Retour attendu de
l’un des opéras de jeunesse de Bizet à l’Opéra-Comique, dans une
distribution dominée par la jeune Bulgare Sonya Yoncheva.
Une révélation à suivre.
Pas besoin d’être un mélomane averti pour connaître la plupart des grands airs de la célébrissime Carmen
de Georges Bizet, œuvre ultime du compositeur français, qui a fait le
tour
du monde depuis sa création en 1875. Cet incroyable triomphe
n’éclipse fort heureusement pas ses autres œuvres, qui, pour être moins
connues, n’en connaissent pas moins des représentations
régulières dans les grandes maisons d’opéra. Il faut dire que le
génie précoce de Bizet, mort à seulement 36 ans, s’est affirmé d’emblée
avec plusieurs succès au Théâtre Lyrique,
jadis concurrent de l’Opéra‑Comique.
C’est précisément cette institution parisienne qui permet de les
découvrir aujourd’hui dans des productions de grande qualité, tant Carmen *, bien sûr, que son premier opéra
les Pêcheurs de perles
présenté pendant tout le mois de juin 2012 à Paris. Cet opéra de
jeunesse de Bizet, composé à tout juste 25 ans
suite à l’obtention du prestigieux prix de Rome, remporte un
véritable succès d’estime à sa création en 1863, et ce malgré un livret
banal qui tourne autour de l’inévitable triangle
amoureux entre deux amis épris de la même femme, la troublante
prêtresse Leïla. Zurga et Nadir se promettent de ne pas la séduire,
avant que Zurga ne se rende compte de la tromperie
de celui qui va devenir son rival.
Une œuvre teintée d’orientalisme
À une époque où l’orientalisme est à la mode, l’action se situe
dans un Ceylan de pacotille, alors que Bizet ne connaît de l’Orient que
des mélodies… espagnoles entendues à Paris. Pour autant,
la finesse d’orchestration et l’imagination mélodique font de
cette œuvre un véritable bijou, qui, tout en étant redevable à Gounod ou
Verdi, comporte déjà des airs brillants, telle la romance
de Nadir « Je crois entendre encore » à l’acte I. Impeccable
pendant toute la soirée, le ténor russe Dmitry Korchak montre toutefois
des limites techniques dans cette
romance, avec des aigus mal maîtrisés. Mais sa diction idéale et
son chant raffiné charment l’auditoire, tout comme le baryton
André Heyboer dans le rôle de Zurga, à peine gêné par
quelques faiblesses de projection.
La vraie révélation de la soirée, fort justement applaudie,
revient à la jeune soprano bulgare Sonya Yoncheva, impressionnante
d’aisance vocale, mais également comédienne ardente que l’on
tarde de retrouver dans un rôle dramatique à sa mesure. À ses
côtés, le chœur Accentus, omniprésent tout au long des trois actes, met
un peu de temps à se chauffer avant de convaincre
davantage en fin de soirée.
Une scénographie réussie
Concernant la mise en scène, le travail remarquable du Japonais
Yoshi Oïda, compagnon de route de Peter Brook, mélange des effets
réalistes (magnifiques costumes en patchwork) à
une scénographie dépouillée, où flottent quelques barques de
pêcheur surélevées dans les airs. La scène en pente est admirablement
utilisée par les danseurs, souvent fascinants de langueur dans
leur chute gracieuse. Ils épousent la musique sans jamais gêner la
lecture du drame, interrompant leurs gestes avec le retour du chant des
héros contrariés.
Reste à féliciter l’Orchestre philharmonique de Radio France et
son chef Leo Hussain, méconnu à Paris, mais qui s’est déjà fait un nom à
Bruxelles après ses succès dans la
direction d’opéras du xxe siècle. Une personnalité à retenir tant
sa direction flamboyante apporte à la réussite indéniable de cette
soirée.
* Superbe production dirigée par John Eliot Gardiner en 2009, disponible en D.V.D.
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