Le théâtre La Pépinière présente l’une des pièces méconnues de Martin Sherman, l’auteur du magnifique « Bent ». Seule sur
scène, Judith Magre déçoit de bout en bout.
Judith Magre |
Années 1960. De l’Odéon à Avignon, de Chaillot à l’Athénée,
Judith Magre est de toutes les scènes prestigieuses, dirigée par
Jean-Louis Barrault, Jean Vilar ou
Georges Wilson. Le cinéma n’est pas en reste. René Clair,
Julien Duvivier, Louis Malle et surtout Claude Lelouch lui offrent des
rôles à la mesure de son caractère et
de son talent. Fidèle au théâtre, la comédienne retrouve le succès
dans les années 1980 avec Jean-Michel Ribes, puis Jorge Lavelli, avant
que ses pairs ne lui décernent le
prestigieux molière de la Meilleure Comédienne en 2000 et 2006.
Extrêmement active, Judith Magre travaille chaque année sur un
nouveau projet. Une énergie étonnante pour une femme qui vient de fêter
ses 85 ans en novembre dernier. Son choix s’est
porté cette année sur Rose, l’une des pièces de l’Américain Martin Sherman, bien connu grâce à Bent,
son immense succès. Écrite en 1979, cette pièce a fait le tour du
monde, traduite dans plus de vingt langues, puis adaptée au cinéma
avec Clive Owen, Ian McKellen et… Mick Jagger dans les rôles
principaux.
Depuis cette incontestable réussite, Martin Sherman s’est fait
plus discret, écrivant moins d’une dizaine de pièces en vingt ans et
quelques rares scénarios pour le cinéma, notamment
pour Stephen Frears. Grand succès critique, la pièce Rose,
présentée en 1999 au Royal National Theatre de Londres est nommée aux
Laurence Olivier Awards
l’année suivante. Martin Sherman réussit en effet à brosser le
portrait émouvant d’une rescapée du ghetto de Varsovie, qui des
États-Unis à Israël, nous raconte son histoire avec une
malice et un humour ravageurs. Au soir de sa vie, la vieille Rose
se souvient et nous transporte dans son passé tumultueux.
Une nonchalance hors de propos
Rien de cela sur la petite scène du théâtre La Pépinière. Tout
occupée à lutter contre son texte, Judith Magre a bien du mal à incarner
son personnage. S’enfermant dans un débit
métronomique, peu habité, nonchalant, la fantaisie de son
personnage ne semble pas l’intéresser, tout comme les ruptures qui
rythment le récit. On passe ainsi du comique au tragique sans que la
comédienne ne marque véritablement de différence dans le ton ou
l’émotion de sa voix. Judith Magre s’éveille quelque peu en deuxième
partie, lorsque son personnage foule le sol d’Israël,
mais l’intensité d’un moment cède vite à la routine déjà
constatée.
Il faut dire que la mise en scène minimaliste de Thierry Harcourt
n’aide pas non plus à dynamiser la comédienne. Assise sur un banc
pendant la quasi-totalité du spectacle,
Judith Magre semble laissée à elle-même, comme abandonnée. Les
éclairages, tout aussi sobres, ne l’aident pas davantage. Un panneau
vertical capte ainsi la lumière, passant du violet au
rouge pour signifier la violence du récit, ou revenant au bleu
lorsque vient l’apaisement.
Pour les spectateurs, l’ennui s’installe durablement, à peine
distraits par la belle musique composée par Éric Slabiak qui évoque
subtilement l’Europe centrale et les origines ashkénazes
de Rose. Judith Magre en termine. Elle nous a déjà perdus depuis
longtemps.
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