samedi 23 juillet 2022

Concert de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée - Duncan Ward - Festival de Montpellier - 19/07/2021

Duncan Ward

Créé en 1984 par Michel Tabachnik, l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée (OJM) a été intégré au Festival d’Aix‑en‑Provence en 2014, en conservant le principe d’un recrutement d’une centaine de musiciens dans les pays du bassin méditerranéen (à quelques exceptions près, comme le rappelle malicieusement la présentation d’avant‑concert, en visant la présence de deux ou trois musiciens asiatiques). Issus de vingt‑huit pays différents, les jeunes âgés de 16 à 26 ans se sont vus adjoindre en 2015 une session séparée, appelée Medinea. Ce programme, soutenu par l’Union européenne, vise à instituer un réseau de coopération musicale entre les pays méditerranéens, incarné par une douzaine d’artistes improvisateurs, tous issus du jazz et des musiques traditionnelles.

L’accompagnement pédagogique de Medinea a été confié au compositeur et saxophoniste Fabrizio Cassol (né en 1964), partenaire incontournable des ouvrages lyriques de son compatriote belge Philippe Boesmans : c’est là un profil idéal pour mener à bien ce projet, tant le fondateur du groupe de jazz Aka Moon s’intéresse depuis des décennies aux rencontres fécondes entre musiques du monde, en globe‑trotter inépuisable.

Fabrizio Cassol

Pour la première fois depuis 2015, les deux sessions ont été opportunément réunies pour participer à un même concert, avec le principe d’une création collective patiemment élaborée au fil des répétitions, sous la houlette de Cassol. On découvre le fruit de ce travail avec la direction solaire et enthousiaste de Duncan Ward (né en 1989), l’un des jeunes chefs les plus doués de sa génération, lui aussi tourné vers les échanges interculturels fructueux, notamment en Inde avec la WAM Foundation, qu’il a cofondée pour « créer des vocations musicales ».

On est heureux de retrouver l’OJM à Montpellier, accueilli pour la deuxième fois par le Festival de Radio France, afin de nous faire découvrir sa création collective, finalement assez courte, mais vivifiante et entraînante. Outre les sonorités inédites confiées à plusieurs instruments « orientaux » (notamment la clarinette traditionnelle grecque de Panagiotis Lazaridis), on est d’emblée saisi par le mélange très fluide entre les différentes inspirations, même si les hommes paraissent un rien plus intimidés côté chant, en comparaison de leurs partenaires féminines.


Progressivement, les rythmes irrésistibles prennent forme pour laisser davantage de place à l’orchestre, irrigué de fanfares de cuivres proches de leur équivalent chez Ibrahim Maalouf, en un ton volontiers jazzy. Dans le même temps, le chef anglais swingue littéralement sur son podium, n’hésitant pas à marquer le tempo d’un déhanchement pour le moins inattendu, révélateur du plaisir collectif à sortir des codes parfois rigides de la « grande musique ».

Adriana Bignagni Lesca
Le début du concert avait débuté sous les meilleurs auspices, avec la douceur évocatrice de Lili Boulanger (1893‑1918), dont la trop courte vie nous a privé de chefs‑d’œuvre moins brefs que son Matin de printemps (1917). Duncan Ward se régale des effluves d’inspiration debussystes en un geste transparent et aérien, souvent virevoltant, sans jamais oublier l’équilibre entre les pupitres. Après la création collective, le programme s’intéresse à une personnalité musicale délaissée des programmes de concert avec la figure du Catalan Xavier Montsalvatge (1912‑2002), lui rendant hommage pour le vingtième anniversaire de sa mort. Ce n’est là que justice, tant les mélodies pour soprano et orchestre réunies pour l’occasion évoquent à merveille l’inspiration créole du compositeur dès les années 1940, le tout interprété avec une belle force de caractère par Adriana Bignagni Lesca.

Après l’entracte, les déflagrations rythmiques du Sacre du printemps (1913) ne posent aucune difficulté à l’OJM, qui démontre rapidement le niveau atteint, avec l’aide de plusieurs musiciens de l’Orchestre symphonique de Londres. La partition de Stravinsky est pourtant l’une des plus redoutables du répertoire, notamment dans la mise en place et la précision des attaques, ce dont se joue avec aisance Duncan Ward, imprimant autant une tension dans les passages vifs qu’un lyrisme ensorcelant, en conteur attentif, dans les parties plus apaisées. Le jeune chef n’en oublie pas de faire ressortir quelques couleurs, notamment de brefs motifs orientaux proches de la manière de Rimski‑Korsakov (le professeur de Stravinsky), avant de conclure le concert en un geste cinglant, aux scansions implacables.

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