Le deuxième spectacle écrit et mis en scène par Vincent Mignault nous fait découvrir une belle troupe de comédiens, qui
s’écharpe à qui mieux mieux sur fond de mélodrame familial. Parfois inégal, mais toujours juste.
À la folie Théâtre, vous connaissez ? Niché dans l’un des passages
pittoresques dont regorge le XIe arrondissement de Paris, cet ancien
atelier d’imprimerie, transformé
en théâtre en 1990, offre au public un écrin chaleureux constitué
d’une belle verrière et de fauteuils douillets, tandis que ses
deux salles apportent un rapport scène-public idéal, avec
de jeunes compagnies talentueuses qui viennent souvent faire leurs
premières armes dans la capitale.
Créée en 2002 autour d’un noyau dur de six comédiens, la
Cie Je suis ton père est tout d’abord accueillie par le
Théâtre de Villemomble
en Seine-Saint-Denis, produisant de nombreuses pièces
du xxe siècle, de Jean-Paul Sartre à Jean Anouilh, sans oublier
Agnès Jaoui
et Jean-Pierre Bacri avec l’irrésistible Un air de famille. Armée de cette expérience, toute l’équipe débarque à L’Alambic Comédie
en 2010 avec Jeff, pièce écrite par l’un de ses
fondateurs, Vincent Mignault, un ancien du cours Florent, qui récidive
en 2012 avec une deuxième création en partie
autobiographique, Un champ de foire.
Un déménagement périlleux
Une maison vendue, celle de l’enfance heureuse de deux sœurs et
d’un frère, est au cœur de la pièce. Au milieu des cartons du
déménagement qui jonchent la scène, la fratrie se
retrouve et se déchire sous le regard de leurs conjoints
impuissants. Alice, l’aînée irascible et autoritaire, tyrannise son
entourage, aussi bien Bertrand, son époux falot et pathétique, que
sa propre sœur June, à qui elle n’a plus adressé la parole depuis
quatre ans. Tous vont se liguer pour tenter de la faire changer d’avis
et retrouver le goût des jours heureux ensemble.
Si la première partie de la pièce fait la part belle aux
affrontements familiaux, la deuxième s’apaise et touche au cœur, bercée
d’une douce mélancolie et de moments de grâce. On pense à ces
scènes où June (admirable Mathilde Roux) s’émerveille devant le
miroir qui l’a vue grandir ou relit les lettres insolites de sa mère à
sa meilleure amie. De même, vise juste la camaraderie
bon enfant des trois hommes, qui, tout en buvant de la bière,
devisent dans le jardin sur le temps qui passe et les difficultés du
monde adulte. Et que dire de la lumineuse Garance de
Maïté Bergès, qui apporte des pauses bienvenues à la tension
familiale avec ses lubies baba cool ?
Subtiles froideurs
Alors, évidemment, on pourra regretter certaines situations un
rien trop appuyées ou mélodramatiques. Si le rôle d’Alice est un peu
univoque, Aurélie Avocat gagnerait néanmoins en
intensité avec davantage de respiration dans la colère. Elle se
montre heureusement plus à son aise dans l’apaisement, les subtiles
froideurs dans le ton dévoilant un beau tempérament. On
retiendra enfin l’excellente composition de Vincent Mignault dans
le rôle du frère Yann.
La mise en scène de celui-ci, sobre et classique, utilise à
merveille la belle scénographie réaliste composée par Solène Ortoli, en
multipliant les déplacements inattendus
d’accessoires au gré des différentes scènes, avant que les
comédiens ne se retrouvent sur un plateau nu, une fois le déménagement
terminé. La fratrie apaisée, libérée du poids des querelles,
quitte la maisonnée aux souvenirs si présents, tandis qu’un doux
vent de nostalgie étreint la salle. Un spectacle sincère et généreux,
parfois inégal mais qui parvient à transmettre un
indéniable plaisir de jouer ensemble.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire