Sur scène et dans la
fosse, les jeunes talents du Conservatoire de musique et de danse
de Paris sont partout. Ils relèvent le défi
Mozart avec brio, ouvrant un passionnant cycle consacré au prodige
autrichien.
La Cité de la musique présente jusqu’au 8 mars 2014 un passionnant cycle consacré à « Mozart enfant », qui s’intéresse non pas au virtuose
du piano, mais au compositeur déjà fécond des premières années. Le cycle débute avec Mitridate, re di Ponto
(K. 87), première grande commande lyrique passée au prodige
autrichien par rien moins que le Teatro Regio Ducal de Milan
– l’ancêtre de la célèbre Scala. Le jeune homme de seulement
quatorze ans parvient à composer une œuvre
ambitieuse et imposante de trois actes qui lui valent les
félicitations de son redoutable père.
Mozart relève le défi haut la main en variant habilement les
climats et les atmosphères tout en offrant à ses interprètes de
savoureux airs de bravoure. Une incontestable fraîcheur se dégage de
cette musique sans fard, volontiers cinglante, qui ne provoque
jamais l’ennui dans son alternance régulière de récitatifs et d’airs *.
Si la caractérisation musicale des personnages n’est
pas encore très affirmée, si la fin de l’œuvre peut paraître
abrupte, l’inventivité du natif de Salzbourg offre à tous ses
interprètes de quoi briller sur scène à tour de rôle.
Un savoir-faire précoce
Ce savoir-faire précoce accompagne habilement l’adaptation de la
pièce homonyme de Racine en forme de huis clos vénéneux. Le
roi Mitridate, sa prétendante Aspasia, ses fils Farnace et
Sifare, tous rivaux en amour, se déchirent ainsi sur fond de
guerre romaine et de querelle de succession pour le trône du Pont
– royaume qui borde la mer Noire au nord de
l’actuelle Turquie. La mise en scène de Vincent Vittoz mêle ce
contexte historique, évoqué à travers de splendides costumes réalistes
rappelant l’Asie Mineure, avec des décors sobres
et intemporels.
De simples panneaux noirs font ainsi office de décor, se soulevant
au gré de l’action pour établir des tableaux visuels variés. Vittoz
joue constamment sur la géométrie, utilisant la profondeur
de la scène pour mieux la réduire ensuite, multipliant les
éclairages en clair-obscur et les effets de contraste en lumière vive.
Inventive et élégante, cette mise en scène bénéficie de
l’apport inattendu de sept danseurs tout de gris vêtus dans leurs
habits contemporains. Sorte de doubles des chanteurs, ces jeunes
étudiants du Conservatoire introduisent une distanciation
heureuse par rapport à l’action.
Un enchantement constant
On retiendra la belle scène de l’empoisonnement, où les danseurs
se passent successivement la coupelle funeste dans un rythme hypnotique.
Enchantement constant, cet apport original permet aux
chanteurs de se concentrer davantage sur leur performance vocale
plutôt que sur le jeu de scène. Une initiative heureuse tant l’œuvre
requiert un art consommé dans l’exercice difficile du
récitatif. Dans cette pratique, les deux interprètes principaux
incarnés par Enguerrand de Hys (Mitridate) et Jeanne Crousaud (Aspasia)
s’imposent avec un sens du phrasé
souple et agile. Diction alerte, musicalité, sens du jeu, tout y
est.
Enguerrand de Hys surprend dès son premier air avec un timbre
émouvant, plus fragile ensuite dans les passages virtuoses.
Jeanne Crousaud se joue quant à elle aisément des
redoutables vocalises. On retiendra aussi le Farnace solide
techniquement d’Eva Zaicik, peut-être un rien timide dans
l’interprétation, tandis que la puissance de l’Arbate
d’Élisabeth Moussous ne fait illusion qu’un temps, tant les
difficultés de placement de voix sont nombreuses. Ces quelques bémols ne
sont que de menus détails face à une impression
générale on ne peut plus satisfaisante compte tenu de la jeunesse
des interprètes.
L’autre grande satisfaction de la soirée vient de la fosse,
intensément applaudie, où la direction pétillante de David Reiland fait
mouche. Un plaisir constant qui fait de ce jeune Mozart
ainsi révélé un délice à consommer d’urgence et sans modération.
* Une caractéristique de l’opera seria. Voir aussi l’Olimpiade de Mysliveček et la Clémence de Titus de Mozart.
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