Bien belle idée que d’adapter la vie et l’œuvre du maître de la science-fiction Philip K. Dick au théâtre. Le résultat est
malheureusement une heure inexorable d’ennui, aussi bien sur le fond que visuellement.
Vingt heures trente tapantes, le public entre. Sur la scène
réduite à un vaste écran protégé par un voile, le spectacle a déjà
commencé. Immobile, une femme débite son texte. Le ton est
morne, mécanique, désincarné. Il est question d’un voyage que le
spectateur s’apprête à faire vers les « micromondes », des capsules où
se réfugient les humains pour échapper à la
civilisation agonisante et s’évader dans une fantasmagorie
protectrice. Son créateur, Phil, est assigné à résidence, coupé de la
réalité et incapable de démêler le vrai du faux. Navigue-t-il
lui aussi dans une illusion programmée ?
Adaptée d’un roman de Lorris Murail, un auteur passionné de
science-fiction, cette histoire s’inspire de la vie et de l’œuvre de
l’écrivain Philip K. Dick. Le titre de la pièce
fait ainsi référence à Ubik, ouvrage célèbre de l’écrivain américain, et à la bénédiction papale Urbi et orbi (« À la ville comme à l’univers »). Mais là où de
nombreuses adaptations de ses écrits au cinéma (Blade Runner, Total Recall, Minority Report…)
privilégient un suspens et un rythme effréné vers une
quête de vérité, le récit de Murail préfère, quant à lui,
l’évocation glaçante des failles de Dick, particulièrement le
traumatisme du décès de sa jumelle, quatre semaines seulement
après sa naissance. Le tempérament paranoïaque de l’auteur,
renforcé par une consommation régulière d’amphétamines, est également
traité à travers les différents troubles de la personnalité de
Phil.
Un antithéâtre glacial et immobile
Cette plongée au cœur des angoisses existentielles montre
malheureusement très rapidement ses limites en matière d’efficacité
théâtrale. Le récit pseudo-poétique d’un monde postapocalyptique
n’apporte aucun rebondissement véritable, s’attachant à la
description des petits riens du quotidien ou à l’enfermement réel ou
psychologique – peu importe – des personnages. Leurs
états d’âme se suivent et se ressemblent, dans un débit
métronomique au ton terne et morbide, avec des comédiens le plus souvent
statiques. On se demande bien comment ces derniers peuvent
prendre du plaisir à interpréter ce type de rôles.
Dès lors, on croit pouvoir s’intéresser à une mise en scène qui mise sur le visuel. Grosse déception, là aussi. Après Des anges mineurs,
Joris Mathieu poursuit en effet son exploration d’un théâtre optique
fondé sur la vidéo et les hologrammes. On se surprend parfois à tenter
de
démêler le vrai du faux, à s’interroger sur les effets visuels
ainsi obtenus. Mais tout cela ne fascine jamais, la faute peut-être à la
mécanique froide des corps en apesanteur ou aux lumières
ternes et grisâtres. De plus, Joris Mathieu ne joue que très
rarement avec les angles de prise de vue.
Dans ce labyrinthe d’ennui où la seule échappatoire est l’évasion
par la pensée, l’heure de spectacle paraît une éternité. Le temps venu
de la libération enfin accordée, la réalité bienvenue
recouvre ses droits. La science-fiction attendra.
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