Aucun pouvoir magique ne viendra sauver la production pourtant très attendue du Coq d'Or : après l'annulation au festival d'Aix-en-Provence 2020, c'est cette fois l'occupation de l'Opéra de Lyon qui prive les spectateurs de cet ultime bijou lyrique de Rimski. Fort heureusement, la captation permettra au moins de voir ce spectacle sur nos écrans.
Après des mois de sevrage de spectacle vivant, il
faudra encore attendre pour fouler les marches de l'Opéra de Lyon,
occupé par une poignée d'étudiants en arts inquiets pour leur avenir. Si
la direction avait soutenu ce mouvement dans un premier temps, elle se
retrouve aujourd'hui empêtrée dans un conflit qui s'enlise du fait de
revendications aussi longues qu'un catalogue à la Prévert.
En attendant, le public doit se contenter des écrans pour découvrir le quinzième et dernier opéra de Rimski-Korsakov, achevé en 1907 au soir de sa vie. La musique scintillante puise une fois encore son inspiration vers l'Orient, avec un conte satirique adapté autant par Pouchkine que Washington Irving (Les Contes de l'Alhambra), qui moque la crédulité d'un monarque bedonnant et vieillissant, ancien conquérant militaire désormais occupé à ses seuls plaisirs.
À Lyon, Barrie Kosky choisit d'évacuer une grande part de la charge
comique irrévérencieuse, très présente au I, pour donner à son monarque
les allures d'un Roi Lear perdu dans la lande, tel un fou balayant l'air
avec son épée à la recherche d'ennemis invisibles. Don Quichotte est
aussi convoqué avec un superbe cheval mécanique, animé à vue à la
manière des machines de l'île de Nantes. Moqué par le livret, le peuple
crédule et passif n'est pas épargné en revêtant d'improbables masques
équestres, qui renforcent l'atmosphère de rêve absurde que privilégie le
metteur en scène australien.
Très plastique, sa scénographie revisite à l'envi un décor unique pendant toute la représentation, donnant à imaginer plus qu'à voir la cruauté des scènes de guerre (la pendaison des deux fils en est ainsi une image forte), au moyen autant des éclairages très variés que des costumes farfelus : strass et paillettes s'invitent plusieurs fois dans cette production délirante qui n'oublie pas les artifices de la danse, également très présente.
Cette optique bénéficie de la présence animale de Dmitry Ulyanov (Le
tsar Dodon) qui occupe la scène pendant la quasi-totalité de la
représentation : ses moyens vocaux, autour d'une articulation et d'une
projection idéales, lui valent une chaleureuse et méritée accolade de
Barrie Kosky au moment des saluts. À ses côtés, l'autre grand atout du
spectacle vient de la stratosphérique Nina Minasyan, dont le rôle de la
reine de Chemakha semble avoir été écrit pour elle : autant
l'interprétation vénéneuse que l'aisance vocale sur toute la tessiture
donnent beaucoup de plaisir tout du long.
Les rôles secondaires sont tous parfaits, même si on note, par rapport à la production de Pelly, une interprétation moins haute en couleurs. Cette remarque vaut aussi pour la direction élégante et allégée de Daniele Rustioni, qui lisse les angles en une lecture un rien trop extérieure. C'est là la seule réserve concernant ce spectacle très réussi, que l'on pourra retrouver à Aix-en-Provence en juillet, avec les mêmes interprètes.
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