Pilier du répertoire, la « Tosca » de Puccini est reprise à New York dans la passionnante mise en scène
de Luc Bondy. Sondra Radvanovsky y campe une diva plus flamboyante que jamais.
Une visite culturelle de
New York possède ses incontournables auxquels nul ne semble
pouvoir échapper. Entre les nombreux musées aux riches collections, le
choix d’une comédie musicale à Broadway ou d’un gospel à
Harlem, le Metropolitan Opera semble un deuxième choix dans ce
programme déjà bien rempli. Quelle erreur ! Outre la renommée artistique
d’une maison qui sait offrir les plus
grandes voix d’aujourd’hui, c’est bien la splendeur d’un lieu,
chef-d’œuvre architectural inauguré en 1966, qui surprend d’emblée.
Entre les deux monumentales fresques de Chagall qui
ornent la façade ou les somptueux lustres modernes du foyer,
le « Met » bénéficie surtout de sa place centrale au sein de
l’agencement du Lincoln Center, entouré des autres
élégants bâtiments dévolus à la danse et au théâtre.
Un autre argument non négligeable est la présence d’un écran
électronique sur le fauteuil devant soi, qui permet de choisir la
traduction du livret parmi quatre langues (italien, anglais,
espagnol et allemand). Rappelons que le Met a été l’un des tout
premiers opéras à s’offrir ce système certes coûteux, mais plébiscité
par le profane pour son utilité et sa simplicité
d’usage. Gageons que les maisons hexagonales sauront enfin se
doter de ce procédé qui contribue à une large démocratisation de l’accès
à l’opéra. Mais revenons à New York et la reprise
d’une production de Tosca de Giacomo Puccini (1858-1924),
une des œuvres les plus populaires du grand répertoire, composée en
1900 entre les deux chefs-d’œuvre
la Bohème et Madame Butterfly.
Un succès jamais démenti
Un mélodrame au succès public jamais démenti en raison du
tempérament de son héroïne, unique personnage féminin de l’opéra,
jalouse et possessive, téméraire et déterminée. Un caractère vif qui
fait immanquablement penser aux figures marquantes de Médée ou Carmen.
L’intrigue prend place sur fond de guerre napoléonienne quand le
peintre Cavaradossi, amant
de Tosca, cache le prisonnier Cesare Angelotti et se retrouve sous
la menace directe de l’intransigeant et rusé chef de la police Scarpia.
Prêt à tout pour s’attirer les faveurs de la
diva, ce dernier va élaborer un chantage minutieux mais fatal pour
l’ensemble des protagonistes. Si le public de New York connaît bien
cette œuvre régulièrement programmée, c’est peu dire
qu’il a été décontenancé par la nouvelle production de Luc Bondy
en 2009, ici reprise.
L’actuel directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe prend l’exact
contre-pied de la précédente mise en scène de Franco Zeffirelli en
faisant notamment table rase des décors
fastueux au bénéfice d’une sobriété un rien austère. Délicatement
suggéré par les éclairages qui varient du clair-obscur au vif contraste,
le miroir des âmes tourmentées prend place à chaque
tableau. L’église du premier acte apparaît dépossédée de tout
symbole ostentatoire et voit surtout l’immense tableau de la rivale de
Tosca peint par Cavaradossi envahir la scène, suggérant
la jalousie qui va conduire à son aveuglement funeste. De même, au
second acte, une fenêtre démesurée fait entendre le bruit inquiétant
des complots qui grondent au dehors. S’il pose ainsi
les jalons du drame sous-jacent, Bondy impressionne tout du long
par une direction d’acteur millimétrée. La scène du Te Deum
constitue une grande réussite avec les hommes
d’Église qui se rapprochent peu à peu de la rampe pour entourer
un Scarpia plus triomphant que jamais à la fin du premier acte.
Remarquable Ricardo Tamura
Des chanteurs présents en 2009, seul le baryton George Gagnidze y
incarnait déjà le rôle de Scarpia. Superbe diction, sens de la
déclamation, les qualités ne manquent pas. Mais on
peut être aussi déçu par une émission serrée qui ne permet pas
l’expression de la variété de couleurs attendue. Le Cavaradossi de
Ricardo Tamura ne souffre quant à lui d’aucune
réserve, servi par une voix opulente au timbre superbe, sans
parler de son tempérament généreux et lyrique. Acteur remarquable, il
n’est pas pour rien dans la réussite de la soirée. Mais c’est
surtout la tonitruante Sondra Radvanovsky (Tosca) qui obtient une standing ovation
en fin de soirée. Habituée des lieux, elle bénéficie dès son entrée en
scène d’applaudissements
nourris. Rien de vulgaire là-dedans tant la spontanéité du public
new-yorkais fait plaisir à voir et à entendre. Malgré un vibrato
prononcé, une émission parfois rude, Radvanovsky impose sa
puissance dévastatrice, seule à même de désarmer les puristes
grincheux. Sens du jeu, réel engagement, on sent une véritable
adéquation avec un public ravi qui réclame de la flamboyance dans le
drame. Et la diva la lui rend bien !
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