Si le travail du metteur en scène australien apparaît un peu moins abouti en raison d’une direction d’acteur plus lâche qu’à l’habitude, il parvient à brosser d’emblée le caractère des personnages avec plusieurs détails visuels truculents. Ainsi de Falstaff, affairé à faire mijoter un plat copieux (à l’image de son appétit, bien sûr, mais aussi de son désir insatiable pour les femmes), tandis que ses acolytes Bardolfo et Pistola rivalisent de maladresses nerveuses avant de trahir leur ami. La cuisine prend une place prépondérante dans le spectacle, y compris lors des changements de décors (peu nombreux, comme souvent chez Kosky) où deux voix off s’en donnent à coeur joie pour réciter des recettes sur un ton fantaisiste et sensuel. Si la scénographie minimaliste fait la part belle à plusieurs motifs de l’Art nouveau italien, elle laisse supposer une transposition de l’action à la fin du XIXème siècle (période où a été composé l’ouvrage), alors que Falstaff se remémore les péripéties de son faste passé - le tout dans un bar miteux au I, entouré de vieillards hagards et peu reluisants. L’invraisemblance des costumes aux coupes aussi extravagantes que les couleurs bariolées, renforcent cette impression d’un délire en fin de vie.
A l’opposé de cette lecture, les tonitruances de Daniele Rustionni, qui tente d’exacerber les contrastes au I, apparaissent hors de propos, d’autant qu’on aurait aimé une plus grande attention aux couleurs, avec des interventions piquantes aux bois, notamment. Le climat plus sombre de la dernière partie de l’ouvrage convient mieux à cette battue énergique, à laquelle le public réserve toutefois une belle ovation en fin de soirée. Le plateau vocal réuni n’appelle que des éloges, au premier rang desquels le touchant Falstaff de Christopher Purves, impressionnant de justesse au niveau dramatique. La noblesse des phrasés confère à son personnage une hauteur de vue en phase avec l’inspiration shakespearienne, tandis que les aigus un peu fatigués conviennent bien à ce séducteur en fin de carrière, sur l’éternel retour. A ses côtés, un superlatif Stéphane Degout apporte à Ford un mélange de raideur bourgeoise, parfaitement incarné dans la mise en place et la nécessaire diction. Les deux rôles comiques de Bardolfo et Pistola atteignent au but, tandis que les femmes manquent de projection, mais font preuve de belles couleurs, surtout la Miss Quickly de Daniela Barcellona, très investie dans son rôle.
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