En deux magnifiques
concerts de musique de chambre, le Festival Pablo-Casals de Prades
permet de découvrir deux des plus beaux édifices
religieux du Roussillon. Laissez-vous tenter !
Situé dans les hauteurs des contreforts orientaux du massif
du Canigou, le magnifique prieuré de Serrabone, chef-d’œuvre de l’art
roman en Roussillon, se mérite. Une longue route
sinueuse permet d’y accéder, dévoilant un paysage sauvage empli de
chênes et d’oliviers, source d’un émerveillement constant pour les
yeux. Arrivé au but, le visiteur n’est pas au bout de ses
surprises, la découverte de l’intérieur du prieuré donnant à
admirer une tribune de marbre rose aux colonnes ornées de splendides
chapiteaux sculptés d’un riche bestiaire médiéval. C’est dans
ce cadre enchanteur que se tient l’un des concerts du festival de
musique de Prades, la plupart des autres manifestations ayant
traditionnellement lieu dans le cadre de
l’abbaye Saint-Michel de Cuxa.
On retrouve le directeur artistique du Festival, le clarinettiste
Michel Lethiec, pour présenter le concert en quelques phrases
percutantes. Un fil conducteur entre les différents
compositeurs : la déprime ! Si l’on connaît bien les fragilités
psychologiques de Saint-Saëns ou Tchaïkovski, les états d’âme de
Mikhaïl Glinka (1804-1857) sont moins fameux.
Composé suite à une rupture amoureuse, son Trio pathétique en ré mineur
fait appel à des instruments pour vents aux tonalités basses
(clarinette et basson) accompagnés
d’un piano plutôt discret. Rien de finalement très sombre dans
cette œuvre aux mélodies de plus en plus élaborées au fil de son
déroulé, interprétée idéalement dans l’écrin du Prieuré.
L’irrésistible talent mélodique de Tchaïkovski
Auparavant, une petite œuvre rare de Saint-Saëns avait été donnée
par un insolite ensemble piano, flûte, clarinette et hautbois. Une œuvre
malheureusement peu inspirée de son auteur, assez
scolaire, les instruments jouant souvent à tour de rôle pour faire
briller leurs différentes qualités individuelles. Les interprètes font
ce qu’ils peuvent pour tirer cette œuvre de l’oubli,
mais l’on préférera s’en tenir aux œuvres plus éminentes du
compositeur français. Fort heureusement, la toute dernière partie du
concert nous permet de retrouver le Quatuor
à cordes n° 1, de Tchaïkovski, chef-d’œuvre du répertoire de
chambre. Une œuvre de jeunesse emplie d’une fraîcheur naïve où perce,
déjà, l’irrésistible talent mélodique du maître
russe.
À l’instar du concert de la veille,
le
Talich Quartet évite tout sentimentalisme, substituant à la
narration une vision éloquente et dynamique. La mélodie principale n’est
absolument pas privilégiée au détriment des
contre-chants, tous marqués d’une égale couleur. Dans cette
optique, le mouvement lent pris dans un tempo assez rapide exalte le
deuxième thème malicieux et espiègle au violoncelle en
pizzicato. Également repris en bis, ce morceau conclut le
propos sur une note émouvante. Le second concert du jour se déroule
comme la veille en l’abbaye Saint-Michel
de Cuxa, où l’on retrouve cette fois un contemporain de
Tchaïkovski, Dvořák.
La délicatesse des phrasés de Philippe Muller
Œuvre peu connue, son Terzetto pour deux violons et alto,
au lyrisme prenant permet à Olivier Charlier de démontrer une belle
autorité au premier violon,
tandis que Kyoko Takezawa lui répond avec ardeur, secondée par un
Bruno Pasquier toujours vaillant à l’alto. Après cette pétillante mise
en bouche, Philippe Muller offre à la
magnifique Sonate pour violoncelle et piano, de
Rachmaninov toute la délicatesse de ses phrasés, très à l’aise dans les
passages lyriques. Solidement soutenu par
Emmanuel Strosser au piano, il compense sa faible projection par
une attention aux détails particulièrement marquante dans le superbe
mouvement lent.
Le concert se conclut avec une œuvre du rare Ernő Dohnányi
(1877-1960), contemporain de Rachmaninov. Un compositeur influencé par
Brahms, qui compense un certain classicisme par de
sautillants emprunts au jazz, notamment dans les deux derniers
mouvements. Le concert est marqué par un petit incident lorsque
André Cazalet, remarquable cor solo de l’Orchestre
national de France, interrompt ses comparses pour annoncer au
public qu’il a oublié une partie de la partition en coulisses ! Le
concert reprend, avant qu’une semblable intervention
ne soit faite par le premier violon lors du bis, repris lui aussi derechef dans une bonne humeur délicieusement contagieuse.
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