Avec pas moins de dix-sept dates jusqu’à fin février, il n’y a aucune excuse pour ne pas aller voir la reprise de La Flûte enchantée imaginée par Robert Carsen en 2013 à Baden-Baden (avant les représentations données à l’Opéra Bastille un an plus tard).
La vaste distribution entièrement revue depuis 2014, hormis Sabine
Devieilhe, donne le tournis: la plupart des rôles alternent en effet
entre deux et trois chanteurs. Il faudra donc être vigilant sur les
dates si vous souhaitez entendre les stars Sabine Devieilhe ou René
Pape.
C’est ainsi l’Allemand Tobias Kehrer qui assurait le rôle de Sarastro pour la deuxième représentation, donnée jeudi soir, tandis que son compatriote René Pape (présent à la première) se reposait de son activité trépidante à Paris due à son engagement conjoint dans le spectacle phare de ce début d’année, Lohengrin. La prestation de Kehrer, fondée sur un timbre grave bien placé, résume bien le sentiment général perçu avec ce plateau vocal: on a là une primauté donnée au beau chant au détriment de l’investissement théâtral et dramatique. Il en va ainsi également de la Reine de la nuit d’Albina Shagimuratova, qui évacue toute fureur orageuse pour se réfugier dans une ligne qui respire mais ne donne jamais le frisson.
Il faut dire que la direction allégée du chef hongrois Henrik Nánási, à force de fouiller les détails et rivaliser de subtilités dans la différenciation des pupitres, n’offre que peu de relief à l’ensemble, se plaçant délibérément en retrait par rapport aux chanteurs. Dans les scènes plus dramatiques, cet accompagnement évanescent peine ainsi à soutenir l’investissement d’une des plus belles révélations de la soirée en la personne de Nadine Sierra (Pamina), vocalement délicieuse de bout en bout. Déjà appréciés en début de saison dans Eliogabalo, la souplesse de l’articulation, tout comme le velouté et la fraîcheur de son timbre, sont un régal de chaque instant – même si les applaudissements différenciés du public en fin de représentation semblent indiquer une préférence au brio incarné par Shagimuratova.
C’est ainsi l’Allemand Tobias Kehrer qui assurait le rôle de Sarastro pour la deuxième représentation, donnée jeudi soir, tandis que son compatriote René Pape (présent à la première) se reposait de son activité trépidante à Paris due à son engagement conjoint dans le spectacle phare de ce début d’année, Lohengrin. La prestation de Kehrer, fondée sur un timbre grave bien placé, résume bien le sentiment général perçu avec ce plateau vocal: on a là une primauté donnée au beau chant au détriment de l’investissement théâtral et dramatique. Il en va ainsi également de la Reine de la nuit d’Albina Shagimuratova, qui évacue toute fureur orageuse pour se réfugier dans une ligne qui respire mais ne donne jamais le frisson.
Il faut dire que la direction allégée du chef hongrois Henrik Nánási, à force de fouiller les détails et rivaliser de subtilités dans la différenciation des pupitres, n’offre que peu de relief à l’ensemble, se plaçant délibérément en retrait par rapport aux chanteurs. Dans les scènes plus dramatiques, cet accompagnement évanescent peine ainsi à soutenir l’investissement d’une des plus belles révélations de la soirée en la personne de Nadine Sierra (Pamina), vocalement délicieuse de bout en bout. Déjà appréciés en début de saison dans Eliogabalo, la souplesse de l’articulation, tout comme le velouté et la fraîcheur de son timbre, sont un régal de chaque instant – même si les applaudissements différenciés du public en fin de représentation semblent indiquer une préférence au brio incarné par Shagimuratova.
En dehors du poussif Andreas Conrad (Monostatos), aux couleurs ternes, on soulignera la belle présence de Stanislas de Barbeyrac (Tamino), bien en voix malgré quelques aigus forcés ou le recours à un léger vibrato ici et là. Reste que le ténor français s’en sort globalement bien en parvenant à donner à son rôle de gendre idéal une vaillance juvénile bienvenue. On terminera enfin ce tour d’horizon vocal par le vétéran Michael Volle (Papageno), irrésistible bouffon maladroit pendant toute la soirée – le seul à s’autoriser, par sa présence et son aura, à l’ivresse d’une composition dramatique. Son timbre rauque, un rien usé, parvient aussi à donner une émotion sincère à cet être simple, incapable de dépasser l’horizon ordinaire de ses origines.
On touche là à l’ambition de la mise en scène de Robert Carsen, davantage intéressé par le chemin initiatique de ses personnages (sans y inclure de référence maçonnique) que par les aspects dramatiques incarnés par la Reine de la Nuit et Sarastro, ou encore par les intermèdes comiques du bouffon Papageno. La sobre scénographie s’appuie ainsi sur une vidéo fixe en fond de scène qui représente une forêt seulement perturbée par le flot immuable des saisons. C’est là l’un des principaux apports de la mise en scène de Carsen, qui ancre l’opéra dans une réalité temporelle et humaine, autour des questions d’élévation spirituelle de vie et de mort qui marqueront les différentes épreuves rencontrées par Tamino et Papageno.
En première partie, Carsen construit l’un de ses plus beaux tableaux visuels en rétrécissant peu à peu la scène en longueur, à la manière de la vision déformée du diaphragme des anciens appareils photo. En arrière-scène, la forêt inaccessible représente cette connaissance désirée par les fidèles de Sarastro, tous habillés comme un seul homme à la manière d’une secte. Avec ce tableau, le metteur en scène canadien évoque ainsi subtilement l’allégorie de la caverne de Platon. La seconde partie de l’opéra convainc plus encore avec sa représentation de sortes de tombeaux souterrains aux éclairages en clair-obscur faisant ressortir des teintes noires-fauves saisissantes. L’idée assez laide de recouvrir les visages de l’ensemble du chœur de voiles noirs n’apporte pas grand-chose, tandis que l’on retrouve la précision chorégraphique habituelle de Carsen, toujours pertinent s’agissant des mouvements d’ensemble.
On pourra évidemment regretter que ce spectacle ne se concentre que sur les aspects humanistes de ce singspiel pour en évacuer les autres – dramatiques ou comiques. Il n’en reste pas moins que ce parti pris, pour sérieux et rigoureux qu’il soit, se tient de bout en bout.
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