Dernier concert du chœur de chambre Les Cris de Paris dans la prestigieuse abbaye de Royaumont. Un concert Vivaldi/Hasse
particulièrement réussi qui donne l’occasion de retrouver un chef de caractère, le jeune Geoffroy Jourdain.
Royaumont, c’est avant tout un site exceptionnel. Celui de la plus
grande abbaye cistercienne d’Île‑de‑France devenue usine de textile à
la Révolution, avant de retrouver son lustre en
1964 avec la création d’une fondation dédiée au « progrès des
sciences de l’homme ». Un titre un peu pompeux qui reflète assez mal le
niveau d’excellence auquel est parvenu dès sa
création la fondation, reconnue d’utilité publique. Outre la
beauté du site, c’est principalement l’éclatante saison musicale qui
attire chaque année, de fin août à début octobre, de nombreux
passionnés de l’art vocal autour d’un répertoire qui s’étend de la
musique ancienne au baroque avec plusieurs incursions vers la musique
contemporaine.
L’abbaye héberge également plusieurs ensembles en résidence, tel
Il Seminario musicale dirigé par le célèbre contre‑ténor Gérard Lesne,
ou depuis trois ans, le chœur de
chambre Les Cris de Paris. Dorénavant accueilli par la fondation
Singer-Polignac, le chœur dirigé par Geoffroy Jourdain effectuait
dimanche soir son concert d’adieu à
Royaumont, en proposant un programme de musique religieuse du
début du xviiie siècle.
Le chef français n’a pas hésité à prendre la parole
face au public afin de procéder aux traditionnels remerciements
d’usage, avant d’expliquer son opposition à la spécialisation des
ensembles qui sévit selon lui en France.
Défricher le répertoire
Si l’infatigable curiosité de cet ancien chercheur en musicologie
explique cette position, on ne peut y souscrire totalement tant les
défricheurs de répertoire que sont, par exemple,
les London Mozart Players et le Concerto Köln pour le xviiie siècle, ou encore le Centre
de musique baroque de Versailles pour le xviie siècle,
démontrent chaque jour le contraire en révélant des partitions et
compositeurs oubliés. Qui mieux que des passionnés d’un répertoire
précis pourront nous révéler les compositeurs non reconnus en leur
temps, les Schubert ou Mahler de demain ?
Mais ne nous y trompons pas, le propos de Geoffroy Jourdain est
seulement de ne pas se laisser enfermer dans un répertoire, en
embrassant les époques pour mieux les faire résonner entre
elles, tels ces ponts entre les musiques baroque et contemporaine.
Le jeune chef de 38 ans s’interroge aussi sur les créations originelles
des partitions, à l’instar du programme
Vivaldi/Hasse intitulé les Jeunes Filles de l’ospedale della Pietà, qui rappelle que de nombreuses œuvres religieuses ont d’abord été composées pour les
seules voix de femmes, celles des jeunes filles recluses en hospice ou orphelinat.
Un écrin de couleurs
Ce programme est en fait la reprise de celui donné au Festival
de la Chaise‑Dieu à l’été 2011, « Aussi chantent‑elles comme des
anges », écourté des œuvres de
Maurice Ohana et Vivaldi. Du compositeur vénitien, on retrouve le
rare Kyrie RV 587 en sol mineur, ainsi que le plus célèbre Gloria RV 589
en ré majeur. Ces œuvres brillantes bénéficient de la direction
enlevée de Jourdain, qui offre à ses seize chanteuses un écrin splendide
de couleurs sur instruments d’époque. Si
on peut regretter une insuffisance d’assise dans les basses du
pupitre des altos, très légèrement inférieur à celui des sopranos, le
chœur emporte l’adhésion dans le Miserere de
Johann Adolph Hasse, une œuvre aux accents plus intimes qui donne
l’occasion d’admirer la cohésion de l’ensemble. Avec les nombreux solos
issus du chœur, les dialogues chambristes,
particulièrement avec le hautbois, enchantent constamment.
La soirée se conclut avec une œuvre vocale courte de Schumann donnée en bis,
qui rappelle l’enthousiasme de Jourdain pour ce compositeur *. Très
présents au concert, on
retrouvera notamment Les Cris de Paris dès le 26 octobre prochain à
l’Auditorium du Louvre, mais également en mars 2013 au
Théâtre de Malakoff, avec la
reprise de l’opéra contemporain Cachafaz d’Oscar Stranoy.
* Jourdain et son ensemble viennent ainsi d’enregistrer la rare Missa sacra ou Messe en ut mineur op. 147 de Robert Schumann, une œuvre de la dernière période créatrice du compositeur romantique. Le disque sera disponible dès le 23 octobre 2012 dans une version pour chœur et orchestre sur instruments d’époque.
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