L’opéra n’est pas le
cœur de cible premier du Festival de Verbier. Pour autant, avec des
distributions vocales d’exception cette année
encore, les mélomanes accourent de partout. Le « Fidelio »
extraordinaire donné samedi soir leur a rappelé combien ce flair était
justifié !
Ingela Brimberg |
Rendez-vous incontournable de l’été pour les amateurs de récitals et de musique de chambre, le Festival de Verbier
s’est étendu depuis
quelques années à l’opéra, offrant des distributions dignes des
plus grandes scènes internationales. Il n’en fallait pas davantage pour
attirer un public nombreux et multiplier les soirées
consacrées à l’art lyrique. Verbier n’hésite pas à donner des
œuvres rares, particulièrement cette année, par extraits ou en totalité,
et toujours en version de concert. Les amateurs de musique
classique se méfient trop souvent de ces opéras donnés en version
de concert, oubliant que l’absence de décors et de mise en scène
n’empêche en rien les chanteurs d’interpréter leur rôle à leur
manière.
Ainsi, certains se concertent et parviennent à aller au-delà d’un
jeu minimal pour proposer une interaction à bien des égards
passionnante. On se souvient notamment du remarquable travail de
mise en espace réalisé à la Salle Pleyel dans plusieurs opéras de
Mozart dirigés par René Jacobs. À Verbier, les chanteurs ne restent sur
le plateau que si la scène de l’opéra
l’exige, permettant ainsi au spectateur, par la seule force de la
compréhension du texte et de l’expressivité du chant, de visualiser et
interpréter l’action dans son esprit. C’est précisément
en cette direction que la station suisse a innové cette année avec
la mise en place de surtitres en français.
Vibrant Minkowski
Un confort essentiel pour bien suivre l’action de Fidelio,
l’unique opéra de Beethoven, qui a fait sensation à Verbier devant une
salle quasi comble. Il faut dire que la direction de
Marc Minkowski sait faire vibrer ses chanteurs à l’unisson,
exaltant son chœur et son ensemble comme aucun autre. Sens de la
rythmique, césures, contrastes surprenants de tendresse dans
les passages plus recueillis, tout est là. Une direction toujours
passionnante, attentive à chaque détail. Outre l’excellent chœur
new-yorkais de la Collegiate Chorale, Minkowski dispose
d’un beau plateau d’artistes homogène, tous ralliés vers une même
tension dramatique. C’est sans doute ce qui fait la différence avec les
individualités vocales plus marquées de la soirée
Puccini / Verdi du
lendemain.
Si les femmes se montrent légèrement moins à l’aise sur le plan
vocal, elles compensent leurs faiblesses par une interprétation
théâtrale sans failles. Si le timbre rêche d’Evgeny Nikitin
manque de couleurs, il compose lui aussi un Don Pizarro d’une
belle noirceur, tandis que le Florestan de Brandon Jovanovich assure sa
partie avec vaillance, seulement en difficulté
dans l’aigu. Mais l’incontestable satisfaction de la soirée est
l’interprétation de Robert Gleadow (remplaçant de René Pape) dans le
rôle de Rocco. Avec son beau timbre opulent
et profond, il est de ceux qu’on écoute, captivé par sa capacité
de pénétration et de concentration. Outre la formidable ovation qui
ponctue la spectaculaire scène finale, Robert Gleadow
reçoit tout autant les vivats d’un public décidément gâté en ces
hauteurs alpines.
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