Dix ans après "l'Homosexuel ou la Difficulté de s'exprimer", le metteur en scène Jean‑Michel Rabeux revient à l’univers déjanté de Copi. Une réussite saluée par un public
enthousiaste.
En Alaska, deux sœurs jumelles venues chercher de l’or se
disputent et s’insultent à qui mieux mieux. Dehors, les chiens affamés
menacent. Sans raison apparente, Maria pointe son couteau
et blesse Leila. Toutes deux se rassurent machinalement à coups de
prise d’héroïne, de cocaïne ou de camphre. Soudain, deux autres sœurs
jumelles débarquent, hargneuses et imprévisibles.
Un coup de feu éclate. Une première jumelle meurt, puis
ressuscite.
Dès lors, un ballet infernal commence. Les jumelles ne cessent de
mourir pour mieux revenir à la vie et à leur obsession de drogues et
d’argent. Dans cet Alaska d’opérette, tout se joue et se
déjoue, se répète et s’emmêle dans une joie furieuse et sanglante.
Dans un tourbillon implacable d’excès et d’outrance, les répliques
fusent, toujours plus cinglantes au gré des faux
rebondissements.
Dans cette œuvre écrite en 1973, l’Argentin Copi s’amuse à
dynamiter les codes, les faux‑semblants et les certitudes trop vite
établies. Le hors‑norme devient ici la norme, l’étrange
délicieusement familier. Les jumelles, avec leurs robes diaphanes
et leurs maquillages blafards de clown désabusé, semblent
interchangeables. Et l’on en vient à se demander si ces
quatre personnages n’en font pas qu’un seul, telles de multiples
identités s’affrontant dans une danse de mort sans fin. L’espoir
n’est‑il pas ainsi d’échapper à soi‑même et de fuir,
enfin, ailleurs ?
Le spectateur au centre de la farce
D’une efficace sobriété, la mise en scène de Jean‑Michel Rabeux
choisit de placer les spectateurs au plus prêt des comédiens au moyen
d’une scénographie qui rappelle celle
utilisée par Laurent Fréchuret à Sartrouville. On entre en effet dans
une petite arène intime, dépourvue de la moindre couleur. En son centre,
une énorme boule blanche
écrase toute la scène et se soulève, dévoilant peu à peu
deux premières jumelles sorties de nulle part.
L’étrangeté de l’œuvre est renforcée par le choix de faire
interpréter trois des quatre jumelles par des hommes, tous formidables
de cohésion et d’homogénéité. Face à eux,
Claude Degliame sort du lot avec sa voix grave et ses
déraillements inquiétants. Aidés par une magnifique scénographie, les
comédiens impliquent progressivement les spectateurs au centre
de la farce, au plus prêt des rebondissements délirants. Un
spectacle vivement applaudi et chaudement recommandable pour découvrir
l’œuvre du détonant Copi.
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