dimanche 1 octobre 2017

« La Vie parisienne » de Jacques Offenbach - Opéra de Bordeaux - 27/09/2017


Pour son ouverture de saison à Bordeaux, Marc Minkowski revient à son cher Offenbach, mais cette fois sans les bons soins de Laurent Pelly à la mise en scène. On se souvient en effet des nombreuses productions réalisées avec bonheur entre les deux hommes dans les années 1990 et 2000, d’Orphée aux Enfers, à La Belle Hélène, en passant par Les Contes d’Hoffmann et La Grande-Duchesse de Gérolstein: excusez du peu! Marc Minkowski s’adjoint cette fois Vincent Huguet, découvert, notamment, à Rouen en 2015 dans la création de l’opéra Contes de la lune vague après la pluie de Xavier Dayer. Leur choix s’est tourné vers La Vie parisienne, dans sa version définitive de 1873, pour fêter avec éclat et humour l’arrivée de la ligne à grande vitesse entre Paris et Bordeaux: deux heures seulement, au lieu de trois, séparent désormais les deux villes.


Vincent Huguet s’en inspire largement en figurant une gare en travaux dans les premiers tableaux, avant qu’un loft sous les toits en zinc caractéristiques de Paris ne soit dévoilé, animant le plateau avec des allers et venues incessantes des personnages, comme des figurants et danseurs: de quoi permettre des gags visuels multiples, plus ou moins faciles, tout au long de la représentation. Fallait-il autant insister, par exemple, sur le décolleté fessier façon Mireille Darc, dévolu à Enguerrand de Hys? Que penser, aussi, des gags «raciaux» ou jouant sur le ridicule du physique? On pourra bien entendu arguer que l’époque d’Offenbach ne s’embarrassait pas de telles précautions: toujours est-il que l’équilibre entre blagues attendues et continuité de l’action fonctionne assez bien, avec des dialogues modernisés. Vincent Huguet sait aussi calmer ce tourbillon incessant pour coller au ton plus intimiste d’une musique qui s’apaise, heureusement, en de maints endroits. On retiendra surtout l’idée brillante d’entraîner le public au dehors pendant l’entracte, au bénéfice d’un ballet endiablé façon John Neumeier qui résonne sur des rythmes techno entêtants. Le tramway et la circulation interrompus sur la place de la Comédie font place pour quelques minutes à ce formidable «coup de com» conçu pour attirer de nouveaux publics et moderniser l’image de l’opéra, tandis que l’on se surprend à sourire en apercevant, au premier étage d’un immeuble voisin, la surprise des culturistes quittant leurs machines pour observer ce ballet insolite.



Cette production parvient surtout à relever le défi d’une distribution homogène: une gageure quand on sait le nombre de rôles différents en présence! Conçu à l’origine pour la troupe de comédiens-chanteurs d’Offenbach, cet ouvrage passe en effet constamment des dialogues au chant, ce qui impose surtout aux interprètes de maîtriser parfaitement la diction. Ce pari est globalement relevé par les interprètes, à l’exception notable d’Aubert Fenoy, qui non content de manquer de projection au niveau vocal, semble parfois se parler à lui-même dans ses réparties théâtrales. C’est d’autant plus regrettable que sa bonne humeur communicative compose des personnages des plus attachants. Pour le reste, la distribution n’appelle que des éloges, au premier rang desquels les rôles féminins. Aude Extrémo s’impose ainsi en baronne de Gondremarck à force de prestance et de couleurs, sans parler de la ravissante Harmonie Deschamps (Pauline) aux aigus rayonnants d’agilité. Vivement applaudie à l’issue de la représentation, Anne-Catherine Gillet (Gabrielle) se distingue quant à elle par sa virtuosité, tandis que Marie-Adeline Henry (Métella) fait valoir de beaux graves, mais aussi – ici et là – d’infimes décalages avec la fosse.


Parmi les interprètes masculins principaux, on retiendra la superbe ligne de chant de Marc Barrard (le baron de Gondremarck), au timbre un rien fatigué mais à l’émission puissante. Un peu juste côté projection, Enguerrand de Hys (Bobinet) compense par son élégance toujours appréciable, tandis que Philippe Talbot (Raoul de Gardefeu) ravit par son engagement, au bénéfice de son beau timbre clair. Tout le reste de la distribution reçoit une ovation méritée en fin de représentation, tout comme les chœurs, parfaits. On soulignera enfin la direction toujours aussi affûtée de Marc Minkowski dans ce répertoire dit «léger»: sens du rythme, mise en valeur des nuances et attention à ne pas couvrir les chanteurs. Autant de qualités qui comptent pour beaucoup dans la réussite de ce spectacle d’ouverture de saison.

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