Avec une transposition contemporaine très audacieuse de Nabucco (1842), l’un des tout premiers succès de la longue carrière de Verdi, l’Opéra de Lille
frappe fort pour son dernier spectacle lyrique de la saison. Gageons
que les huit représentations devraient faire salle comble, à l’image de
la première samedi soir, pour ce qui reste encore aujourd’hui l’un des
ouvrages de Verdi les plus célébrés dans le monde. Un succès populaire
jamais démenti qui s’explique notamment par la présence très importante
des chœurs tout au long de l’action, dont le fameux « Va, pensiero, sull’ali dorate »
(« Va, pensée, sur tes ailes dorées ») en fin de troisième partie. On
doit aux forces réunies des chœurs des Opéras de Lille et Dijon, d’une
cohésion superbe et d’un investissement dramatique constant, l’une des
plus belles satisfactions de la soirée.
Dans ce contexte, on pourra regretter que la direction de Roberto Rizzi Brignoli
se soit trop efforcée à souligner les contrastes des épisodes
guerriers, surtout présents en début d’ouvrage, par des attaques sèches
et des tempi allants, bien trop raides, tout en offrant peu de place à
l’étagement et à l’expression harmonieuse des crescendo. Fort
heureusement, l’ancien assistant de Riccardo Muti sait faire chanter son
orchestre dans les passages plus apaisés et bénéficie d’un plateau
vocal à même de se jouer de ces tempi périlleux. Nikoloz Lagvilava
impressionne ainsi dans son incarnation habitée de Nabucco, au moyen
d’une voix bien projetée, à l’aise dans toute l’étendue de la tessiture.
Mais c’est plus encore l’Abigaille splendide de Mary Elizabeth Williams
qui convainc par ses graves mordants et la variété de ses couleurs. On
lui pardonnera volontiers un aigu plus serré et quelques difficultés
dans les accélérations, tant sa présence scénique offre à chacune de ses
interventions un intérêt soutenu. A ses côtés, Victoria Yarovaya (Fenena) montre des qualités vocales d’un haut niveau, au moyen d’une émission souple et aérienne, tandis que Simon Lim
(Zaccaria) reçoit une belle ovation en fin de représentation pour son
timbre agréable et sa projection idéale. A peine pourra-t-on lui
reprocher une interprétation un rien trop prévisible.
Pour son retour à l’Opéra de Lille après la mise en scène de The Monster in the Maze de Jonathan Dove en 2016, Marie-Eve Signeyrole
signe un spectacle fort en transposant l’action dans une société
européenne contemporaine en proie aux questions de l’accueil de migrants
et de la menace du terrorisme. La scénographie, sombre et minimaliste,
évoque ces temps anxiogènes par une épure qui fait la part belle au jeu
d’acteur, tandis que la vidéo très présente en arrière-scène souligne la
présence envahissante des journalistes et des chaines d’information
continue. On est bien éloigné de l’action sensée se situer dans la
mythique Babylone, en Mésopotamie, mais l’ensemble se tient avec une
perspective qui privilégie la « grande histoire » au détriment des
déchirements individuels. Il faudra ainsi lire au préalable le résumé
détaillé de Nabucco, afin de bien saisir les ressorts amoureux
concurrentiels à l’œuvre entre les deux sœurs, Fenena et Abigaille, peu
visibles dans cette mise en scène.
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