mardi 22 mai 2018

« Nabucco » de Giuseppe Verdi - Opéra de Lille - 19/05/2018



Avec une transposition contemporaine très audacieuse de Nabucco (1842), l’un des tout premiers succès de la longue carrière de Verdi, l’Opéra de Lille frappe fort pour son dernier spectacle lyrique de la saison. Gageons que les huit représentations devraient faire salle comble, à l’image de la première samedi soir, pour ce qui reste encore aujourd’hui l’un des ouvrages de Verdi les plus célébrés dans le monde. Un succès populaire jamais démenti qui s’explique notamment par la présence très importante des chœurs tout au long de l’action, dont le fameux « Va, pensiero, sull’ali dorate » (« Va, pensée, sur tes ailes dorées ») en fin de troisième partie. On doit aux forces réunies des chœurs des Opéras de Lille et Dijon, d’une cohésion superbe et d’un investissement dramatique constant, l’une des plus belles satisfactions de la soirée.

Dans ce contexte, on pourra regretter que la direction de Roberto Rizzi Brignoli se soit trop efforcée à souligner les contrastes des épisodes guerriers, surtout présents en début d’ouvrage, par des attaques sèches et des tempi allants, bien trop raides, tout en offrant peu de place à l’étagement et à l’expression harmonieuse des crescendo. Fort heureusement, l’ancien assistant de Riccardo Muti sait faire chanter son orchestre dans les passages plus apaisés et bénéficie d’un plateau vocal à même de se jouer de ces tempi périlleux. Nikoloz Lagvilava impressionne ainsi dans son incarnation habitée de Nabucco, au moyen d’une voix bien projetée, à l’aise dans toute l’étendue de la tessiture. Mais c’est plus encore l’Abigaille splendide de Mary Elizabeth Williams qui convainc par ses graves mordants et la variété de ses couleurs. On lui pardonnera volontiers un aigu plus serré et quelques difficultés dans les accélérations, tant sa présence scénique offre à chacune de ses interventions un intérêt soutenu. A ses côtés, Victoria Yarovaya (Fenena) montre des qualités vocales d’un haut niveau, au moyen d’une émission souple et aérienne, tandis que Simon Lim (Zaccaria) reçoit une belle ovation en fin de représentation pour son timbre agréable et sa projection idéale. A peine pourra-t-on lui reprocher une interprétation un rien trop prévisible.  

Pour son retour à l’Opéra de Lille après la mise en scène de The Monster in the Maze de Jonathan Dove en 2016, Marie-Eve Signeyrole signe un spectacle fort en transposant l’action dans une société européenne contemporaine en proie aux questions de l’accueil de migrants et de la menace du terrorisme. La scénographie, sombre et minimaliste, évoque ces temps anxiogènes par une épure qui fait la part belle au jeu d’acteur, tandis que la vidéo très présente en arrière-scène souligne la présence envahissante des journalistes et des chaines d’information continue. On est bien éloigné de l’action sensée se situer dans la mythique Babylone, en Mésopotamie, mais l’ensemble se tient avec une perspective qui privilégie la « grande histoire » au détriment des déchirements individuels. Il faudra ainsi lire au préalable le résumé détaillé de Nabucco, afin de bien saisir les ressorts amoureux concurrentiels à l’œuvre entre les deux sœurs, Fenena et Abigaille, peu visibles dans cette mise en scène.

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