Ophélie Gaillard |
Au moment d’achever sa résidence à Pontoise, Ophélie Gaillard ne pouvait
guère rêver meilleur plateau vocal pour sa nouvelle création dédiée au Triomphe du temps et de la désillusion
(1707) de Haendel. Fruit d’une coproduction entre le festival baroque
et la scène nationale de Cergy-Pontoise, L’Apostrophe, le choix du tout
premier oratorio de Haendel s’avère pertinent tant par son immédiate
accessibilité que par son inspiration envoûtante, et ce pendant toute sa
durée de deux heures environ. Il s’agit en réalité d’un opéra déguisé,
permettant de passer outre l’interdiction romaine en cours au début du
XVIIIe à l’égard de la musique vocale profane. On ne trouvera pas de
chœur ici, mais quatre solistes tous également mis en avant, tandis que
l’orchestre offre un soutien actif, particulièrement dans les superbes
solos de l’orgue ou du hautbois.
Si l’Ensemble Pulcinella met du temps à se chauffer, notamment dans la
nécessaire mise en place, il convainc ensuite par sa capacité à soutenir
les tempi assez vifs imposés par Ophélie Gaillard, toujours aussi
fringante. Alors qu’un heureux événement est annoncé pour bientôt,
l’agilité de la violoncelliste française impressionne par sa clarté
limpide, sans hésitation, épaulant parfaitement les solistes réunis. Il
est vrai que l’orchestration resserrée autour de la réduction de
l’effectif à seize musiciens participe de ce son clair et brillant.
A leurs côtés, se dégage la figure juvénile de Raquel Camarinha, jeune
soprano irrésistible de naturel et de fraicheur, confondante d’aisance
vocale dans les vocalises notamment. Autre satisfaction avec les beaux
graves bien incarnés de Blandine Staskiewicz dans les récitatifs – aux
postures malheureusement quelque peu datées. Si des murmures s’élèvent
de la salle au moment où elle entonne le célèbre air «Lascia la spina»,
la mezzo-soprano ne se laisse pas impressionner et relève le défi
habilement. C’est plus encore l’alto tout de diction et de caractère de
Lucile Richardot qui déploie son art avec musicalité, également
émouvante dans un splendide air sombre accompagné aux flûtes lors de la
première partie du concert. On pourra juste lui reprocher un timbre
parfois un peu métallique, tout comme Mathias Vidal, dont la voix manque
sensiblement de substance et de couleurs. Comme à son habitude, il
compense par un admirable sens de l’expressivité et de la nuance,
toujours au plus près du texte.
Des chanteurs applaudis chaleureusement, à l’issue du spectacle, que
l’on espère retrouver très vite pour faire connaître plus encore, s’il
est besoin, ce superbe oratorio. Si des négociations sont déjà en cours,
rien n’est encore signé pour l’instant – à l’instar de la future
résidence de Pulcinella, non encore révélée.
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