vendredi 5 septembre 2014

« La Damnation de Faust » d'Hector Berlioz - Festival berlioz à La Côte-Saint-André - 31/08/2014

Soutenu par un orchestre et un chœur splendides, un plateau vocal idéal illumine « la Damnation de Faust » de Berlioz. Et ce, même si la palette des émotions exprimée sur le seul visage du ténor Michael Spyres aurait déjà suffi à nous contenter !

Michael Spyres et François-Xavier Roth
Le Festival Berlioz reprend vie dès 1994 à La Côte-Saint-André, ville natale du musicien, située à moins d’une heure de Lyon ou Grenoble. Depuis lors, la manifestation s’est peu à peu imposée comme une référence, travaillant bien sûr à porter haut l’œuvre d’Hector Berlioz (1803-1869) jusqu’aux plus absolues raretés, tout en militant pour faire apprécier d’autres artistes moins renommés. La programmation 2014 met ainsi l’accent sur Berlioz et l’Amérique, offrant par exemple de découvrir un parfait contemporain du compositeur, le méconnu Félicien David et son ode-symphonie Christophe Colomb, ou encore le pianiste américain Edward MacDowell (1860-1908) dans l’un de ses concertos.

Une organisation audacieuse qui permet au spectateur de retrouver l’enfant du pays lors de nombreux concerts, tout en consacrant une opportune visite à sa maison natale – authentique musée complet sur trois étages, tout à la gloire du génial Français. Pour sa dernière soirée, le Festival propose l’une des créations les plus populaires de Berlioz (aux côtés de l’inévitable Symphonie fantastique), la Damnation de Faust. Si cet opus reçoit le nom de « légende dramatique », et non pas d’opéra, cela s’explique par le caractère hybride de la partition, qui donne une place omniprésente à l’orchestre tout comme au chœur, tous deux véritables acteurs du drame. Assez déroutante, l’œuvre se laisse peu à peu apprivoiser, convainquant pleinement par l’entrecroisement virtuose des idées musicales, l’éclat rythmique ou la variété de son orchestration.

Un orchestre-académie pour les jeunes

Très statique en son début, l’œuvre peut dérouter le profane par le peu d’action avant la décisive rencontre entre Faust et Méphistophélès, prélude au fameux pacte signé entre les deux hommes. C’est pour ces raisons que l’on représente très souvent cette « légende » en version de concert – ce qui est précisément le cas à La Côte-Saint-André cette année. On retrouve à la baguette François‑Xavier Roth, fondateur de l’orchestre Les Siècles, à la tête d’une vaste formation réunissant ses musiciens habituels, auxquels s’ajoutent soixante élèves parmi les plus brillants de différents conservatoires européens. Spécialement conçu pour le Festival, cet orchestre-académie opère sur le modèle de celui de Verbier, en Suisse.

Roth s’affirme tout du long par une direction précise, toujours attachée à ne pas escamoter les toutes dernières notes des airs ou ensembles, offrant ainsi aux brumes éthérées du début un écrin délicat et évocateur. Mais il sait aussi faire rugir son groupe sur instruments d’époque, très réactif hormis quelques défaillances techniques aux cuivres, lorsque la partition s’anime. On retiendra donc une magnifique course à l’abîme en fin d’ouvrage, véritable maelstrom sonore dans lequel s’engouffrent tous les musiciens et chanteurs. Préparé par Nicole Corti, le chœur Britten affiche une belle cohésion, assumant pleinement son rôle prépondérant grâce à ses qualités de projection et de diction. 

Un Michael Spyres en larmes

Côté chanteurs, Michael Spyres impressionne de bout en bout dans son lourd rôle de Faust. Comme à Saint-Denis en juin dernier, le ténor américain impose son timbre clair et olympien, tout en se délectant de la partition comme jamais, n’hésitant pas à se tourner vers l’orchestre pour ressentir les évocations subtiles de Berlioz. Faisant corps avec son personnage, il lâche même quelques larmes discrètes en première partie. Dommage qu’Anna Caterina Antonacci (Marguerite) n’ait pas souhaité interpréter au-delà de la seule version de concert, imprimant à son rôle une intériorité contenue, mais heureusement bouleversante par les qualités de son chant. Son sens du phrasé, toujours aussi éloquent, compense désormais un timbre un rien métallique et une émission plus étroite. Enfin, Nicolas Courjal offre un jeu convaincant à son Méphistophélès, tour à tour autoritaire et moqueur. Souplesse de l’articulation, richesse du timbre aux couleurs variées, il n’est pas pour rien dans l’ovation finale qui conclut la soirée.

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