Après « la Traviata » de Verdi en 2005, puis « le Mariage secret » de Cimarosa en 2007, la compagnie
Les Athévains présente cette année un opéra bouffe de Joseph Haydn, pour le plus grand bonheur des amateurs du genre.
Considéré comme un maître de la symphonie classique ou du quatuor à
cordes, Joseph Haydn s’est également illustré dans le domaine de
l’opéra, avec pas moins de treize opus composés
tout au long de sa carrière. Cependant, au contraire de ses
contemporains Gluck et Mozart, ses œuvres lyriques sont peu enregistrées
au disque, et encore moins souvent représentées sur les
planches. Fort heureusement, quelques personnalités éminentes du
monde musical, telles Jérémie Rhorer (l’Infedeltà delusa à Aix-en-Provence en 2008) ou René Jacobs
(Orlando Paladino * à La Monnaie de Bruxelles en 2011), osent tirer de l’oubli ce répertoire délaissé.
Seule œuvre à avoir survécu à cette indifférence, lo Speziale (l’Apothicaire),
petit opéra bouffe remis au goût du jour par Gustav Mahler dès 1895
dans la langue de
Goethe, a été joué par Les Petits chanteurs de Vienne dans le
monde entier. Depuis les années 1960, la version originelle en italien
est désormais privilégiée, dans des adaptations
qui complètent les parties manquantes du dernier acte.
Un livret de Goldoni édulcoré
Haydn n’a que 36 ans lorsqu’il compose son troisième ouvrage
lyrique à partir d’un livret écrit par le Vénitien Carlo Goldoni. Il en
réduit considérablement l’intrigue, ne
conservant que les éléments bouffes autour de trois soupirants qui
se disputent la main de la belle Grilletta. Dans la petite salle des
Athévains à l’acoustique idéale, l’adaptation
d’Andrée-Claude Brayer réduit opportunément les instruments à six
et modifie la tessiture du rôle de Volpino, habituellement confié à une
mezzo-soprano.
Dans ce rôle, le baryton Laurent Herbaut affiche une insolente
aisance vocale dans une composition comique malheureusement un rien trop
surjouée. Son opposant victorieux
Xavier Mauconduit (Mengone) se montre plus à son aise, et parvient
à incarner ses différents travestissements de notaire ou de Turc de
manière très convaincante. De même, la soprano
Karine Godefroy, régulièrement invitée par les Athévains, joue
parfaitement à l’idiote énamourée, aussi inconstante que frivole. Moins à
l’aise vocalement, Jean-François Chiama
emporte néanmoins l’adhésion par ses qualités d’acteur, bien aidé
en cela par un rôle hilarant de tuteur amoureux, qui lui permet de
composer la naïveté ou l’outrance avec un métier certain.
Parmi les scènes comiques réussies, on retiendra tout
particulièrement le finale de l’acte II, où Volpino et Mangone, grimés
en improbables notaires, dupent en écho le tuteur et sa promise
résignée.
La musique pétillante de Haydn
Autour de décors sobres et classiques, la mise en scène
d’Anne-Marie Lazarini apporte quelques moments de malices bienvenus,
donnant un rôle à l’orchestre tout entier, qui lit le journal
ou s’abrite de la pluie entre les actes. De même, l’introduction
de l’opéra par le rondo Alla turca de Mozart joué au piano-forte, préfigure subtilement les turqueries du dernier
acte de lo Speziale. Dans cette bonne humeur,
l’Orchestre-Studio de Cergy-Pontoise se montre visiblement ravi
d’interpréter la musique pétillante de Haydn, qui offre aussi de
beaux moments de poésie au hautbois solo de Jean-Marie Poupelin.
On l’aura compris, toute l’équipe ici réunie participe à la
réussite d’un spectacle très plaisant et hautement recommandable, à
déguster sans modération dans le cadre intime et chaleureux du
Théâtre Artistic Athévains.
* Cette œuvre sera également donnée du 17 au 25 mars 2012 au Théâtre du Châtelet, sous la direction de Jean-Christophe Spinosi.
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