rare à réunir et qu’il
convient de souligner. Il est vrai que le livret équilibré leur
laisse à tous une occasion de démontrer leurs qualités par un air
propre, tout comme le chœur enlevé et enthousiaste qui convainc
pleinement dans ses différentes interventions.
(1) Artaserse, autre livret fameux de Métastase, sera adapté par plus de cent compositeurs après sa création en 1730.
(2) Chef d’orchestre qui n’hésite pas à compléter l’œuvre de Mysliveček par deux extraits d’œuvres de Mysliveček (la Passione
di Gesù Cristo) et Gluck (Ezio), composées à partir de livrets de Métastase.