Après Offenbach l’an
passé, l’association Colorature revient avec un nouveau spectacle créé à
Avignon, la charmante et délicieuse opérette de
Bizet, « le Docteur Miracle ». Une réussite encore plus éclatante.
Si Bizet ne connaît pas le succès de son vivant avec Carmen,
aujourd’hui l’opéra le plus joué au monde, il obtient plusieurs prix
prestigieux lors de son ascension. Le jeune homme de
seulement dix‑huit ans remporte ainsi un second prix de Rome pour
une cantate à trois voix *, puis un an plus tard, en 1857, un concours
d’opérette présidé par
Auber, célèbre compositeur et directeur du Conservatoire de
musique de Paris.
Créée aux Bouffes Parisiens dans la foulée de son prix, la partition du Docteur Miracle disparaît totalement des scènes lyriques, à l’instar de la délicieuse Symphonie
en ut majeur, une autre œuvre de jeunesse composée quelques
mois plus tôt. Redécouvertes au milieu du xxe siècle, les deux œuvres ne
quittent plus désormais le
répertoire tant leurs qualités musicales sont évidentes. On se
réjouit par conséquent de l’heureuse initiative de l’association
Colorature qui présente cette année à Avignon une nouvelle
production du Docteur Miracle.
Une omelette fameuse
Présentée en alternance avec l’opérette le Financier et le Savetier
d’Offenbach, créée à Avignon l’an passé, on retrouve les mêmes
ingrédients du succès précédent grâce
à une équipe de passionnés aguerris. L’histoire en est presque
identique puisqu’un père tente là aussi de s’opposer au mariage de sa
fille avant de céder face à l’ingéniosité du prétendant. La
préparation d’une simple omelette (un hilarant quatuor qui vaut à
lui seul le déplacement) va servir habilement l’intrigue. Toute cette
joyeuse équipe joue dans une scénographie simple,
heureusement compensée par des maquillages surréalistes et
inquiétants, tandis que la mise en scène d’Anne‑Laure Lemaire privilégie
les aspects comiques.
Mais la réussite de ce spectacle repose surtout sur les qualités
musicales de ces quatre chanteurs accompagnés au piano par la délicieuse
Raphaële Crosnier. Exigeante, elle impose une
verve rythmique que les interprètes suivent parfaitement. On
retiendra surtout la Véronique de Sarah Dupont d’Isigny, comédienne
malicieuse qui dispose d’une voix puissante et d’un
timbre superbe. À ses côtés, la Laurette de Diane Gonié, également
directrice musicale, ne démérite pas avec son agilité gracieuse. Mais
on est plus convaincu par l’énergie et le
talent comique de ses partenaires masculins, particulièrement le
drôlissime Podestat de Renaud Boutin. On aime aussi les prises de risque
de Frédéric Reussart dans ses différents
rôles, même si l’aigu est parfois forcé.
Une formidable cohésion
Mais ne nous y trompons pas. Toutes ces infimes réserves ne
doivent pas masquer l’essentiel : la formidable cohésion, la bonne
humeur et l’énergie de cette équipe de passionnés. Diction
parfaite, répliques qui font mouche, tout l’esprit de l’opérette
est là. Alors courez découvrir ce jeune Bizet déjà si talentueux et
défendu vaillamment par ces Colorature
précieux.
* La création française a eu lieu en 2009 à la Bibliothèque nationale de France.
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