À Verbier, le public
attendait Vittorio Grigolo et n’a pas été déçu. Pour autant, c’est bien
l’âpre duel Abdrazakov / Petrenko qui aura
marqué les esprits dans un « Don Carlo » de luxe.
Ildar Abdrazakov |
Certains livrets d’opéra se révèlent parfois peu compréhensibles, comme c’est le cas avec l’obscur il Tabarro
de Puccini. À l’issue de la représentation, certains spectateurs
s’interrogeaient ainsi sur l’épilogue de ce drame en miniature
– une œuvre en un acte d’à peine une heure. Le premier opéra du méconnu Tryptique
(il Trittico) créé par Puccini en 1918, place
d’emblée ses personnages dans la tragédie, dévoilant l’amour impossible
entre Luigi et la belle Giorgetta, déjà mariée à
Michele. Autour de personnages truculents, telle la vibrionnante
Frugola, l’étau se resserre entre les amants, imprimant une atmosphère
moite que n’aurait pas renié Tennessee Williams.
Malheureusement, la direction fine et élégante de Daniel Harding
évacue ce contexte au profit d’une lecture trop chambriste. Les
chanteurs, sans réel soutien, sont comme à nu devant
l’auditoire.
Si Lucio Gallo * (Michele) met un peu de temps à se chauffer avant
d’emporter l’adhésion par son bel engagement, on est moins convaincu
par l’interprétation de Barbara Frittoli,
qui compose une Giorgetta bien pâle. Malgré un vibrato prononcé,
elle parvient à compenser ses faiblesses dramatiques par sa voix fruitée
et bien projetée. Rien de tel chez son partenaire
Thiago Arancam (Luigi), toujours à la limite du surjeu, à
l’émission malheureusement trop serrée pour déployer aisément son beau
timbre de voix. Reste à mentionner l’impressionnante
Ekaterina Semenchuk qui donne à sa Frugola une dimension
truculente du meilleur cru.
Harding enfin convaincant
Heureuse surprise en deuxième partie de soirée, la direction
millimétrée de Daniel Harding convient mieux aux accents romantiques du
Verdi de Don Carlo. Composé dans le
style du grand opéra à la française, sorte de vaste fresque
historique souvent emphatique, cette œuvre peu souvent montée fait
partie des chefs-d’œuvre méconnus de son auteur. Verbier nous
propose de découvrir les deux derniers actes de la version
italienne (l’original fut composé pour Paris, en français), avec un
plateau vocal d’exception. On retrouve la grande star
Vittorio Grigolo dans le rôle-titre, souvent agaçant avec ses
mimiques narcissiques, mais qui balaie facilement toute réserve avec sa
voix puissante et agile, procurant un impact physique
réel sur l’auditoire.
Côté interprétation, on pourra lui préférer la touchante
Lianna Haroutounian (Elisabetta), capable dans les airs de viser les
sommets pour décevoir ensuite quelque peu dans les passages
parlés-chantés, avec une ligne de chant parfois à la limite de la
fausseté. Autour de ces deux rôles principaux, Ildar Abdrazakov
(Filippo II) et Mikhail Petrenko
(l’Inquisitore) impressionnent tous deux dans leur beau duo
initial comme dans leurs interventions suivantes. La puissance, la
diction et l’engagement de Petrenko répondent à la maîtrise
renversante d’Abdrazakov. Voix riche d’une belle intensité
dramatique, ce dernier n’est pas pour rien dans l’atmosphère électrique
de la fin de soirée.
* Qui a remplacé Alexey Marlov, suite à son retrait.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire