L’Opéra de Massy présente une nouvelle production de « Madame Butterfly », venue tout droit de Saint-Céré et Fribourg. Une
réussite à tout point de vue.
Massy, vous connaissez ? Une petite ville francilienne de
40 000 habitants qui a la particularité de disposer d’une gare T.G.V.,
mais également d’un opéra installé au cœur
d’un immense quartier de grands ensembles. Depuis son ouverture
en 1993, une même équipe est aux commandes, avec le directeur
Jack-Henry Soumère et le chef permanent
Dominique Rouits à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Massy.
Nous pouvons bien l’avouer aujourd’hui, nos deux premières venues à Massy ont été très prudentes, avec les opéras Dialogue des Carmélites et Carmen
accompagnés par l’excellent Orchestre national d’Île-de-France. Quelle
ne fut donc pas notre surprise de découvrir mardi soir, en cette
deuxième représentation
de Madame Butterfly *, un non moins remarquable Orchestre de l’Opéra de Massy, aussi vif que précis dans ces attaques, volontiers
prodigue d’une palette riche de couleurs.
Une jauge idéale pour les petites voix
Il est vrai que la jauge idéale de cette salle de 800 places
permet de développer un rapport privilégié avec le public, ravi de cette
proximité qui permet de recueillir les infimes
variations de ton et de style. Elle donne aussi à de petites voix
la possibilité d’exprimer une fragilité et une subtilité qui, dans une
salle plus grande, serait parfaitement inaudible. C’est
ainsi que la soprano Sandra Lopez de Haro, merveilleuse Butterfly,
a fait sensation à Massy.
Quel bonheur de découvrir un petit bout de femme haut comme
trois pommes dispenser avec tant de grâce un chant aérien, au velouté
raffiné et toujours maîtrisé. Son sens du phrasé et ses
pianissimi de rêve raisonnent encore au moment d’écrire ces
lignes. L’histoire mélodramatique de Madame Butterfly a fait le
tour du monde. Une jeune Japonaise séduite puis
abandonnée par le soldat américain Pinkerton se refuse à accepter
son sort. Épaulée par sa servante Suzuki, elle reçoit le soutien du
consul Sharpless, pris de remords de n’avoir pas su
éviter ce mariage soudain.
En face de Sandra Lopez de Haro, ses partenaires ne sont pas en
reste. La servante est portée par le mezzo chaleureux
d’Hermine Huguenel, tandis que Kristian Paul
interprète un Sharpless touchant d’humanité face à l’aveuglement
de l’héroïne. Sa voix puissante, toujours parfaitement posée dans les
différentes tessitures, donne beaucoup de densité au
rôle. Malgré un beau tempérament dramatique, Carlo Guido
(Pinkerton) déçoit, en comparaison, par un manque évident de rondeur
dans la voix, souvent forcée et proche de ses limites.
Un cortège burlesque et désopilant
La mise en scène d’Olivier Desbordes, directeur artistique du
Festival de Saint-Céré, privilégie dans la première partie des éléments
bouffes inattendus. Avec la transposition de
l’action dans un Japon post-tsunami, le décor unique imaginé par
Ruth Gross dévoile une maison pauvre dévastée, sur deux niveaux. À
l’extérieur, un chemin en demi-cercle permet
d’éviter l’eau. C’est ainsi que l’arrivée de Butterfly et toute sa
famille se déroule sous la forme d’un cortège burlesque et désopilant
qui parade à qui mieux mieux. Les costumes
bariolés, aux couleurs plus chinoises que japonaises, ajoutent à
cet esprit de fête.
Le contraste avec la deuxième partie, plus dramatique, de l’opéra
n’en est que plus criant, la langueur de l’attente étant parfaitement
exprimée par les beaux éclairages en contre-jour qui
précèdent le geste fatal de l’héroïne. Le public, aux anges, ne
s’y est pas trompé, réservant une ovation à toute la troupe à l’issue de
la représentation.
* Présentée pour la troisième fois à Massy après 2001 et 2007, cette fois-ci dans une nouvelle mise en scène d’Olivier Desbordes.
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