Le baroque français est à
l’honneur des Rencontres musicales de Vézelay, dont la quinzième édition
marque le départ de son fondateur
et directeur artistique, Pierre Cao, fêté lors d’un vibrant
concert d’adieu.
Pierre Cao |
On doit au chef d’orchestre luxembourgeois Pierre Cao l’initiative
de la création en 1999 des Rencontres musicales de Vézelay, festival
consacré au répertoire vocal pendant une
courte durée de trois à quatre jours. Un véritable concentré qui
fait appel aux meilleures formations (1), idéalement accueillies dans le
cadre majestueux
de Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay. Point de départ de l’un des
pèlerinages pour Saint-Jacques-de-Compostelle, ce site, doublement
classé au patrimoine mondial de l’U.N.E.S.C.O.
pour sa basilique romane et sa colline, offre aussi de beaux
moments mélodieux sur la chaleureuse « place des Rencontres » au milieu
de la ville. C’est là que se tiennent de
nombreux concerts gratuits dédiés à un répertoire plus léger,
tandis que d’autres initiatives (petit déjeuner et visite en
musique, etc.) animent la cité tout au long de la journée.
Qualité et convivialité : voilà comment résumer en deux mots ces
quelques jours passés au cœur du Morvan. Les villes alentour participent
également aux Rencontres, organisant quelques
concerts, tel celui donné en la collégiale Saint-Lazare d’Avallon,
entièrement consacré au compositeur Marc‑Antoine Charpentier
(1643-1704). Longtemps éclipsée par son grand rival
Lully, son œuvre d’une admirable inventivité bénéficie maintenant
du précieux ouvrage réalisé par le Centre de musique baroque
de Versailles pour publier l’ensemble de ses travaux.
Une initiative qui explique la création d’un motet totalement
inédit au disque comme en spectacle, la Peste de Milan. Charpentier sait y varier les climats au moyen d’une
orchestration colorée, admirablement mise en valeur par les différentes interventions solistes.
Un Charpentier doux-amer
Tout en jouant à l’orgue, Sébastien Daucé dirige avec mesure,
privilégiant une vision sobre portée par un legato omniprésent. Même si
l’on aimerait davantage de nerfs dans les passages
virtuoses, cette optique permet d’exprimer à merveille la douce
amertume en vigueur dans les œuvres ici présentées, tout en apportant un
soin particulier à la diction, d’une jolie éloquence. On
retiendra surtout, outre de superlatifs pupitres de soprano, la
basse de Renaud Brès, au timbre idéal de projection. Des chanteurs qui
parviennent à créer des climats subtils, tel
l’apaisement conclusif de la Messe pour les trépassés, d’une simplicité incomparable – presque une caresse. Vivement applaudi, ce très beau concert avait lieu en prélude
à celui donné en soirée dans les hauteurs de Vézelay, à quelques kilomètres de là.
Un concert lui aussi dédié à un compositeur unique, en la personne
de Jean‑Philippe Rameau (1683-1764), autour d’un programme original de
motets rares. L’acoustique flatteuse d’Avallon
tranche quelque peu avec celle de la basilique de Vézelay dont
l’immensité procure parfois une sensation d’éloignement,
particulièrement pour les interventions de l’orchestre seul. Vézelay
nécessite ainsi des voix puissantes, parfaitement incarnées par
l’agile Lisandro Abadie ou l’impériale Claire Lefilliâtre, très à l’aise
pendant toute la soirée. Le ténor
Jean‑François Lombard peine davantage en matière de projection,
mais parvient heureusement à imposer peu à peu son timbre cristallin. En
présence de l’impeccable chœur Arsys Bourgogne,
très attentif à l’intelligibilité du texte chanté, la direction
bondissante de Jean Tubéry fait rugir ses cordes graves avec un rare
bonheur dans le
Deus noster refugium, puis offre davantage de tendresse dans les contrastes raffinés d’In convertendo.
Un hommage vibrant à Pierre Cao
Si Vézelay se devait de fêter Rameau (2), natif de la capitale
bourguignonne, la soirée a aussi été l’occasion d’un vibrant hommage
décerné à Pierre Cao à l’issue du concert. Comme
toujours, le maestro a laissé parler son élégance pudique en un
court discours empreint d’une modestie non feinte et d’un amour sincère
pour l’art qu’il défend ardemment depuis si longtemps. Le
fondateur du festival quitte la direction artistique après
quinze ans à Vézelay, fier du travail accompli, satisfait surtout de ces
nombreuses rencontres qu’il aura su faire partager dans
les hauteurs du Morvan. Qu’il en soit remercié !
(1) Ceci grâce à Pierre Cao, chef capable de convaincre le Concerto Köln,
la Camerata Salzburg, en passant par l’Akademie
für Alte Musik Berlin ou la Rheinische Kantorei. Sans oublier les
formations françaises tels que l’ensemble Pygmalion ou le chœur Accentus.
(2) Particulièrement honoré cette année en France pour les 250 ans de sa mort. Voir notamment l’irrésistible Platée donnée à Strasbourg
en juin dernier.
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