À partir de la rencontre au sommet entre Richard Strauss, plus grand compositeur de son temps, et l’écrivain Stefan Zweig, Ronald Harwood s’interroge sur les rapports troubles entre l’art et la politique, ou sur la frontière poreuse entre compromis et compromission. Malheureusement, la confrontation attendue entre les deux artistes manque quelque peu d’intensité.
Grand succès de la saison 1999 à Paris, la pièce À torts et à raisons (Taking Sides)
de Ronald Harwood, traitait du rôle et de l’attitude du chef
d’orchestre allemand Wilhelm Furtwängler pendant la période nazie en
Allemagne. Il s’attaque cette fois-ci à deux personnalités plus connues
encore, dans une volonté de réhabiliter la position ambigüe de
Richard Strauss face au régime totalitaire.
Du fait de l’importance historique des compositeurs germaniques et de
l’intérêt personnel du Führer lui-même, la musique constitue un
véritable enjeu de propagande et d’affirmation idéologique pour le
pouvoir nazi. Honoré par un régime qui choisit de l’utiliser en
opposition aux musiciens « dégénérés » bannis du Reich, Richard Strauss
profite de sa notoriété pour s’offrir la liberté de travailler avec qui
bon lui semble, et particulièrement avec son nouveau librettiste,
Stefan Zweig, de confession juive.
Construite chronologiquement, dans une mise en scène classique et sans
surprises, la pièce débute par la rencontre entre les deux artistes et
la femme de Strauss, Pauline de Ahna. Cette cantatrice, interprétée avec
conviction et autorité par Christiane Cohendy, révèle un caractère
excentrique qui s’oppose à son mari, affable et concentré sur son
travail. Le compositeur est présenté comme un homme préoccupé par la
défense des siens, au premier rang desquels sa belle-fille juive menacée
et son librettiste dont il impose le nom sur les affiches de leur opéra
créé en 1935.
Un face-à-face décevant
Mais son face-à-face avec Zweig apparaît bien fade tant la pièce fait
silence sur l’indifférence et la passivité de Strauss vis-à-vis des
évictions des musiciens juifs ou de la censure des « dégénérés ». À côté
du rôle de Strauss considérablement lissé, celui de Zweig peine
également à convaincre tant la position pacifiste de l’écrivain n’est
guère explorée par l’auteur. La joute attendue fait place à des échanges
consensuels, et les deux comédiens principaux (Michel Aumont et
Didier Sandre) ont bien du mal à tirer leur épingle du jeu.
La pièce rebondit quelque peu dans sa deuxième partie avec
l’accélération du récit, portée par la lente disgrâce du compositeur, le
suicide de l’écrivain et le procès en dénazification. La grande
histoire rejoint les destins individuels, et on se prend à s’intéresser à
ces regards crépusculaires, métaphores d’un monde finissant. Dès lors,
Michel Aumont impressionne par sa capacité à donner à son personnage une
subtile fébrilité à laquelle la musique de Strauss fait écho en
bande-son, avec l’un des tout derniers lieder écrits pour soprano, le
timbre de voix de sa femme toujours présente à ses côtés.
Oscarisé pour le scénario du film le Pianiste
de Roman Polanski, Ronald Harwood voue une véritable fascination pour
la période de l’entre-deux-guerres et la Seconde Guerre mondiale. Force
est cependant de constater qu’il peine à captiver au-delà du contexte de
cette période dramatique de l’histoire européenne.
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