Une pluie de stars
et un vent de jeunesse s’emparent chaque été de la station de Verbier,
dans les hauteurs suisses. Chacun à leur tour, la jeune
soprano Pretty Yende comme le pianiste chevronné
Marc‑André Hamelin ont impressionné par leur grande maturité artistique.
Pretty Yende et James Vaughan |
On doit à Martin Engstroem, agent d’artistes célèbres et ancien
dirigeant de la firme Deutsche Grammophon, la
création du festival de musique classique de Verbier, voilà
vingt et un ans. L’ancien mari de Barbara Hendricks a eu l’audace de
choisir une station de ski très courue
l’hiver mais finalement peu fréquentée l’été, créant ainsi l’un
des festivals qui figure désormais parmi les plus renommés au monde.
Située dans le canton francophone du Valais, au sud-est du
lac Léman et à deux pas de Chamonix comme du val d’Aoste, Verbier
s’étend sur les alpages en hauteur, bercée par les majestueuses
montagnes environnantes qui entourent les
nombreux chalets en bois aux toits d’ardoise, tous parfaitement
préservés et d’un charme indéniable.
Le festival dispose d’un budget considérable, assis sur les
ressources de la billetterie et du subventionnement, mais aussi sur une
dynamique politique de partenariats privés et de mécénat.
Outre le flair artistique de son fondateur (toujours aux
commandes), ces atouts expliquent l’incroyable rassemblement de
célébrités * pendant dix‑sept jours, que l’on peut écouter
dans pas moins de trois à quatre concerts payants chaque jour,
auxquels s’ajoutent les nombreuses manifestations gratuites (musique de
chambre dans le charmant cinéma rétro, master
class et conférences dans toute la ville, répétitions
publiques, etc). Si l’on ajoute les concerts des différents bars et
restaurants, organisés autour du programme Fest’off, la cité
prend ainsi des faux airs de Festival d’Avignon.
Un vent de jeunesse
Un rapprochement d’autant plus évident que de nombreuses institutions viennent là aussi repérer (et passer des contrats) avec les nombreux artistes ici réunis. L’une des grandes originalités de Verbier consiste à ne pas se contenter d’accueillir des artistes chevronnés à coup de gros cachets, mais à faire souffler un véritable vent de jeunesse, notamment grâce à la composition innovante de ses différents orchestres. L’Orchestre symphonique du festival est ainsi composé de musiciens de 19 à 29 ans, sélectionnés chaque année à travers le monde, au terme d’un long et exigeant processus.
Outre le luxe de disposer d’un ensemble de chambre permanent
composé des anciens de l’Orchestre symphonique, Verbier a également mis
en place l’an passé un programme appelé
« Music Camp » qui s’adresse cette fois aux 15‑17 ans, avec à la
clé la préparation de concerts gratuits donnés dans la vaste salle
des Combins. Des jeunes pousses
capables, par exemple, d’oser affronter les forces telluriques de
la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák. Avec cet étonnant
mélange de différents artistes venus de tous les
horizons, déjà célèbres ou en devenir, on comprend dès lors toute
la richesse de ce festival, source de savoureuses rencontres et
confrontations.
Divine Pretty Yende
On pense bien entendu au récital de l’une des grandes curiosités de ce festival, en la personne de Pretty Yende. Quasi inconnue en France, la soprano de 29 ans au sourire éclatant a fait l’étalage de sa classe vocale lors d’un vaste programme très audacieux. Dans les boiseries intimistes de l’église de Verbier, la Sud-Africaine a démontré combien sa technique sûre lui permettait de convaincre en des genres très différents, du bel canto à la mélodie française, en passant par les musicals américains et de virtuoses passages coloratures. Et, pour finir, des airs de zarzuelas, ces opérettes espagnoles délicieuses que l’on entend malheureusement si peu en France. Ovationnée debout, la lauréate du concours Operalia en 2011 se doit désormais de chanter en France, un évènement malheureusement non encore prévu à ce jour. Gageons que sa prestation donnera cette idée à une opportune maison d’opéra hexagonale…
Autre récital vivement applaudi, celui consacré au pianiste
chevronné Marc‑André Hamelin. On connaît bien le pianiste canadien,
pilier d’une remarquable série de disques consacrés aux
concertos romantiques, enregistrés par la firme Hyperion. Assez
rare en France, on se réjouit de retrouver son geste alerte, un rien
trop expéditif chez Haydn, mais qui devient plus
profond chez Field (précurseur de Chopin) et plus encore avec
Debussy. C’est là le cœur intime de ce beau programme, vaillamment
poursuivi par des variations écrites de la main même
d’Hamelin – tour à tour téméraires et facétieuses. Le Canadien
achève son récital avec de rares Liszt, qui lui permettent de démontrer
son sens de la vélocité et son toucher
volontiers malicieux, le rendant toujours imprévisible. Encore un
grand moment pour ce festival, à savourer dans toutes ces nombreuses
facettes.
* Pas moins de 500 artistes au total. Nous nous bornerons à citer quelques grandes stars du piano, telle Martha Argerich, Christian Zacharias, Stephen Kovacevich, Grigory Sokolov, Evgeny Kissin, tous réunis ici comme leurs plus jeunes confrères Daniil Trifonov ou Jan Liesecki. Une liste non limitative. Excusez du peu !
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