Comme chaque année
en décembre, la compagnie Les Brigands nous offre de découvrir une
opérette rare ou méconnue. Pour fêter les dix ans
de sa création, la troupe présente cette fois-ci une œuvre courte
de Claude Terrasse, suivie d’une pétillante revue anniversaire à
consommer sans modération.
Déjà dix ans que la compagnie Les Brigands parcourt la France pour
défendre un répertoire malheureusement bien trop dénigré, celui de
l’opérette. Seules les grandes œuvres
d’Offenbach, Johann Strauss II ou Franz Lehár ont en effet les
honneurs réguliers des grandes scènes ou du disque. Fort heureusement,
la Péniche Opéra ou
Les Brigands défrichent des œuvres plus rares, privilégiant des
formes courtes en un acte, pour le plus grand bonheur des amateurs
curieux.
Qui connaît aujourd’hui le compositeur Claude Terrasse ? Les
quelques chanceux présents en 1997, à la Péniche Opéra déjà, pour
savourer la Botte secrète ?
Ou bien les fidèles de la compagnie Les Brigands, fort inspirée en 2009 avec la désopilante opérette Au temps des croisades ? Outre ses succès avec le poète Franc-Nohain (librettiste de la Botte secrète), Claude Terrasse
connaît son heure de gloire en 1896 lorsque son ami Alfred Jarry lui confie la composition de la musique d’Ubu Roi. Les deux hommes travaillent encore ensemble par la
suite, aidés du peintre Pierre Bonnard, beau-frère de Terrasse, qui conçoit les décors d’une autre pièce de Jarry.
Un égoutier qui pro-fesse
C’est donc un Terrasse déjà bien aguerri qui compose en 1903 la Botte secrète,
une œuvre aussi incisive qu’hilarante, dont l’argument simple donne
prétexte à des
rebondissements rocambolesques. Toute la pièce se déroule dans la
boutique de l’un des prestigieux chausseurs de la ville où un prince,
accompagné de sa femme, recherche celui qui a eu
l’outrecuidance de lui botter les fesses par une douce nuit de
14 juillet. Le forfait a été commis par une improbable pointure 70 ou
71, celle d’un égoutier qui pro-fesse (clin d’œil
à l’un des multiples jeux de mots de Franc-Nohain).
La pièce est portée à bout de bras par une remarquable
Diana Axentii, qui ne recule devant aucune audace pour satisfaire le
rôle éminemment comique de la Princesse qui s’amourache du
premier venu. La mezzo-soprano moldave est réjouissante de bout en
bout avec sa diction parfaite et sa qualité de chant irrésistible. En
comparaison, les rôles masculins déçoivent nettement sur
le plan vocal – seul David Ghilardi (Hector) fait exception avec
son beau timbre de ténor. Tout en imposant une présence scénique et un
cabotinage désopilants, Christophe Crapez
(le Prince) peine ainsi constamment dans les parties chantées,
tandis que Vincent Vantyghem (l’Égoutier) se laisse bien trop souvent
couvrir par l’orchestre.
Malgré ces quelques réserves, les qualités d’acteurs des
comédiens-chanteurs font mouche, et la pièce est parfaitement efficace,
soutenue par la verve habituelle de Christophe Grapperon
dans la fosse d’orchestre. La mise en scène discrète de
Pierre Guillois se concentre sur les gestes et positions incongrus
(hilarante scène des égouts), avant de déployer une fantaisie
débridée en deuxième partie avec la revue « surprise ».
Une dernière partie jubilatoire
Tout le plaisir de cette soirée réside dans ce beau clair-obscur
concocté par l’équipe des Brigands. À la sobriété de la mise en scène de
la Botte secrète en première partie,
succède en effet une brillante revue, joyeux pot-pourri
d’opérettes de Jacques Offenbach, Marcel Lattès, Henri Christiné,
Maurice Yvain, Reynaldo Hahn et Hervé.
Jubilatoire et extravertie, la revue fait la part belle aux chœurs
de femmes et d’hommes, préservant une cohérence avec la Botte secrète par le choix d’extraits basés sur les
différences de classe (chœur des mannequins ou air de la femme du préfet de Police).
Ce véritable feu d’artifices final rend hommage à une belle
troupe, que l’on se réjouit déjà de revoir l’an prochain tant son
enthousiasme est communicatif.
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