On est bien là dans la volonté affichée d’Alain Perroux, nouveau directeur de l’Opéra national du Rhin, de raconter des histoires, comme le proclame fièrement la brochure de saison 2021-2022 : “Il était une fois...”. Sur scène, à rebours du mélodrame, la mise en scène de Pensotti joue la carte de la sobriété en noir et blanc, refusant toute concession au Japon fantasmé, en un travail abstrait et épuré de toute beauté. Malgré une direction d’acteur trop statique, on se laisse peu à peu séduire par la poétique des symboles dévoilés peu à peu avec l’histoire parallèle de Maiko Nakamura : de l’arbre déraciné à la maison oubliée des grands-parents, les deux derniers actes fascinent par leur capacité à renouveler finement l’expression visuelle des souvenirs oppressants – ce “passé qui ne passe pas” (Pierre Bourdieu).
Côté voix, la soprano roumaine Brigitta Kele se saisit du difficile rôle-titre avec aplomb, faisant oublier quelques approximations dans le placement de voix suraigu pour mieux nous régaler de son timbre charnu, de ses superbes graves. A ses côtés, la Suzuki de Marie Karall fait étalage d’une technique sûre, qui gagnerait toutefois à davantage de prises de risque dans l’expressivité, tandis que Tassis Christoyannis (Sharpless) impressionne par sa classe vocale et son chant généreux. On est heureux de retrouver ce bel artiste dans un rôle à sa mesure, de même que l’impeccable Goro de Loïc Félix, admirable de souplesse et de musicalité sur toute la tessiture. Tous les seconds rôles se montrent à la hauteur, bien servis par la direction subtile de Giuliano Carella, qui ne couvre jamais le plateau (il est vrai aidé par la version “de chambre” proposée ici pour répondre aux impératifs de distanciation de la crise sanitaire). Le chef italien fait valoir un geste équilibré, aérien, admirable dans sa capacité à faire ressortir les détails et à différencier les pupitres, bien étagés dans la construction des crescendos.
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