lundi 31 octobre 2011

« Quartier lointain » de Jirō Taniguchi, adapté par Dorian Rossel - Théâtre Montfort - 25/10/2011

Le metteur en scène suisse Dorian Rossel propose une nouvelle adaptation du manga « Quartier lointain », de Jirō Taniguchi, cette fois-ci au théâtre. Autour d’une vision burlesque, il construit un spectacle particulièrement enjoué, adapté à tous les publics, jeunes et moins jeunes.
Avec déjà pas moins d’une dizaine d’albums parus en France, le Japonais Jirō Taniguchi est devenu l’un des auteurs de manga incontournable de ces quinze dernières années. Avec sa ligne claire et sobre, ses histoires humanistes et universelles autour des petits riens du quotidien, le dessinateur s’est notamment imposé au Festival d’Angoulême en 2003 en recevant le prix du Meilleur Scénario et le prix Canal B.D. attribué par les libraires spécialisés. Il n’est donc pas étonnant que l’un de ses ouvrages les plus réussis, Quartier lointain, ait déjà fait l’objet d’une adaptation cinématographique par Sam Garbarski l’an passé, puis au théâtre en 2008 avec la Cie S.T.T. (Super trop top) basée à Lausanne et son jeune metteur en scène attitré Dorian Rossel.
L’adaptation de Rossel se révèle très fidèle à l’ouvrage original, mélange de récit fantastique et initiatique autour de l’histoire d’un homme mûr qui retourne sur les lieux de son enfance, et se réveille trente ans en arrière à l’âge de 14 ans. Le héros va alors revivre tous les évènements de sa jeunesse et tenter d’en modifier le cours, particulièrement l’abandon soudain et inattendu par son père du domicile familial.
Une mise en scène qui privilégie le burlesque
Admirateur de Peter Brook, le metteur en scène helvétique choisit de coller à la sobriété du dessin de Taniguchi avec l’utilisation de la scène nue, seulement parcourue par quelques éléments de décor qui se réinventent en permanence au gré des mouvements des comédiens – quand ce ne sont pas les comédiens eux-mêmes qui les miment malicieusement. Seule la pièce de vie commune à toute la famille est représentée en fond de scène tel un plan fixe de cinéma, avant d’éclater littéralement au moment du drame.
Dorian Rossel multiplie les angles de vue, de l’arrière-plan au premier plan, de haut en bas par le biais d’une caméra, et opte ainsi pour une vision ludique du manga de Taniguchi. Dans cette chorégraphie énergique et burlesque, les interprètes sont mis à contribution avec des rôles multiples intervertis à profusion, tel le jeune héros incarné par plusieurs comédiens, homme ou femme. Seul son double âgé est principalement joué par un acteur, le chevronné Mathieu Delmonté, très à l’aise dans ce subtil jeu de miroir sur soi. Outre les rôles alternés et la valse des décors, les autres comédiens jonglent habilement entre l’action et la narration, omniprésente.
Un débit lent peu habité
La dernière partie de la pièce apparaît toutefois moins aboutie, particulièrement la scène cruciale où le fils accepte le départ de son père vers d’autres horizons, qui pèche par un débit lent peu habité. On regrette aussi une accélération malvenue du récit au moment des retrouvailles du héros avec sa femme et ses deux filles, au terme de son long cheminement initiatique.
Fort heureusement, ces quelques défauts sont compensés par un accompagnement musical très réussi, avec deux interprètes qui varient les instruments pour composer un paysage tour à tour mystérieux, facétieux et lumineux. Autour de silences aussi subtils que soudains, ces différentes atmosphères évoquent admirablement la délicate poésie de l’œuvre de Taniguchi.
Au final, Dorian Rossel compose un spectacle dont la réussite repose sur une inventivité visuelle et une intensité physique de tous les instants. Merveilleux conteur, particulièrement à l’aise dans le brio comique, il peine cependant à émouvoir lors des scènes dramatiques. Cette réserve mise à part, on ne peut que vous inciter à courir applaudir ce spectacle en famille. 

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