Parmi les grand mélodrames initiés par le courant vériste, Adriana Lecouvreur (1902) figure parmi les plus mémorables, tant le destin tragique de l’héroïne reste indissociable de son personnage historique éponyme, une sorte de Sarah Bernhardt, très célèbre en son temps. C’est précisément la comédienne française qui remit au goût du jour en 1880 la vie amoureuse de l’ancienne égérie de Voltaire, autour d’un triangle amoureux vénéneux dont il est impossible de sortir indemne : Maurizio, écartelé entre l’amour d’Adriana et de sa rivale la Princesse de Bouillon, brouille les pistes de son identité pour mieux jouer sur tous les tableaux, laissant ses deux amantes se déchirer pour lui, en un jeu de masques finalement fatal pour Adriana.
Resté dans l’ombre de Puccini, Francesco Cilea composa peu et s’illustra surtout lors d’une brillante carrière académique d’inamovible directeur des Conservatoires de Palerme puis Naples, formant plusieurs générations d’artistes. Son chef d’oeuvre Adriana Lecouvreur impressionne par son inspiration mélodique envoûtante, même si on peut lui reprocher un livret au début peu lisible, tant les personnages s’entrecroisent en un ballet tourbillonnant, pour mettre en relief l’énergie populaire de la Comédie-Française. Cette vitalité est heureusement admirablement saisie par la production imaginée par David McVicar, qui fait là une nouvelle halte bienvenue à Paris, après avoir triomphé sur les plus grandes scènes européennes. D’emblée, McVicar donne à voir de multiples saynètes bien différenciées pour figurer les corps de métiers à l’ouvrage, avant de recentrer l’attention sur les enjeux entre les personnages. Le caractère mélancolique de Michonnet, amoureux en secret d’Adriana, s’incarne ainsi dans ses postures passives et résignées, là où Quinault et Poisson font preuve d’une jeunesse rayonnante, a contrario. Attentif aux oppositions sociales, McVicar n’en oublie pas de rappeler la condition toujours modeste d’un acteur à cette époque, au moyen d’une scénographie très réaliste, qui explore les mirages de la scène comme l’envers de son décor, plus trébuchant en coulisses. Si ce travail reste finalement d’une fidélité très classique au livret, on se délecte tout du long de la splendeur des décors et costumes, magnifiés par la variété des éclairages, pour nous emporter dans un délicieux voyage au temps d’Adriana.
Anna Netrebko et Yusif Eyvazov |
Outre ce plateau vocal de haut niveau, jusque dans le moindre second rôle, on découvre la direction tout en allègement et transparence de Jader Bignamini, qui n’en oublie jamais d’imprimer une fine tension dans les passages dramatiques. Assurément du grand art que ce geste tout en économie et en raffinement, qui exploite à merveille la variété de coloris du superlatif Orchestre de l’Opéra de Paris.
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