Parmi les événements de la saison à la Philharmonie de Paris, la venue de l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam fait logiquement salle comble, autour d’un programme des plus réjouissants. On retrouve en effet en première partie un des Concertos pour piano de W. A. Mozart, véritable jardin secret cultivé tout au long de sa courte vie, à même de rappeler ses qualités de soliste virtuose du piano, étourdissantes dès son enfance prodige. Composé pendant la prolifique année 1784 où pas moins de six concertos pour piano (14 à 19) voient le jour, le Dix-Septième fait partie des pièces maîtresses, tant son atmosphère galante et enjouée séduit d’emblée, faisant une part non négligeable aux vents, ici parfaitement rendus par le pupitre aux envolées aériennes de la phalange amstellodamoise.
Si le piano serein et sans excès, aux notes bien déliées, d’Emanuel Ax (né en 1949) respecte l’esprit de la partition, on reste parfois sur sa faim en matière de prise de risque, loin de l’électricité attendue pour le concert. L’accompagnement sans aspérités et sans nuages de Myung-Whun Chung (né en 1953) va dans le même sens en tirant Mozart vers le 19ème siècle, en un refus assumé du pathos, entre lisibilité et clarté des plans sonores. Cette interprétation cérébrale sonne un peu froid, avec un manque de vélocité du soliste, parfois couvert dans les tutti. Le bis fait la part belle à un autre compositeur autrichien en la personne de Schubert, dont Ax interprète la Sérénade crépusculaire D.957 en une délicatesse sans effets, digne de son art, démontrant qu’il est davantage un maître de l’intimisme qu’un concertiste.
Après l’entracte, la Symphonie n° 7 (1884) d’Anton Bruckner trouve en Myung-Whun Chung un de ses défenseurs les plus ardents, lui qui dirige régulièrement la musique du « Maître de Saint-Florian » depuis de nombreuses années, notamment à la tête de l’Orchestre philharmonique de Radio France (dont il fut directeur musical de 2000 à 2015). Le geste implacable du chef coréen ne cherche pas à caresser l’auditeur dans le sens du poil, allant souvent à rebours des intentions du compositeur pour imposer un idéal de « musique pure » : on assiste à une sorte de mise à nue analytique, sans tension et sans pathos, où les différents thèmes sont peu différenciés. Mélodie principale et contre-chants sont souvent mis sur le même plan, au bénéfice d’une valorisation des dynamiques, en un élan brusque et un rien expédiés dans les tutti cuivrés, en contraste avec les parties apaisées ostensiblement ralenties. Cette lecture volontairement « neutre », un rien lunaire, ne peut laisser indifférent : on sait la capacité de la direction de Chung à provoquer enthousiasme ou rejet.
Malgré toutes les qualités sonores de l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam, on avoue rester de glace à cette interprétation en forme de radiographie de la partition, qui refuse toute expressivité. Pour autant, les deux derniers mouvements de la symphonie semblent mieux résister à ce corset sévère, en mettant en valeur quelques détails superbes dans l’exploration des timbres – notamment les cors et tubas wagnériens en sourdine, comme en suspension, à la fin du III.
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