Christian Zacharias |
Le concert débute avec les Danses concertantes de Stravinsky, une
œuvre de commande composée en 1942, que George Balanchine popularisa
deux ans plus tard en lui adjoignant une chorégraphie. On comprend
pourquoi, tant Christian Zacharias se délecte de cette musique fluide et
accessible, avec un art des transitions qui le rapproche d’un autre
génial orchestrateur contemporain, Benjamin Britten. Cette proximité est
audible dès la fanfare initiale par l’usage aussi varié que virtuose
des sonorités chambristes, avec quelques emprunts au jazz. Les envolées
lyriques, mâtinées d’une myriade de couleurs aux vents notamment, la
rapprochent des ballets de Copland, même si l’ouvrage sait aussi gagner
en modernité dans la raréfaction du tissu orchestral en deuxième partie.
La baguette de l’ancien élève de Vlado Perlemuter privilégie la clarté
des plans sonores, en une patte féline qui avance avec un bel allant: la
parfaite mise en place permet de respecter chaque silence, au service
d’un classicisme assumé. On aurait toutefois aimé que le chef fasse
davantage ressortir quelques détails, notamment les éléments
volontairement grotesques inclus par Stravinsky. Quoi qu’il en soit, on
se délecte tout du long des belles sonorités de l’Orchestre national de
Lyon, orfèvre en la matière, qui a sans doute bénéficié de sa proximité
avec la musique de Ravel (voir l’intégrale de la musique symphonique du
compositeur français gravée par Leonard Slatkin pour Naxos).
En seconde partie de concert, on retrouve ce geste aérien au service de la superbe Sinfonietta
(1947) de Poulenc, dont le lyrisme d’ensemble étonnamment joyeux (le
compositeur a eu de fréquentes périodes dépressives) est parfaitement
contrebalancé par la direction sobre de Zacharias, évitant tout pathos.
L’ivresse mélodique prend un relief sautillant et fantasque dans le Molto vivace, avant de gagner en profondeur dans le très bel Andante,
à la narration dominée par les cordes. On retrouve un thème guilleret
et entraînant dans le Finale de ce petit bijou de finesse, qui
mériterait une place plus fréquente au concert. Que le maestro Zacharias
en soit remercié, là où Nikolaj Szeps-Znaider, directeur musical de
l’orchestre, fait malheureusement preuve d’une curiosité moindre dans
les programmes qu’il dirige ici – du moins pour l’instant.
Très attendu par l’assistance, le Dix-neuvième Concerto pour piano
de Mozart nous permet d’apprécier le toucher intact de Zacharias, aux
tempi toujours aussi rapidissimes. On aimerait sans doute davantage de
respiration et de surprises, mais ce brio éloquent impressionne par sa
probité et sa pureté de ligne. L’allégement des textures est perceptible
à l’orchestre, donnant à entendre de superbes détails, notamment dans
l’introduction du mouvement lent, admirablement étagé au niveau des
pupitres de cordes. On affirme souvent que les tempi s’assagissent avec
le poids des années: du haut de ses 71 ans, Christian Zacharias n’en a
cure et poursuit son chemin sans sourciller, pour le plus grand bonheur
de ses fans – manifestement nombreux à Lyon.
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