La pièce du dramaturge américain David Mamet fait son retour à Paris dans la mise en scène de Patrick Roldez, déjà applaudie à
Avignon en 2009. Pièce intense remarquablement interprétée.
* Le théâtre du Lucernaire a déjà défendu avec bonheur le dramaturge américain en 2010, avec la pièce Box‑office.
Carol et son professeur se font face. Tout semble les opposer, tel
ce bureau large, haut et massif pour seul élément de décor. Assise sur
une chaise spartiate, la jeune fille attend,
silencieuse et patiente. Derrière le bureau, un homme d’une
quarantaine d’année fulmine, éructe, aboie au téléphone. La conversation
commence, mais n’a jamais vraiment lieu. Quand ce n’est pas
lui qui coupe la parole, c’est le téléphone qui reprend.
Le spectateur est agacé par ce flot continu du professeur, au
débit nerveux et rapide, qui fait obstacle à l’échange sans permettre de
répondre à la question que chacun se pose. Que vient faire
cette élève dans ce bureau ? Que cherche‑t‑elle à obtenir ?
Lentement, les bribes d’information nous renseignent tandis que le huis
clos prend forme autour d’un rapport de force de
plus en plus étouffant.
Entre courtoisie et violence symbolique
Le texte du dramaturge américain David Mamet, auteur prolixe au
cinéma comme au théâtre *, fait mouche avec ce mélange ambigu de
courtoisie et de violence symbolique incarné par
l’autoritarisme d’un professeur acculé devant ses contradictions.
Mais c’est dans le progressif retournement des rôles que la pièce prend
tout son sens, le rapport de domination s’inversant… Le
procès implacable du professeur laisse le spectateur sans voix
tant la leçon, dure et sévère, se montre inflexible.
Dans le rôle du professeur, David Seigneur impressionne. Avec ses
faux airs de Jean‑Pierre Bacri, il incarne subtilement les différents
états d’un homme sûr de lui qui tombe peu à peu
de son piédestal. Marie Thomas surprend davantage encore, avec sa
voix fluette et son regard fuyant qui se transforment au fur et à mesure
de l’avancée de sa mission. Les deux acteurs
se jouent habilement d’un texte redoutable, aussi bien dans les
agiles acidités verbales de la première partie de la pièce que dans son
final à la moralité glaciale.
Une mise en scène sobre et intense
La mise en scène de Patrick Roldez renforce cette intransigeance
par sa sobriété. Les acteurs incarnent spatialement leur situation,
chacun tenant ses positions comme dans une joute
militaire intense, avant que le renversement de pouvoir ne se
produise, permettant à la comédienne d’occuper tout naturellement la
place du professeur, derrière son bureau. La musique, tour à
tour discrète et inquiétante avec ses crissements de violon, donne
au message de David Mamet une aridité fort à propos, concourant à la
réussite de ce spectacle à voir ou à revoir tout
l’été au théâtre du Lucernaire.
* Le théâtre du Lucernaire a déjà défendu avec bonheur le dramaturge américain en 2010, avec la pièce Box‑office.
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