Comme chaque année,
le Festival de la Vézère fait des miracles avec trois fois rien. Faites
confiance au flair de sa programmatrice
musicale dynamique et engagée !
Beaulieu-sur-Dordogne |
Il est parfois des endroits que l’on préférerait tenir secrets,
pour les garder égoïstement et ne les révéler qu’à ses proches. Telle
n’est pas la devise des Trois Coups, qui
préfère évidemment partager ses coups de cœur, certain que la
publicité ainsi faite, loin de les dénaturer, les fera s’affirmer plus
haut encore. Le Festival de la Vézère, organisé en
Corrèze depuis plus de trente ans, est précisément de ceux-là. Il
faut dire que sa créatrice Isabelle du Saillant ne ménage pas son
énergie pour transmettre sa passion dévorante
pour la musique classique. Récitals de piano, musique de chambre
ou orchestrale, en passant par l’opéra, rien n’échappe à son flair
expert.
Jugez plutôt cette année : outre les pianistes Adam Lalloum et
Abdel Rahman el‑Bacha, le Festival s’offre le luxe de recevoir pour
deux soirées le prestigieux
Concerto Köln. Basée à Cologne, la formation sur instruments
d’époque défriche depuis plus de vingt ans le répertoire du xviiie siècle,
offrant aux côtés des compositeurs de renom le plaisir de la découverte
de nombreux « petits maîtres ». Attirer le public
avec des tubes pour mieux leur faire entendre des raretés, tel est
le credo malicieux de l’ensemble allemand, auquel la Vézère adhère
chaleureusement. On retrouve ainsi Haendel et Vivaldi
aux côtés des rarissimes Avison, Sammartini ou Geminiani.
Le chant radieux de Valer Sabadus
Le premier concert donné à Brive-la-Gaillarde est surtout marqué
par la présence du contre-ténor Valer Sabadus, Roumain d’origine qui a
grandi en Allemagne, star montante révélée en France
par ses remarquables prestations à Versailles *. Instantanément,
son charme opère entre chant velouté et agile, phrasés articulés et
radieux. Les difficultés nombreuses, particulièrement
les vocalises, paraissent ici faciles tant le jeune chanteur
semble au sommet de son art. L’accompagnement chambriste des
quinze musiciens du Concerto Köln, à l’élan généreux et
véloce, fait merveille dans les mouvements vifs. Comme à son
habitude, la formation évolue sans chef et debout, en répondant au
premier violon avec une virtuosité toujours aussi éclatante.
Le second concert, en la superbe abbatiale de
Beaulieu-sur-Dordogne, réduit plus encore l’accompagnement orchestral,
cette fois-ci adjoint du violon soliste de Shunske Sato en lieu et
place du contre-ténor. Conforme à leur credo depuis leur création,
la formation allemande s’éloigne des interprétations romantiques pour
privilégier une vision objective, parfois un peu sèche,
mais toujours pétrie d’une énergie revigorante et implacable de
vigueur rythmique. Ce parti pris revisite opportunément les célèbres Quatre Saisons
de Vivaldi, surprenant
nos habitudes d’écoute dans cette œuvre par la révélation de
détails inédits. Un credo analytique intelligemment contrasté par des
crescendos irrésistibles dans leur fracas soudain,
particulièrement efficaces dans les deux dernières saisons aux
accents plus dramatiques.
Le Festival accueillera début août son traditionnel week-end
opéra, occasion d’entendre les chefs-d’œuvre du répertoire revisités par
la malicieuse troupe anglaise Diva Opera. Assurément,
un grand moment du Festival à ne pas manquer.
* On pense notamment à la Didone abbandonata de Hasse ou l’Artaserse de Vinci.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire