Après Avignon 
en 2009 puis Tours l’année suivante, l’Opéra de Reims accueille la 
production
      d’« i Capuleti e i Montecchi » de Bellini avec un plateau vocal 
entièrement revu. L’occasion d’entendre deux jeunes chanteuses 
talentueuses et déjà
      passionnantes, l’Australienne Jessica Pratt et la Québécoise 
Julie Boulianne.
    
* Bien connue du public rémois, qui a notamment pu applaudir sa production de Carmen en 2011.
      Aux côtés de Rossini et Donizetti, le sicilien Vincenzo Bellini 
(1801-1835) figure parmi les représentants emblématiques du bel canto romantique, cette riche période de
      l’opéra italien qui embrase le continent européen pendant tout le début du xixe siècle. Entièrement dévolu à la muse lyrique, Bellini connaît
      une ascension fulgurante, remportant ses premiers succès à Milan puis à Venise avec i Capuleti e i Montecchi
 en 1830. Alors qu’il vient d’obtenir son ultime
      triomphe à Paris, le jeune compositeur à la santé fragile 
disparaît subitement et rejoint ces étoiles filantes disparues trop tôt,
 tels Mozart ou Schubert avant lui.
    
    
      Créé un an avant la révélation de ses deux chefs-d’œuvre la Somnambula et Norma,
 l’adaptation de l’histoire de Romeo et Giulietta trouve son origine non
      pas dans l’œuvre de Shakespeare bien connue, mais dans les 
différentes versions italiennes du drame. Encore tributaire de Rossini, 
cette œuvre composée en quelques semaines seulement porte en
      germe les succès futurs, et ce malgré un livret quelque peu 
décevant de Felice Romani qui réduit exagérément le nombre de 
personnages ou supprime des scènes poétiques, telle la rencontre
      attendue entre les deux amoureux.
    
    
Un contexte guerrier
    
    
      En outre, le contexte guerrier du drame se fait plus présent par 
la transposition des évènements en Toscane médiévale, lors des 
oppositions sanglantes entre partisans des guelfes et
      des gibelins. La mise en scène de Nadine Duffaut * insiste 
particulièrement sur cet aspect en s’appuyant sur un voile au milieu de 
plateau qui permet de différencier les
      nombreux combats extérieurs en arrière-plan des tractations 
politiques des deux familles rivales au-devant de la scène. 
Admirablement chorégraphiées, ces scènes permettent aussi au chœur de
      trouver une place naturelle et équilibrée.
    
    
      Aux côtés des opulents costumes réalistes de Katia Duflot, la 
scénographie apporte quelques éléments modernes avec ces pans de mur 
rouge sang qui prennent place peu à peu en étouffant
      toute perspective de fin heureuse. Autour de cet écrin 
visuellement très réussi, l’autre grande satisfaction de la 
représentation provient de ses deux rôles principaux interprétés par les
      jeunes chanteuses Julie Boulianne (Romeo) et Jessica Pratt 
(Giulietta).
    
    
Un champ expressif
    
    
      Très crédible dans son rôle masculin – un artifice vocal souvent utilisé par les compositeurs jusqu’au début du xixe siècle,
 la
      mezzo-soprano québécoise obtient une ovation méritée tant son 
champ expressif passionne de bout en bout. Avec sa voix chaude et 
pleine, elle imprime les nombreux récitatifs de sa diction
      précise et agile, donnant ainsi à Romeo une autorité naturelle du 
meilleur aloi. Assurément, nous tenons là une grande chanteuse que l’on 
espère revoir très vite en France.
    
    
      À ses côtés, la Giulietta de Jessica Pratt démontre des qualités 
tout aussi impressionnantes. Le pianissimo dans l’aigu est un pur 
ravissement, tandis que ses qualités de comédienne
      emportent l’adhésion. S’il lui manque peut-être encore un peu de 
rondeur dans le timbre, cela n’est qu’un détail tant son duo avec 
Julie Boulianne bouleverse. Les rôles masculins, moins
      lourds, convainquent eux aussi pleinement, même si Florian Laconi 
(Tebaldo) se laisse couvrir par l’orchestre au cours du second acte, 
peinant dans l’aigu.
    
    
      À la tête d’un excellent orchestre de l’Opéra de Reims, le maestro
 Luciano Acocella mène le drame au moyen d’une lenteur étudiée, 
étouffante à force de maîtrise et de retenue.
      Attentif, rigoureux, il n’est pas pour rien dans la réussite de la
 représentation, chaleureusement applaudie par le public rémois. Ainsi 
rendu, le bel canto épouse le
      drame. 
* Bien connue du public rémois, qui a notamment pu applaudir sa production de Carmen en 2011.

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