Le Théâtre du
Châtelet présente une nouvelle production du premier opéra du
compositeur minimaliste John Adams. Une réussite principalement
vocale à découvrir jusqu’au 18 avril 2012.
On pourra s’étonner de voir l’ancien président américain
Richard Nixon et son homologue chinois, l’inamovible Mao Zedong, en
personnages d’opéra. Rares sont en effet les spectacles
lyriques qui revisitent l’histoire contemporaine en un temps aussi
rapproché, ici près de quinze ans. La création de Nixon en Chine
en 1987 à Houston, puis en 1991 à
Bobigny, revient à une équipe insolite formée du compositeur
John Adams, du metteur en scène Peter Sellars et de la poétesse
Alice Goodman pour le livret. Le succès mondial
rencontré donne à l’œuvre une immense notoriété qui ne s’est
toujours pas démentie aujourd’hui.
Avec la visite de Nixon en Chine en 1972, le livret s’intéresse à
un épisode central de la politique américaine du xxe siècle, celui du
dégel des relations diplomatiques avec les pays
communistes. Trop souvent réduit à sa fin pathétique (l’affaire du
Watergate), le président en campagne pour sa réélection réalise alors
un « coup médiatique », en confirmant le
rapprochement avec la Chine maoïste déjà initié l’année précédente
avec l’éviction de Taïwan du Conseil de sécurité de l’O.N.U.
Une mise en scène statique
Réflexion sur le pouvoir et les limites de celui qui l’exerce,
l’opéra débute avec l’arrivée à Pékin du couple américain, accueilli par
le Premier ministre chinois Zhou Enlai. La
rencontre avec Mao n’apporte pas la joute attendue,
le Grand Timonier préférant des élucubrations philosophiques plus ou
moins ironiques. L’opéra peut ainsi apparaître déroutant avec
son action trop souvent réduite à la seule parole des
protagonistes, même s’il s’anime quelque peu dans sa deuxième partie.
Côté mise en scène, le chinois Chen Shi-zheng déçoit avec une
absence de réel parti pris qui n’aide pas à soutenir le propos. À force
de sobriété et de pudeur, il n’aide pas vraiment ses
chanteurs, qui semblent un peu perdus sur la grande scène du
Châtelet. On pourra certes admirer le travail sur les couleurs et la
beauté plastique des décors minimalistes de Shilpa Gupta,
mais l’ensemble est beaucoup trop statique pour convaincre.
Des chorégraphies et des chanteurs parfaits
Fort heureusement, Chen Shi-zheng se montre plus à l’aise avec les
chorégraphies, particulièrement dans la grande scène dramatique où
Nixon et sa femme assistent à une représentation
théâtrale violente et corrosive. Le conseiller diplomatique
Henry Kissinger y est brocardé sous les traits d’un maniaque obsédé par
une jeune fille rétive, ici interprétée par la danseuse
Veronica Endo, qui rivalise d’agilité et de grâce.
Mais c’est surtout au niveau vocal que le spectacle convainc
pleinement. Alfred Kim interprète un Mao plus vrai que nature, à la
démarche incertaine mais au verbe fort et lyrique. Son
timbre clair et puissant égale celui de la parfaite Sumi Jo, qui
compose une Madame Mao glaçante de bout en bout. Le couple Nixon
apparaît légèrement en retrait, l’expérience de
June Anderson (Pat Nixon) lui faisant compenser un timbre un peu
fatigué dans les aigus par une présence scénique particulièrement
touchante dans ses élans de naïveté. Les autres
rôles sont impeccables, hormis le lourd Kissinger de Peter Sidhom,
seule véritable déception concernant les chanteurs.
Reste à féliciter l’Orchestre de chambre de Paris (anciennement
dénommé Ensemble orchestral de Paris) qui relève tous les défis
techniques de la partition, même si on aurait aimé une
direction davantage contrastée dans les subtiles césures d’Adams.
Au final, une soirée satisfaisante malgré une mise en scène un peu sage.
À voir pour les chanteurs et la musique toujours aussi
envoûtante de John Adams.
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