Après Osnabrück en 2019 et Strasbourg en 2024, le retour en grâce de Guercœur
(1901) se poursuit sur la prestigieuse scène de l’Opéra de Francfort,
multirécompensée ces dernières années par les critiques outre‑Rhin pour
la qualité de son travail. L’audace de la programmation fait
certainement parti de cet enthousiasme que nous partageons, avec une
propension notable pour promouvoir les ouvrages en français, à l’instar
d’une autre production très attendue en mars prochain, Le Postillon de Lonjumeau
d’Adam. En attendant, il faut se précipiter dans la plus grande ville
de la Hesse pour apprécier sur scène l’ouvrage de Magnard (1865‑1914) le
plus emblématique et à nul autre pareil.
Personnalité profondément originale et indépendante, Magnard a sans
doute été desservi par son caractère rugueux, tout comme son inspiration
musicale diversement appréciée de son temps en France, en grande partie
tournée vers Wagner, à l’instar des deux splendides duos qui irriguent
le deuxième acte de Guercœur. Pour autant, on trouve aussi des
accents très français dans l’harmonie comme dans l’écriture diaphane
pour les chœurs, très présents dans les actes impairs. A l’instar du
maître de Bayreuth, Magnard se charge de la rédaction de son livret, lui
conférant un ton très personnel, entre récit initiatique et parabole
philosophique.
Plus spectaculaire encore, l’acte
final montre toute la fragilité de la démocratie, qui s’effondre
littéralement suite à la défaite de Guercœur face au dictateur Heurtal.
La scénographie spectaculaire convoquée pour l’occasion donne une grande
force évocatrice à ce moment décisif, avant que la longue scène
conclusive n’étonne plus encore par toute sa finesse symbolique et
poétique. Entre aide au renoncement à la vie et espérance d’un monde
meilleur, la persévérance philosophique du message de la Vérité
accompagne les derniers protagonistes réunis, tous occupés à recommencer
encore et encore leurs tâches, aussi futiles et furtives soient‑elles.
Dans le rôle-titre, Domen Krizaj maîtrise admirablement la souplesse des phrasés, avec un style sans ostentation, malgré quelques détimbrages malheureux dans le suraigu. Il est bien entendu difficile de succéder à Michael Spyres, entendu dans le même rôle à Strasbourg l’an passé. L’autre motif de relative déception vient de la Vérité d’Anna Gabler, très en dessous au niveau de la nécessaire diction, sans parvenir à briller vocalement. AJ Glueckert est plus à son aise dans l’expression sans excès, donnant beaucoup de présence à son rôle trouble, mais c’est plus encore Claudia Mahnke qui triomphe en Giselle, entre éloquence ardente et parfaite maîtrise du français : du grand art, très applaudi en fin de représentation. Enfin, les autres divinités complètent solidement cette distribution de bonne tenue au niveau global, à l’instar du chœur local, très bien préparé pour l’occasion.
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